mercredi 6 octobre 2010

Mais comment font-ils?

Depuis que je suis ici, je m'envoie des repas qui me paraissent gargantuesques, que les Français autour de moi avalent sans ciller en moitié moins de temps. Et que je t'ajoute un petit fromage par-ci, et madame prendra bien un petit dessert? Un petit café, peut-être... Ah, mais ce ne sont que quelques mignardises, vous mangerez ce que vous voulez.

Pavé de foie de veau et sa poêlée de gnocchi.
Hier soir, j'ai largement dépassé mes capacités, et j'ai pourtant laissé un peu de l'entrée (pétoncles et cèpes poêlés, jus de volaille), un peu du plat (pavé de foie de veau et gnocchi), un peu de fromage (dont un fourme d'ambert, ah, avec une confiture de dattes, oh!). J'ai cru que je n'avalerais plus jamais rien de ma vie. De fait, ce matin, aucune envie de petit-déjeuner, d'autant moins que m'attendait un repas dans un étoilé Michelin. Me voilà donc, à midi et demi, après une virée d'achats compulsifs dans le marché du mercredi place du Capitole et un peu aux alentours, dans ce resto minuscule aux murs anthracite (20 couverts au gros maximum).

On m'a servi avec une exquiiiiise politesse des choses exquiiiiises, que j'ai réussi à manger avec délectation tout en plaisantant avec les serveurs (qui ont réussi à plaisanter).

Mise en bouche (oh, trois petites choses mignonnes et rigolotes, rien pour se faire du souci).
J'écoute les conversations de mes voisins, et aussi les présentations des serveurs, je note.
Le plat (khadaïf de cabillaud sur crème de céleri-pomme, chou-fleur cru, émulsion de crustacés)
Entrée. (Mes voisins ont deux entrées. Moi, je suis déjà comblée.)
Plat. (Mes voisins n'ont pas les mêmes, et la récitation est plus longue. Quand mon plat arrive, je défaille: y arriverai-je?)
Dessert. (Moi qui n'en prends jamais, je n'y puis résister, mais j'en laisse la moitié. Le garçon: «Madame n'a pas aimé le praliné?»)
Café. Mignardises.

Au secours!

Je regarde mes voisins, qui ont l'air tout à fait sains d'esprit, et qui ne sont pas du tout gros. En fin de compte, je me dis que, chez eux, ils doivent manger de la salade toute l'année. Sinon, c'est trop injuste.

Le dessert: praliné fourré crème d'amande surmonté d'un sorbet poire, poire pochée fourrée à la crème d'orange, feuillantine crème caramel, mini-clafoutis à la framboise, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise?
En tout cas, au final, la réponse, je suppose, c'est que ce genre de chose, une fois l'an, deux à la limite, très bien. Mais deux fois dans la même semaine, c'est jeter des perles aux pourceaux. Et s'il y a des gens qui carburent à ça, franchement, je les plains.

Bon, c'est pas tout ça. Faut encore que je fasse ma valise, parce que je prends le train demain pour Carcassonne, où j'espère qu'on me fichera la paix avec la gastronomie: je veux juste manger du foie gras et du confit, compris?

lundi 4 octobre 2010

À table!

Ce midi, dîner (ou déjeuner? ah, chuis toute mêlée!) à L'Amphitryon, un peu en dehors de Toulouse. Rien que pour vous dire, ce soir, je n'ai pas soupé (ou dîné, comme vous voudrez). Amuse-doigts (sic), mise en bouche, entrée no 1, entrée no 2, plat, dessert, café, mignardises, avec l'accord mets-vins, j'ai cru mourir (de plaisir!).
Avec ça que j'ai vécu ma première vraie expérience de cuisine moléculaire, ce que je résumerais en gros par: l'art de déstabiliser le client en lui servant des trucs qui n'ont pas l'air de ce qu'ils sont. Ou qui ne sont pas ce qu'ils ont l'air d'être.
Tout cela et bel et bon, vraiment, mais vous savez quoi? Rien ne vaut les vraies affaires au vrais jus. L'escalope de foie gras sur tomates éclatées et le pigeonneau rôti et fumé avec son jus, sur la purée et le carpaccio de chou-fleur (ô, la bonne idée!!!), je vais vous dire, m'ont mis les larmes aux yeux (vraiment), bien plus que les langoustines en pannequets de nouilles udon ou ce biscuit qui semblait de chocolat fourré fraise, mais qui était en fait d'olives noires fourré de sorbet de tomate.

Mais euh, dans tous les cas, on est dans des sommets jamais atteints, n'est-ce pas?

Et je ne vous parle pas des amuse-doigts, de petites choses aussi insolites que délectables, parce que je ne veux quand même pas tout vous dire, il me reste un article à écrire, eh, ho.


Après, promenade dans les vieilles rues de Toulouse, qui n'est rose, m'a-t-on dit, que depuis que ses habitants ont cessé de crépir de blanc les murs de brique (ils trouvaient que ça faisait pauvre au regard de la pierre). De fait, dans certains quartiers moins touristiques, on voit encore des vestiges de crépi sur les murs. Ce n'est pas moins joli, c'est seulement différent.

Il a fait aujourd'hui un temps de fin du monde, avec un vent à m'arracher mes lunettes. On l'appelle le vent d'autan, du provençal altanus (vent de la haute mer). Je l'aurais appelé mistral ou tramontane, mais il semble qu'il y ait ici autant de noms pour le vent que les Inuits en ont pour la neige.

Enfin, j'ai atterri dans un bar à vins, chez le Père Louis, un minuscule estaminet établi en 1889 et qui n'a assurément pas changé depuis, où il n'y a que cinq tabourets (ne me demandez pas pourquoi; on pourrait en mettre au moins 15). Patrick, le patron, va du bar (où il boit café sur café) à la cuisine (où il prépare des assiettes de confit d'oie et de jambon cru); Hélène, sa complice, sert le vin ou le quinquina maison (vin apéritif fait d'une écorce amère aux propriétés toniques et fébrifuges fournie par diverses espèces d'arbustes du genre cinchona – merci Petit Robert) dans des coupes grandes comme des dés à coudre, remplies à ras bord. J'ai dit en rigolant que c'est pour que, si le client en renverse en portant le verre à sa bouche, il comprenne qu'il a assez bu. Le patron m'a dit: «Non, c'est qu'il faut hurluper.» Hurluper, c'est boire à même le verre, comme la vache à l'abreuvoir.
Décidément, j'aurai pris de bonnes manières.

dimanche 3 octobre 2010

Toulouse

Me voici à Toulouse pour une semaine, à la faveur de la défection d'un collègue, qui a préféré s'en aller travailler pour un autre organe d'information.
Comme je le comprends! Si vous saviez la galère qu'il s'était prévue! Un périple gastronomique au pays du cassoulet et du foie gras, vous vous rendez compte? Mais voyant le désarroi de la responsable du cahier Vacances Voyage, j'ai vaillamment offert de me sacrifier pour le remplacer au pied levé. L'honneur de La Presse est sauf!
J'ai donc commencé fort, très fort: en ce radieux dimanche d'octobre, fraîchement débarquée de l'avion, après avoir titubé comme une zombie pendant une heure au marché Saint-Aubin (fruits, légumes, volailles vivantes, livres d'occasion, vêtements faits en Turquie, épices, fleurs, cochonnailles, name it), j'ai pris la direction du restaurant Le Bon Vivre (rappelez-vous qu'il n'était pour moi que 7h du matin) et je me suis envoyé mon premier cassoulet. Hop. Cuisse de canard, saucisse, couenne de porc, haricots tarbais, avec un verre de rouge pour faire descendre.
C'était bien bon. Mais, à ce rythme-là, je ne tiendrai pas longtemps. Aussi me suis-je empressée de rentrer à l'hôtel pour une sieste aussi digestive que réparatrice. Tout à l'heure, après une promenade dans les vieilles rues de la Ville rose, je me contenterai d'une petite salade... et d'un tournedos Rossini, tenez.

Je loge dans un nouvel hôtel très français, ça s'appelle The Lofts. Sans blague. J'ai un studio avec mezzanine au 18e étage d'un immeuble assez laid, très très très moderne et design et tout. Ne le dites pas à la responsable de l'office du tourisme, mais j'aurais préféré un petit vieil hôtel un peu borgne tenu par un couple âgé qui aurait eu cet asseng tellemeng charmang. Vrai, au resto, ce midi, j'écoutais une dame à côté de moi, on aurait juré Clairetteu (les plus jeunes, faites-vous expliquer par un ancêtre de mon âge). Enfin, on ne va pas cracher dans la soupe, la vue sur Toulouse est splendide, même qu'il paraît que, par temps clair, on peut voir les Pyrénées.
Demain, rendez-vous avec la responsable de l'Office du tourisme, visite de la ville, bouffe, sieste, re-bouffe. Comme ça pendant une semaine.
La galère, vous dis-je.