mercredi 2 juillet 2008

Mon pays magané

Après les charmes inénarrables de la Croatie, céder à ceux de Chicoutimi demande un peu plus d'effort. J'ai fait le voyage avec une ado de 16 ans (la demi-soeur de la fille de mon feu cousin, n'essayez pas de comprendre, il faut un dessin), qui m'a fait écouter de la musique d'ado de 16 ans. C'était, disons, décoiffant. En tout cas, ça m'a gardée éveillée. La route du parc, j'ai le plaisir de vous le dire, est en train de devenir l'une des plus belles du Québec. J'espère que, une fois que ce sera terminé, «ils» (vous savez, eux, ceux qui décident) vont faire passer la limite de vitesse de 90 à 100 km/h. De toute façon, j'ai tenu ça à 120, ça roule comme un charme.
 
Je vous écris du seul et unique café internet de la bonne ville de Chicouticou, qui est chaque fois un peu plus laide que la dernière fois que j'y suis venue. À se demander où ça va s'arrêter. On continue d'abattre les rares maisons patrimoniales encore debout pour construire des immeubles pour «personnes âgées autonomes». Non seulement c'est laid, mais je m'inquiète: «ils» (les mêmes) vont finir par manquer de vieux pour remplir ces clapiers. À tout le moins de vieux autonomes. Enfin.
 
Je suis venue dans ma ville natale pour récupérer les derniers objets du trésor familial, maintenant que mon père est au cimetière avec ma mère. Je n'ai qu'un conseil à vous donner: débarrassez-vous de vos cochonneries à mesure, ça évitera à vos héritiers de nombreux et déchirants voyages à la décharge publique (pardon, à «l'éco-centre») et d'innombrables cas de conscience: «Penses-tu qu'on devrait garder ça?
– Qu'ess tu veux qu'on en fasse?
– Je sais pas, peut-être que ça vaut quelque chose...»
 
Ben voyons.
 
On a donc balancé: la balance pour bébés au vaste cadran peint d'une cigogne (sur laquelle nous avons tous les quatre dûment été pesés, après quoi elle a servi à calculer la durée de cuisson des poulets du dimanche), des piles de 33 tours et même de 78 tours, des boîtes de cassettes, un appareil photo Polaroïd de première génération, des bouquins en anglais dont je soupçonne qu'ils n'avaient pour utilité que de décorer la bibliothèque dans laquelle je les ai toujours vus, le missel de première année de mon frère aîné, sans compter une quantité ébouriffante de seaux et de paniers (pour la cueillette des bleuets), des piquets pour tuteurer les framboisiers, une valise en plastique, des guirlandes de lumières de Noël, plusieurs numéros de la revue jeunesse Vidéopresse datant de 1974, la collection complète de L'Encyclopédie des Deux Coqs d'or pour garçons et filles (les seuls livres qu'il y avait chez nous, avec quelques recueils de condensés de Sélection du Reader's Digest et, bien sûr, les fameux livres décoratifs en anglais).
 
«Qu'ess tu veux qu'on fasse de ça?»
 
J'ai récupéré un certain nombre d'objets pour lesquels je nourrissais un attachement sentimental immodéré. Cadeaux de noces de ma mère, bibelots, une cocotte de fonte émaillée qui fait les meilleures tourtières du monde, un faitout à fond de cuivre... Ces objets ont beau nous appartenir, je me sentais comme une voleuse, et Raymonde, la femme de mon père, n'a rien fait pour dissiper ce sentiment. 
 
Si bien, mes amis, que j'ai foutrement hâte de rentrer à Montréal et de n'y plus songer jusqu'à ce que la fin de la fin se dessine enfin. Mais il faut encore acheter le monument funéraire (mon frère et moi sommes les rois de la procrastination) et régler d'autres questions de propriété.
 
Je pense que je vais léguer tous mes biens à, euh... Oh, j'y penserai une autre fois.
 
Il fait gris et humide dehors, mais glacial dans ce café où beugle une consternante radio locale. Je m'en vais écumer la trépidante rue Racine (désormais à sens unique et bordée de terrasses, c'est la mode). Tout coûte moins cher ici, même l'essence (1,36 au jour d'aujourd'hui), je vais certainement mettre la patte sur quelques irrésistibles aubaines.
 
Je vous permets de rire de mon accent quand je rentrerai, je l'ai rattrapé comme une maladie contagieuse. 

dimanche 22 juin 2008

Touriste chez soi

Je sais, j'ai claironné sur tous les toits que je déteste les bains de foule et que je n'irais pas voir McCartney à Québec. Mais bon, j'y étais, à Québec, et mon amoureux voulait tellement y être, au concert de McCartney, que je n'ai pas su dire non. Nous avons enfourché nos vélos et pédalé les neuf kilomètres qui séparent les plaines d'Abraham de la maison des amis qui nous hébergeaient. Jamais vu Québec aussi bourré de monde. Même à la SuperFrancofête en 1975 (ou en 1974?). Arrrgh.
 
Mais bon, on a attaché nos vélos devant le château Frontenac et on a marché dans les rues, et c'est vrai que la ville est de plus en plus jolie. Puis nous avons acheté une bouteille de rosé, et la dame de la SAQ a été très gentille: elle l'a débouchée, nous a filé deux gobelets de plastique, et nous sommes allés nous adosser à un arbre non loin du monument à Wolfe, un peu un retrait de la terrasse Dufferin, droit devant le fleuve. Il y avait des gens, des flics à vélo, des limousines qui rutilaient sous le porche du château. 

Soudain, une sirène jette un cri bref, des cris retentissent, tout le monde se met à courir vers la cour intérieure: Sir Paul revenait de ses tests de son. La ruée, la folie! Nous ne l'avons pas vu, mais nous avons vu un type qui avait réussi à le photographier, il lévitait. Et il ne comptait même pas aller voir le spectacle!
Nous avons finalement abouti sur les plaines, dans la cohue, au milieu des détritus qui jonchaient la pelouse (les gens ont beau se draper dans un drapeau vert et fermer le robinet entre deux coups de brosse à dents, je peux vous dire que, quand il s'agit de rapporter à la maison les reliefs de soin repas, l'homme est un porc, mes amis).
Nous nous sommes assis droit devant un écran géant, derrière la scène. Pascale Picard a fait son numéro, chouette fille avec un cran d'enfer, et puis Sir Paul est arrivé, élégant, impérial, avec sa face de bébé et sa basse. 


Je me suis éloignée un peu de la foule quand il a chanté Give peace a chance, juste pour le plaisir d'entendre un quart de million de personnes chanter à l'unisson. 
Nous sommes rentrés en pédalant tranquillement dans la nuit par le chemin Saint-Louis, c'était vraiment sympa. 
Nous sommes arrivés hier à Rivière-du-Loup, à l'Auberge internationale (autrefois connue sous le nom d'auberge de jeunesse, et c'est vrai que c'est plein de jeunes, mais de plus vieux comme nous aussi, et même plus vieux encore, et de familles avec bébés, et surtout de Français). 

Je vous déconseille chaleureusement le restaurant Chez Antoine, où nous avons soupé. C'est bien trop cher pour ce qu'on vous sert, et le décor est franchement hideux. 
Nous mangerons donc à l'auberge ce soir, ce sera chouette. Nous serons 20 cordés autour de la vaste table de bois, anglos, francos et autres, avec en prime ce soir une famille africaine. Comme quoi on n'a pas besoin d'aller loin ni de payer cher pour se sentir ailleurs... J'entends la corne de brume qui lance son appel mélancolique, ça sent la ratatouille, j'ai faim, je vais me verser un autre verre de rosé en attendant.

mardi 3 juin 2008

Londres

Dear friends and relatives,
 
Il pleut, il pleut, il pleut. C'est Londres, quoi!
 
Nous avons trouve le moyen de nous perdre hier soir en cherchant un bouiboui encore ouvert, passe minuit, parce que le sandwich achete a l'aeroport de Zadar, fait de deux eponges a recurer et d'une tranche de caoutchouc rose, n'avait rempli ni son office ni, par consequent, notre estomac.
 
Nous avons échoué dans une gargote eclairee au neon ou un poste de tele diffusait des videoclips bollywoodiens d'un kitsch absolu (je sais, c'est un pleonasme). J'ai pris un truc delicieux de poulet epice sur un pain nan. Comme quoi il ne faut pas se fier aux apparences.
 
Nous nous sommes donc ensuite egares sous la pluie et sommes rentres transis a notre hotel, une auberge de jeunesse amenagee dans un ancien tribunal ou apparemment le groupe The Clash a eu un proces, mais je ne sais pas pourquoi. En tout cas, nous avons dormi comme des bebes. La salle internet occupe une ancienne salle d'audience restee en l'etat. Je vous ecris dans le box de l'accuse, et il y a un jeune noir assis a la place du juge. C'est assez original, quoique le confort des chambres soit quelque peu spartiate. Mais nous sommes a Londres, c'est pour deux nuits... On s'en fout!
 

jeudi 29 mai 2008

Dubrovnik

Ah, mes amis, quelle beaute! Quelle douceur de vivre, quel charme (quel manque de vocabulaire)!

Nous avons pris le bateau et navigue toute la nuit, puis une partie du jour. Nous nous sommes leves a 6h pour voir la cote de Zadar, puis nous avons fait escale a Korčula, la ville natale de Marco Polo (c'est du moins ce que se plaisent a dire les Croates). Chaque fois, notre coeur s'est arrete en meme temps que le navire. Nous avons d-barque a Dubrovnik en fin d'apres-midi, et nous avons ete assaillis par une horde de locaux qui louent des chambres chez eux. Nous avons jete notre devolu sur Ivana, robuste infirmiere d'une cinquantaine d'annees, qui occupe une maison non loin du port. 

Notre fenetre donnait sur un jardin ou nous prenions l'apero en fin de journee, au milieu d'une invraisemblable quantite de chats de toutes les tailles et de toutes les couleurs, dont un nombre intdetermine de chatons qui tetent indifferemment une mere ou l'autre, selon celle qui se trouve a proximite au moment voulu.

Dubrovnik est splendide, mais j'aime autant ne pas penser au nombre de touristes qui doivent se bousculer dans les murs de la vieille ville en haute saison. Nous ne sommes que fin mai, et c'est deja bourre de monde, des groupes d'Italiens ou d'Anglais qui suivent leur guide comme des moutons leur berger, des Francais tout contents d'etre eux-memes, des Americains en bermuda et des Croates qui boivent de la biere des 10h du matin.

Nous avons deguste hier un plat de poisson et de fruits de mer tellement frais et delicieux que j'ai bien peur de ne plus jamais aimer celui qu'on mange chez nous. Le vin local a la couleur et le parfum du miel, nous l'avons deguste en compagnie de Luka, le frere d'Ivana, un homme de 51 ans qui a fait la guerre contre les Serbes en 90 et qui en a vu de toutes les couleurs. On voit des traces des combats partout sur les murs -- les Serbes ont carrement tente de detruire Dubrovnik, selon ce que disent les Croates -- et il est raisonnable de croire que ces traces restent aussi dans la tete et le coeur des habitants. 

Hier, nous avons passe l'apres-midi au bord de l'Adriatique, dont la couleur atteint une perfection de bleu que je ne crois pas avoir jamais vue. Tout juste a la sortie de la vieille ville, on a amenage quelques terrasses de beton au milieu des rochers; c'est la que les locaux viennent prendre le frais. Il y a un estaminet ou des messieurs jouent aux cartes en buvant du vin blanc coupe d'eau minerale, des filles qui soignent leur bronzage et de beaux grands ados jouent dans l'eau comme de jeunes chiens, avec une vigueur et une bonne humeur qui fait plaisir a voir. Quand ils se sont mis a se jeter a la mer depuis des hauteurs de fou, je me suis rejouie de n'etre pas leur maman... Je l'ai dit a l'un d'eux, qui m'a repondu dans un grand sourire que sa mere non plus n'aimerait pas le voir faire.

Nous irons tout a l'heure dans l'ile de Lopud, a quelques minutes d'ici, puis nous prendrons un car en fin de journee qui nous emmenera a Split, seconde ville en importance de Croatie, ou se trouve le palais d'ete de Diocletien. 

lundi 26 mai 2008

Budapest


Telle que vous ne me voyez pas, c'est la premiere fois de ma vie que je gueris normalement d'une grippe, c'est-a-dire sans me bourrer d'antibiotiques pour terrasser une bronchite avant qu'elle ne devienne pneumonie et ne me terrasse elle-meme.

J'en benis les eaux thermales de Budapest, dans lesquelles nous avons longuement marine a deux reprises au milieu d'une quantite remarquable d'eclopes de tout acabit - bossus, boiteux, ventrus, manchots et autres vieillards cacochymes. C'etait chouette, parce que, au milieu de cette faune, nous nous trouvions vachement beaux, mon homme et moi!

Budapest ne se laisse pas aimer au premier abord -- il nous a fallu y mettre quelque effort. On voit bien que la ville et ses habitants ont beaucoup souffert de la guerre et du regime communiste. Mais, curieusement, un serveur nous a affirme que ses parents, qui sont a l'aube de la soixantaine, eprouvent de la nostalgie pour les annees sovietiques. Cela donne une ville qui se cherche, entre des jeunes tres dynamiques qui demarrent de petites entreprises, ou on les voit travailler tard le soir, et une generation pour ainsi dire perdue, ceux qui avaient toujours ete completement pris en charge par l'Etat et qui ont ete abandonnes.

L'architecture baroque est ternie par des annees de pollution et de negligence, mais je prefere encore ces immeubles patines et decatis aux maisons de poupee pragoises, comme trop belles pour etre vraies. Nous logions dans une auberge de jeunesse (pas du tout reservee aux jeunes, contrairement a ce qu'on pourrait croire, mais dans tous les cas bon marche et impeccable), au milieu du quartier juif - a mon avis le plus interessant de Budapest. Un matin, nous avons atterri dans un minuscule cafe tenu par Micklos, un tres beau jeune juif au regard incroyablement franc et chaleureux, et nous avons mange les meilleurs strudels aux cerises de toute la Hongrie, j'en mettrais ma main au feu. 

Nous avons bien sur marche dans Buda, la partie plus bourgeoise et plus calme de la ville, mais elle nous a paru un peu desincarnee, une sorte de Westmount refaite apres la guerre et la revolution de 1956. En fait, le clou de notre sejour est sans conteste Memento Park, un lieu fantastique ou les Hongrois ont eu l'intelligence de conserver les icones du communisme deboulonnees en 1990. Il y a la de gigantesques statues de Lenine et de Marx, des oeuvres celebrant la gloire du proletariat ou les "martyrs de la contre-revolution" de 1956 (comme quoi tout est toujours une question de point de vue!) et autres chef-d'oeuvre du realisme socialiste. Tres instructif, et tout cela sans une once d'ironie: c'est un temoignage historique, un desir de ne pas tout effacer, en fait l'exact contraire du revisionnisme historique si cher aux apparatchiks, et c'est par la meme une entreprise remarquable.

Aujourd'hui, je vous ecris de Croatie, plus precisement de Rijeka, une ville portuaire au bord de l'Adriatique, ou nous sommes arrives hier apres une journee a Zagreb, dont nous sommes tombes raides amoureux apres la grisaille hongroise. Zagreb, tout en pentes, recele des jardins secrets, des coins invisibles, des venelles envahies de lierre et de fleurs echevelees, des terrasses ombragees, de vieilles pierres comme on les aime. Nous logions dans une tres ancienne maison dont la proprietaire n'occupe plus que deux pieces. Elle loue les autres aux voyageurs. La collection de portraits qui orne la piece centrale donne a croire qu'elle vient d'une grande famille bourgeoise qui a perdu sa fortune, peut-etre a cause des guerres, allez savoir... 

De la ville haute, ou se trouve cette maison, le regard embrasse une cascade de toits de tuiles rouges piquetee de clochers de toutes les formes qui, en ce dimanche, sonnaient a l'unisson l'heure des messes (les Croates sont tres pratiquants). Nous ne manquons pas, tout mecreants que nous soyons, de visiter toutes les eglises que nous croisons. Cela nous emerveille, nous emeut, nous touche toujours d'une manniere ou d'une autre.

Nous sommes arrives a Rijeka hier soir apres avoir traverse en car des montagnes semees de hameaux proprets, que nous avons ensuite devalees vers la mer par des chemins sinueux dans lesquels le car ne se faufilait qu'au prix de mille precautions. Ici, il y a des cafes partout, les Croates parlent italien (o joie!), mangent des glaces, font des plats de poisson divins (comment vous decrire sans vous faire pleirer notre repas d'hier, pris dans le seul restaurant de Rijeka ouvert un dimanche soir?). La mer est a deux pas, nous la prenons ce soir a bord du Marco Polo, qui nous emmenera a Dubrovnik, a l'autre bout de la cote dalmate. De la, nous remonterons tranquillement jusqu'a Zadar, d'ou nous prendrons l'avion qui nous ramenera vers Londres. Mais il ne faut pas que j'y pense trop, je vais pleurer. Carpe diem, comme on dit.

mercredi 21 mai 2008

Auschwitz

Bon, vous excuserez le decrochage chronologique, mais il me fallait prendre le temps de decanter tout cela...

Nous sommes donc alles a Auschwitz lundi. 

A l'arrivee, les batiments de brique rouge, les allees bordees de grands arbres peignes par le vent, les oiseaux qui chantent nous font presque oublier ce qui s'est passe ici. Chaque baraque est consacree a un aspect de la vie du camp ou a ce qui s'est passe dans certains pays en particulier (Belgique, Pays-Bas, etc.). Quand on a beaucoup lu sur le sujet, on n'est pas etonne - juste un peu plus profondement enfonce dans l'incomprehension. Car enfin, s'il ne s'etait agi "que" de detruire un peuple, on aurait pu le conduire a l'abattoir directement, comme on le fait avec le betail. C'aurait deja ete affreux, mais au moins n'y aurait-il pas eu toutes ces souffrances infinies... Mais non. Il fallait encore l'humiliation, l'abjection, la negation de toute humanite, la lente agonie dans le froid et les privations.

Comment toute une societe en est arrivee a cautionner cette entreprise dementielle, comment on est parvenu a deshumaniser autant de soldats pour qu'ils jouent le sinistre role qu'on avait planifie pour eux, cela me depasse encore plus qu'avant, je crois bien.

Ce qui frappe, quand on visite tous ces lieux commemoratif, ce sont les listes. Listes soigneusement dactylographiees des noms de ceux qu'on envoie a la mort, listes des biens qu'on leur a pris, listes des morts du jour, listes des objets envoyes en Allemagne pour reutilisation... Cela confine a la schizophrenie, une sorte d'obsession compulsive qui doit bien, quelque part, hanter la memoire collective des Allemands.

Et puis on prend une navette qui nous emmene a Birkenau, la ou on a porte la mecanique de mort a un sommet de cynisme et d'efficacite. Il reste peu de chose de cette section du camp, les Allemand en ayant dynamite une bonne partie dans l'espoir d'effacer les traces les plus compromettantes de leurs crimes. Le batiment des douches, intact, laisse neanmoins voir a quel point tout etait pense pour tuer un maximum de gens en un minimum de temps. 

Et puis il reste les ruines des fours crematoires, pres desquelles on a edifie un monument commemoratif. Ce jour-la, un groupe d'Israeliens se recueillaient, et il y avait dans un coin plusieurs adolescents assis tout pres les uns des autres, mais sans se toucher, le long d'une serie de marches. De temps en temps, un garcon detournait la tete pour ecraser une larme, une fille se tamponnait les yeux. Cela sans effusions, sans un mot, presque sans un geste, dans un grand silence consterne. Il y avait aussi un vieil homme coiffe d'une kippa, tres beau et tres digne, mais comme ecrase de peine. 

Nous avons repris le chemin du batiment principal, et il s'est mis a pleuvoir. D'abord doucement, une belle et bonne pluie d'ete. Puis de plus en plus fort. Pierre a eu l'idee de couper a travers une section du camp fermee par une chaine cadenassee. Je l'ai suivi. Il s'est mis a tomber des clous, des cordes, des chiens et des chats, name it. Mes sandales ne m'ont bientot plus ete d'aucune utilite dans ce chemin pierreux et vaseux; j'etais trempee comme une soupe et je sacrais comme une diablesse en maudissant mon amoureux, qui a toujours des plans sans bon sens (parce que, evidemment, si c'etait ferme, ce n'etait pas pour qu'on y entre; apres avoir traverse tout le champ, nous nous sommes retrouves pieges par les barbeles).

Et j'ai soudain pense aux millions de personnes qui ont vecu tellement, tellement pire dans ces lieux memes, dans le froid de l'hiver, sans espoir d'en sortir un jour, et je me suis mise a rire de moi-meme.

J'ai seche mon pantalon dans la salle des toilettes, nous sommes rentres en silence.


mardi 20 mai 2008

Un train de nuit vers Budapest

Les compagnies de chemin de fer se suivent et ne se ressemblent pas (comme les villes, les jours et les claviers d'ordinateur, d'ailleurs celui sur lequel je vous ecris est magyar, comme le clament les Hongrois avec fierte, et j'aime autant vous dire que c'est pas de la tarte). Le train dans lequel nous avons voyage datait sans doute de l'ere communiste. Rien ne fonctionnait normalement, le controleur avait une tete de chien enrage, mais tant pis: nous avons tout de meme dormi comme des bebes. 

Bref, a cote de la Hongrie (ou du moins de Budapest), la Pologne (ou du moins Cracovie) est une contree de richesses, de joie de vivre et d'abondance. 

Enfin. Il est vrai qu'il pleut a verse et que nous sommes tous les deux malades comme des chiens (jamais vu Pierre aussi mal en point - en fait, je ne l'avais jamais vu malade!), mais notre premier contact avec la ville n'a pas provoque de coup de foudre. 
Pourtant, il y a ici de fort bons vins (on dit beaucoup de bien du fameur Tokaj), la cuisine sort enfin de l'eternelle equation cotelette panee-patates-chou, l'architecture est completement delirante... Mais il regne une sorte de morosite qui se lit sur pratiquement tous les visages. C'est tout de meme curieux que les Hongrois ne soient pas parvenus a se sortir de cette grisaille. Nous sommes parvenus a la conclusioin qu'ils doivent commencer a sourire apres cinq heures... ou cinq bieres.

On voit beaucoup de personnes ravagees par l'alcool, ou par une vie difficile, ou les deux (a Cracovie aussi, remarquez). Les immeubles baroques portent eux aussi les cicatrices des annes noires du regime sovietique, qui les a laisses a l'abandon pour cause de beaute. La lepre les a gagnes depuis longtemps et ils montrent tristement ce qu1il reste des splendeurs de leur gloire passee. Cela a quelque chose de poignant et de choquant tout a la fois. Quand je pense qu'il s'est trouve autant de gens en Amerique pour cautionner ce regime, j'en rougis.

Demain nous irons soigner notre grippe dans un bain thermal, je mise beaucoup la-dessus parce que, apparemment, le lampion que j'ai allume a l'eglise Notre-Dame, a Cracovie, ne semble pas avoir emu les Plus Hautes Autorites.

Je ne vous parle pas de notre visite a Auschwitz, ce serait trop long et j'ai la tete comme une citrouille, m'en vais m'etendre un peu. Demain, je vous raconterai.

samedi 17 mai 2008

Grippe tchèque

Il fallait s'y attendre: nous avons attrape le virus de Laima. Mais non, ce n'est pas une nouvelle souche de grippe du poulet! Laima, c'etait notre hotesse pragoise, qui avait une grippe d'enfer quans nous y sommes alles, et nous voila malades comme des chiens. Pierre a tellement de fievre qu'il brille dans le noir. S'il se jette dans la Vistule, il va tout faire sauter (on dit que cette riviere a ete affreusement polluee par les acieries que le regime communiste avait implantees non loin d'ici). Pour ma part, je prie saint Stanislas, patron de la Pologne (ou est-ce saint Wenceslas?), pour qu'il m'epargne la pneumonie.

Nous avons tout de meme pu nous balader encore dans Cracovie aujourd'hui, qui a acheve de nous seduire. Curieux, quand meme, apres la perfection de Prague, mais c'est comme ca: j'aime bien ce qui est imparfait, en fin de compte. Ici, les immeubles portent les traces de leur age, mais la splendeur de leur architecture n'en parait que plus authentique. La difference, disons, entre Jeanne Moreau et Catherine Deneuve. Il faut toutefois faire bien attention, quand on leve le nez pour admirer une frise baroque, a ne pas se tordre la cheville dans un des innombrables trous des trottoirs, sur lesquels, par ailleurs, se garent systematiquement les voitures. Cela ne laisse qu'un mince corridor aux pietons, mais qu'a cela ne tienne: les Polonais sont des conducteurs fort courtois. D'ailleurs, c'est la une autre agreable surprise: ici, les gens sourient, rigolent et vous aident volontiers - radical changement par rapport aux Tcheques, lesquels, je regrette d 'avoir a le dire, se comportent encore comme si un indic allait les denoncer aux autorites s'ils fraternisent avec un etranger. 

Le regime sovietique a laisse de nombreuses traces ici, dont les Polonais tirent parti avec un humour bien particulier. Par exemple, une agence propose un tour en Trabant, ce celebre tacot est-allemand, dans de hauts lieux du communisme, notamment a Nowa Huta, une acierie et des habitations elevees dans toute la beaute de l'architecture sovietique dans le but de meler un peu de proletariat aux habitants de Cracovie, un peu trop intellectuels et cathos au gout du regime. Le prospectus explique qu'on finit la balade par une visite a un "expert en vodka et authentique vestige du regime communiste (pour autant que ce dernier ne se soit pas saoule a mort)". Comme dirait mon ami Marius, c'est pas gentil, mais c'est drole.

Nous esperions aller a Auschwitz demain (c'est quand meme bizarre d'ecrire ca...) mais peut-etre remettrons-nous cela a plus tard. Aussi bien, quelque chose me dit, a en juger par la quantite de touristes qui sont ici, que ca risque d'etre plutot encombre.  Notex bien ceci: Cracovie est a la mode, mes amis.

Voila, je vais essayer de dormir un peu pendant que le reste de la ville se noie dans la vodka et la biere a 5 zlotys le demi-litre (soit un peu plus de 1,50$).

Bises virtuelles, donc vous n'avez rien a craindre, mais allumez quand meme un petit lampion a saint Wenceslas (ou Stanislas?) pour le salut de mes bronches.

vendredi 16 mai 2008

Cracovie

Ben Dobry (ou quelque chose du genre, en tout cas, ca veut dire bonjour),

Nous avons quitte Prague hier. Trop de monde, trop de touristes, trop de restos, de bars et de boutiques de souvenirs a notre gout. Certes, c'est une ville magnifique, mais comme disait ma mere, la beaute, y a par que ca dans la vie... Un peu comme a Florence, on a l'impression que tout, la-bas, est axe sur la meilleure maniere d'arnaquer le touriste, de l'occuper, de le distraire, de lui vendre quelque chose.

Nous avons donc fait nos adieux a nos hotes et saute dans le train de nuit en direction de Cracovie. Nous avions achete nos billets a la gare le matin meme, 42 malheureux euros pour un compartiment prive avec couchettes. Nous n'en revenions pas. Arrives dans le train, alors que nous nous preparions avec delice a passer une nuit de genereux sommeil berces par le roulis, le controleur nous demande nos billets. 
-- Ben, vous l'avez dans vos mains, notre billet, repondons-nous dans notre meilleur tcheque. 
-- Ah non, ca, c'est votre reservation pour la couchette. You need also a ticket to ride, repond le controleur. 
-- Mais la dame au guichet de la gare nous a dit que nous n'avions pas besoin d'autre chose, que vous alliez faire nos billets!

Il nous regarde avec un air de grande commiseration mele de profonde desolation: Ah. Ensore une qui a mal fait son boulot. Ca arrive souvent... 

Pendant ce tepms, le train s'ebranle. Bon, je dis, en tout cas, la, on part, alors vous ne pouvez pas nous jeter dehors. On fait quoi, maintenant?
-- Eh bien, il faut payer, voyez, ca coute 135$US par personne for the ticket to ride. (Il nous montre un billet qui vient d'on ne sait ou.)
Devant ce qui semble l'evidence, on ne peut que s'incliner. S'il faut payer...
-- Bon, alors prenez-vous les cartes de credit?
-- Ben non, cash only. Mais il ajoute, dans sa grande magnanimite, et toujours avec l'air le plus accommodant du monde, qu'il y a bien un guichet automatique a une gare ou nous arreterons vers 1h30, qu'il se chargera obligeamment de nous reveiller pour que nous puissions retirer et lui remettre les sommes necessaires.

C'est la qu'on a commence a se dire qu'il y avait quelque chose de bizarre... Nous avions bel et bien demande a la dame du guichet deux couchettes aller seulement dans un compartiment double pour Cracovie. Elle nous a bel et bien donne un recu. Que le controleur a garde apres nous avoir souhaite la bonne nuit...

Nous nous sommes donc renseignes aupres d'autres passagers, qui nous ont confirme qu'ils n'avaient pas du tout paye 135$US pour un tichet to ride! Mais il etait vrai aussi que la dame du guichet (je me suis demande si elle n'etait pas de meche avec le controleur) ne nous avait pas vendu le bon billet. Mon pauvre Pierre en a donc ete quitte pour, en effet, se relever a 1h30 et accompagner le controleur jusqu'a un guichet automatique... mais nous lui avons paye seulement la difference entre notre reservation de couchette et le fameux billet, soit une petite trentaine de dollars. Non mais. 

Autrement, Cracovie est une ville vraiment etonnante, completement decrepite, vivante et quelque peu chaotique. Plus proche de Naples que de Florence, si vous voyez ce que je veux dire. Nos logeons dans un vaste appartement que nous partageons avec d'autres voyageurs. Propre, confortable et tranquille, ca va nous reposer un peu! 

Allez, je vous laisse, faut que j'aille manger des pierogis.

mercredi 14 mai 2008

Prague

Nous voici a Prague depuis deux jours, dans une famille d'un genre dont je ne connaissais aucun specimen jusqu'ici. La maman fait la greve du menage, dort sur un canape-lit devant la tele dans la cuisine. Le papa, journaliste pour une radio americaine, passe ses soirees enferme dans ce que sa femme, Laima, appelle her husband's kingdom. Le plus petit des quatre fils dort avec sa maman, l'avant-dernier joue de la guitare electrique en ce moment meme pendant que je vous ecris sur son portable, dans sa chambre qui sent la chambre d'ado.
 
Nous sommes alles ce soir entendre un concert d'un groupe de gitans roumains dans une salle qui date sans doute de l'epoque sovietique mais qui m'a rappele les premieres annees du Spectrum.
 
La biere coule a flots et coute moins cher que l'eau minerale, on mange des patates et de la viande, je suis en train de devenir aussi grosse que Ginette Reno. Mais je m'amuse, meme si Prague est un peu trop belle et un peu trop parfaite apres Berlin, un peu comme une trop belle femme qui ne se livre jamais vraiment. Beaucoup de tres beaux immeubles, mais peu de vraie vie. Enfin.
 
Je vous laisse parce que Julius (l'ado gothique) doit fatiguer un peu. Je suppose que je trouverai le moyen de vous decrire un peu mieux ce magnifique concert et tout le reste.
 

jeudi 8 mai 2008

Berlin

Nous voici donc à Berlin. Nous logeons chez Julia, une comédienne de 40 ans qui a tellement d'énergie que j'ai l'air d'une larve à côté d'elle. Elle parle parfaitement anglais, français et (évidemment) allemand, souvent dans la même phrase, vit dans un appartement typiquement berlinois aux plafonds vertigineux ou il règne un bordel permanent. Elle a deux petits garçons (que nous n'avons pas encore vus), deux chats et deux perruches. Il y a des jouets et des dessins d'enfants partout, des objets africains (elle est née en Afrique de parents diplomates), des bouquins, des trucs et des machins. Nous passons complètement inapercus dans cette joyeuse anarchie, c'est parfait. Ce soir, nous nous sommes engagés à faire le souper (poulet et frites, pour faire plaisir aux enfants), on va rigoler dans le placard qui sert de cuisine, je sens ça.

Julia a aménagé dans l'une des pièces une mezzanine que l'on atteint en escaladant une échelle, et dont on descend par une glissoire. En principe, c'est la «chambre» des enfants; en l'occurrence, c'est là que nous dormons. Personnellement, je descends par l'échelle (j'ai ma fierté), mais Pierre, qui ne recule jamais devant une nouvelle expérience, préfère la glissoire. À 3h du matin, je dois vous dire que ce fut un spectacle assez divertissant.

Hier nous avons marché dans la ville, comme nous aimons faire. Nous avons traversé un marché turc en plein air tout plein d'odeurs et de couleurs, puis longé le tracé du mur-qui-n'existe-plus-sauf-dans-la-tête-des-Berlinois jusqu'à
 la porte de Brandebourg. 

Il y a une quantité remarquable de jeunes et belles personnes (mais où sont les vieux?), pas trop de touristes – quoique la file devant le Reichstag (le parlement) nous a dissuadés d'en tenter l'ascension. Demain, peut-être... 

Nous avons aussi fait un tour sur la Spree, la rivière qui traverse la ville, et les bâtiments modernes qui la bordent nous ont soufflés. Quelle audace! Quelle géniale façon d'aménager une ville! On a décidément des leçons a tirer de toute cette beauté. De place en place, un immeuble ancien montre ses fioritures et ses vieilles cicatrices de guerre au milieu de ces murs d'acier et de verre, et cela crée un contraste vraiment surprenant.

Mais bon. Mon amoureux attend que je libère l'ordi, alors je vous laisse la-dessus. Aujourd'hui, nous irons longer à vélo l'ancienne emprise du mus, il paraît qu'il y a bien des choses a découvrir.

lundi 5 mai 2008

Dans un peu plus de six heures...

... nous serons dans l'avion en direction de Londres.

Ma valise n'est pas finie, mon lit est un champ de bataille où une quantité de t-shirts, froissés de n'avoir pas été choisis pour le voyage, font la grève avec des chaussettes, quelques chemises, un jean ou deux... Eh. On part pour un mois, quand même, et sans plan précis... Finirons-nous par nous écraser sur une plage de Croatie? Déciderons-nous sur un coup de tête de sauter dans un avion pour Istanbul? Il faut prévoir toutes les éventualités. Et si nous allions au concert à Vienne? Et s'il fait un froid de caribou à Ljubljana? Et si la canicule s'abat sur Prague? Ah, mes amis, ces questions philosophiques m'épuisent.

En tout cas, pour l'heure, nous passerons la journée de demain dans la City, puis nous nous envolerons le soir même pour Berlin, où une famille nous attend. Je pense commencer une collection de noms de saucisses.

Bon. Je vais essayer de remettre de l'ordre dans mes idées et dans ma chambre, je vous redonne des nouvelles bientôt.

mardi 15 avril 2008

Retour et redépart

Ben voilà. Suis rentrée de mes quatre jours au Club Med avec une laryngite et la carte du monde tatouée en rose et brun dans le dos (gracieuseté du soleil d'Ixtapa). Maintenant, j'ai l'air d'une crème glacée napolitaine (vanille, fraise, chocolat) et j'ouvre les paris sur le moment où va se déclarer mon cancer de la peau. 

Je n'ai rien vu du Mexique, évidemment, mais n'empêche, ça m'a donné envie d'y aller, pour vrai cette fois. On verra ça l'an prochain.

L'avion entre Atlanta et Montréal tenait plus d'un autobus scolaire ailé que d'un appareil à réaction. J'y ai rencontré un type qui s'est empressé de me laisser entendre que le fric lui sortait par les oreilles. À vrai dire, ce qui lui sortait des oreilles, outre, je le soupçonne, une disgracieuse pilosité, c'est un ego surdimensionné et une suffisance proportionnelle. Qu'ess tu veux que ça me fasse, Chose, que tu aies des maisons dans tous les pays du monde et que tu reviennes d'un week-end dans ta villa du Belize? Pis pourquoi t'as pas un jet privé? Il est vrai que, dans un jet privé, il y a moins de femmes à impressionner.

Tsss. Il est mal tombé, le pauvre. 

Enfin.

Je suis en outre heureuse de vous annoncer qu'on a donné des cours de service à la clientèle aux douaniers américains. Ils sont moins grossiers qu'avant, presque gentils, et il y en a même qui sourient et qui disent s'il vous plaît, merci, have a good day. N'empêche, à défiler comme ça en compagnie de mes camarades d'infortune dans des corridors aux parcours byzantins, je me sens toujours comme une prisonnière qu'on interne. Et que je te fais retirer ta ceinture, tes souliers, tes (rares) bijoux. Et que je te fouille la valise. Et que je t'examine avec suspicion les petites bouteilles de crème comme si c'était du TNT. Au suivant! 

Le plus drôle, c'est au Mexique. Là, pas d'appareil à rayon X: c'est une douanière qui tâtonne sommairement le contenu de votre bagage à la recherche d'un objet suspect. Elle déplace la trousse de toilette, soulève une chaussure, écarte vaguement un vêtement, et bien entendu n'arrive plus à refermer le zip tant ma petite valise est paquetée serré. On n'y mettrait pas une pièce de monnaie. Et franchement, si j'avais une peau d'ours polaire ou des défenses d'éléphant à faire passer en douce, croyez-vous vraiment que je mettrais ça sur le dessus de mon sac?

On nous prend vraiment pour des déficients.

Je reprends mon boulot de correctrice vendredi pour trois semaines, après quoi je repars (est-ce que je vous l'ai dit?) pour un mois en Europe centrale (Berlin, Prague, Bratislava, Budapest...). Cette fois en vacances.

Comment ça, des vacances? Ben oui. C'est comme ça.

Je vous embrasse, bande de jaloux.

lundi 7 avril 2008

Le ventre plein

... En l'occurrence, ce qui est encore pire, le ventre plein du pâté chinois que mon amoureux et moi avons mitonné avec une connivence peu commune, le pâté chinois de chaque Québécois qui se respecte étant par définition inaltérable, immuable et inchangé depuis des générations pour la simple raison que chacun est persuadé que le sien est le meilleur.

(À mes amis étrangers qui le demanderont la recette, je m'engage à leur transmettre toutes celles que mes amis québécois m'enverront. Pas pire comme défi, quand même. Mieux encore, je ferai suivre à tous les envoyeurs de recette les commentaires de tous les essayeurs qui me les feront parvenir. Ce qui est encore plus pas pire, je trouve.) (Pour mes amis étrangers, je précise que la locution "pas pire" équivaut à "pas mal".)

Bref, j'étais en train de me plaindre le ventre plein, et je ne vais pas m'arrêter en si bon chemin, pâté chinois ou pas. La princesse au petit pois, c'est moi, je vous prie de ne pas l'oublier.

Je dois me lever demain à 3h30, une heure qui n'est pas faite pour les chrétiens, même si j'ai l'habitude, à cette heure, de me lever de mon propre chef pour manger un bol de Cheerios. (Pour mes amis étrangers: des Cheerios, ce sont des céréales d'avoine en forme d'anneaux, supposément sucrées au miel et additionnées de noix dont je dois confesser n'avoir jamais reconnu le moindre atome, mais bon, on noie ça dans du lait froid et ça n'a pas son pareil pour vous replonger sa femme – en l'occurrence moi-même – dans un sommeil de nouveau-né.) 


Mais le but de la minute Cheerios est justement d'aider la femme (en l'occurrence moi-même) à retrouver le sommeil, alors que là, avant d'avoir absorbé la moindre molécule de caféine, je vais devoir appeler un taxi, me rendre à l'aéroport, parler à des gens, me faire traiter comme une vache d'abattoir par les douaniers américains, être gentille, reconnaissante et polie avec la responsable VIP du voyage idiot que je m'en vais faire et attendre pendant deux heures qu'on daigne me faire monter dans un avion pour... Atlanta.

Atlanta.

Je vous demande un peu.

Mais si le but était Atlanta, je suppose que, étant donné mon enthousiasme naturel, j'y trouverais quelque chose d'intéressant. Non, là, on parle de l'aéroport d'Atlanta, où j'attendrai un vol pour Mexico.

Bon, Mexico, on serait bête de se plaindre. Mais là encore, je ne ferai que passer, parce que je dois y glander pendant deux ou trois heures dans l'attente d'un coucou de Mexicana qui me mènera à Zihuatanejo, d'où je me rendrai au chic, nouvellement rénové et follement design Club Med d'Ixtapa avec une bande de pseudo VIP comme moi pour un reportage sur l'inauguration du chic, nouvellement rénové et follement design Club Med d'Ixtapa. Ce sera transcendant, je ne vous dis que ça, surtout de la part d'une femme qui loge dans les pensions les plus modestes quand elle voyage de son propre chef, juste pour le plaisir d'éviter les pseudo VIP, les touristes argentés et les maîtres d'hôtel hautains.

Pendant ce temps, à Montréal, les gens sont à moitié dingues de ce soleil qu'ils ont attendu pendant si longtemps, et encore hier je suis allée communier à cette allégresse collective rue Saint-Denis et je vous le confesse: j'aime mieux ça que n'importe quel Club Merde du monde. Oui, il y a une foule démente, on ne passe que de peine et de misère à travers les poussettes, les percés, les tatoués, les énervés nu-pieds dans leurs sandales, les chiens, les crottes de chien, les vieux couples, les drogués, les jeunes couples, les poussettes, les tatoués... Mais je ne sais pas, il y a ici une sorte d'euphorie que j'adooooore.

Mais bon. Je vais me faire un petit fond de bronzage, et puis le 5 mai je pars pour un mois avec mon amoureux pour Berlin, Prague, Budapest et je ne sais trop où. 

jeudi 20 mars 2008

Le retour

Les amis, je ne veux pas vous faire de peine, mais qu'est-ce que c'est laid, ici!

Je suis rentrée aujourd'hui, après trois heures de train, deux heures à glander à l'aéroport et sept heures d'avion, et qu'est-ce qui m'attend ici? Des tas de neige sale et baveuse, des rues fangeuses et défoncées, des trottoirs impraticables couverts de détritus... On se croirait dans le tiers-monde!

Je n'ai pas vu le soleil depuis 10 jours, il m'est tombé sur la tête des averses glaciales, de la grêle, de la neige fondante, j'ai été obligée de boire une sorte de bière différente chaque soir, j'ai dû manger plein de frites et de croquettes de pommes de terre avec mon lapin à la bière et mon boeuf à la bière, je me suis égarée dans des rues plus courtes que leur nom, j'ai vu des champs couverts de jonquilles en fleurs, j'ai visité des églises frigorifiantes toutes sombres pleines de vieilles toiles d'on sait plus qui, et je vais vous dire, malgré toutes ces souffrances, j'échangerais volontiers deux ans de vie à Montréal contre une seule année à Bruges. Ou à Amsterdam. 

Enfin. Là, je suis CREVÉE, alors si ça ne vous fait rien je vais gagner mon beau grand lit tout neuf, dont le matelas mesure au moins un mètre d'épaisseur, c'est ridicule. Mais c'est un nuage. Alors bonne nuit les petits, pour moi il est 3 h du mat, je crois que ça suffit pour aujourd'hui.

mardi 18 mars 2008

Bruges, BRUGES!

Oh...

Qui a osé me dire que Gand est la plus belle ville d'Europe? Sans doute est-il tombé raide amoureux là-bas de quelque nymphe flamande, ou alors il n'est jamais venu à Bruges... 

D'accord, je n'ai pas vu Venise, ni Prague, ni un tas d'autres villes susceptibles de conquérir mon coeur infidèle. Mais Bruges! 

Bon, c'est vrai, on gèle. Il a grêlé ce matin, puis il a fait soleil cinq minutes, puis il a plu des clous pendant cinq minutes, et le reste du temps il a fait gris souris et froid de canard. Malgré cela, il y a déjà des touristes partout – j'aime autant ne pas penser au mois de juillet ici, ça doit ressembler à une représentation de l'enfer par ce vieux Jérôme Bosch. En dépit de cela, et de ce temps de chien, et de la solitude qui commence à me peser (manger toute seule chez moi, ça ne me fait pas un pli, mais au resto tous les soirs, euh...), bref, en dépit de ces légers inconvénients, je n'ai pas assez d'yeux pour tout aimer, pas assez d'âme pour tout embrasser, pas assez de temps pour vous dire comme cette ville est belle, parfaite en elle-même, même si elle est maquillée et refaite comme une pute.

Je loge dans un B&B absolument impeccable, juste assez pas trop proche du vieux centre et sans doute beaucoup trop cher pour moi, dans une trop jolie maison ancienne (euh, je n'ai rien vu ici qui ne soit pas ancien, mais bon...) dont la proprio, Annie, est une soie exquise – à son image, tout ici est exquis.

Vous m'excuserez si je vous écoeure, mais franchement, Bruges...

Allei, bien des bises, en général trois.

dimanche 16 mars 2008

Simone


Comme je le craignais, Gand est une ville tellement trop romantique que je ne veux plus partir. Mais Bruges m’attend, et je sais que je ne serai pas déçue. On me dit que c’est plus petit et plus tranquille que Gand, j’aime autant vous dire que je ne me ferai pas mourir là-bas, sauf d’amour pour les vieilles pierres.
J’ai rencontré vendredi le fils d’une femme que mon père, paraît-il, a failli épouser quand il était jeune policier militaire, pendant la Deuxième Guerre. Hier, nous sommes allés voir sa maman, Simone, au foyer où elle attend désormais que sa vie se termine. Elle est toute menue et tassée, n’a plus du tout de mémoire et se conduit comme une petite fille timide, demandant sans cesse si elle doit payer pour ceci ou cela, mangeant avec gourmandise mais fort proprement la glace que son fils lui apporte… 
Je lui ai montré des photos d’elle à 24 ans, avec papa en uniforme qui l’enlace bien solidement d’un bras pendant que, de l’autre, il tient  Jeanne, sa maman  à elle. Sur d’autres photos, on voit Simone, souriante et jolie dans une simple robe à carreaux, ou papa, beau et fier comme Marlon Brando à cet âge, sanglé dans son uniforme. Elle a eu un bref éclair dans le regard, qui s’est éteint aussitôt. Quand je lui ai dit que ce jeune homme avait été son amoureux autrefois, elle s’est écriée, étonnée, incrédule même, comme en s’excusant : «Ah oui ? Je savais pas ! Je me souviens pas !» J’ai dit : «Il était beau, hein ? Et regardez comme vous êtes jolie, vous aussi !
– Ah oui, il est beau… C’est moi, là ? Et là, c’est ma maman ? Ah bon ? Je me souviens pas…»
C’était un peu triste, mais pas trop. Et puis elle s’est mise à dire qu’elle était mall, très mall, vous savez ? Avec cet accent bellge si particulier. Mais ce qui était chouette, c’était qu’elle se souvînt de son français, que presque plus aucun Flamand ne parle maintenant, et qu'elle-même n'avait plus parlé depuis des lustres.
Ensuite, Frédéric et sa femme, qui sont absolument adorables, m’ont emmenée manger devinez quoi ?
Allons, un petit effort…
Ouéééé ! Moules et frites, allei. Que c’était bon !
Aujourd’hui, j’ai marché sous la pluie (vive le climat belge!), visité le château des comtes et deux ou trois autres trucs, et j’ai terminé la journée au musée des beaux-arts, où la collection d’art flamand a bien failli me terrasser à jamais. Brueghel, Bosch, Rubens, Van Dyke, en voulez-vous, en voilà. J’ai bien essayé de me déguiser en plante verte à l’heure de fermeture, mais on m’a démasquée et j’ai dû sortir comme tout le monde.
Puis j’ai soupé dans la famille du monsieur qui m’avait aidée, il y a trois ou quatre ans, à retrouver Simone. Il a écrit des livres sur la guerre et sur les Juifs de Gand, on a parlé de tout ça et du reste, et voilà.

jeudi 13 mars 2008

Tous à Amsterdam!

Mes amis, quelle ville adorable. Quel peuple génial. Quelle qualité de vie, c'est à en pleurer. Je ne vous raconterai rien parce que tout sera dans le journal un de ces jours et ce serait franchement le bout de la comète si je devais me scooper moi-même, mais enfin bref, malgré le vent qui souffle à décoiffer Mireille Mathieu en personne, le temps gris et parfois vraiment affreux qui nous a suivis tout du long, je suis irrémédiablement amoureuse d'Amsterdam, de ses canaux, de ses vélos, de ses habitants, de cette langue bizarre, des cafés, de tout tout tout. Sauf de la gastronomie, franchement, je regrette d'avoir à le dire.

Nous sommes allés ce soir faire un tour dans le Red Light, paraît qu'on ne vient pas ici sans ça. Oh, que je suis contente de n'être pas la maman de ces petites filles-là... Elles sont si jeunes, si jolies, si pathétiques! Je me suis retenue à deux mains pour ne pas toquer à la fenêtre de l'une d'elles: «Combien ça coûte, une heure? Je veux juste parler, dis-moi d'où tu viens et pourquoi tu es ici, comme une pauvre bête de zoo, à montrer ton joli derrière et tes faux seins...»

Et c'est vraiment trop bizarre de voir monsieur et madame Touriste-Moyen se photographier mutuellement devant une enseigne de sex-shop comme s'ils étaient devant un resto grec de la rue Duluth!

Enfin. Demain, je prends le train pour Gand, dont on m'a dit que c'est la plus belle ville d'Europe. Si c'est vrai, je crains de ne pas revenir, mais ne cherchez pas à savoir ce que je suis devenue, et ne vous inquiétez pas pour moi: je peux toujours venir arrondir mes fins de mois à Amsterdam, ce n'est qu'à deux heures de train. Et la chirurgie plastique fait des miracles de nos jours, alors l'âge n'est même plus un obstacle. Même, je pourrais adopter une ou deux de ces pauvres petites perles slaves au regard fatigué...

mardi 11 mars 2008

La fête à la grenouille

Mes amis, il pleut, il pleut, il pleut. Jamais vu autant d'eau. En plus, nous sommes en basse saison, tout est fermé, à se demander pourquoi on m'a envoyée ici. Je ne formulerai pas d'hypothèses qui risqueraient de plonger dans la perplexité ceux qui ne connaissent pas mon adorable patronne, mais les autres comprendront.

Je suis certaine que la Hollande est un pays adorable. J'aimerais seulement voir tout ça pendant une saison normale, c'est-â-dire quand il y a des feuilles aux arbres, des fleurs, des gens, chépas, mais de la VIE.

Enfin.

J'ai l'air de me plaindre, comme ça, mais ne vous y trompez pas, je n'en ai pas l'air: c'est exactement ce que je fais. 

Ce soir, pour apprécier pleinement la gastronomie hollandaise, nous sommes allés manger dans un restaurant chinois. C'était délicieux. J'ai pris un filet d'agneau sauce soya, Ivanoh a choisi un sauté poulet-crevettes. 

Pour tout vous dire, le mot gastronomie n'existe probablement pas en néerlandais.

Amsterdam est une ville magnifique, la campagne est tout à fait adorable le temps qu'elle dure (on n'est pas sitôt sorti d'un hameau qu'on entre dans un autre, ça n'arrête jamais) et les gens, ben les gens, malgré toute l'eau qu'il tombe, ils pédalent stoïquement, tête et mains nues, sur leurs bonnes grosses bicyclettes à une vitesse, les mains soudées au guidon, un enfant ou deux juchés sur le porte-bagage oui le guidon. C'est quand même étonnant que le vélomoteur et le scooter n'aient pas supplanté le vélo. 

Nous logeons ce soir dans un gîte tenu par une Française charmante, tout est impeccable. Si seulement il peut arrêter de pleuvoir (et, partant, mon photographe de râler), mon bonheur commencera à poindre.

dimanche 9 mars 2008

Le chaos

Eh non, je ne suis pas à Amsterdam. Mes pires appréhensions se sont matérialisées: nous avons longuement attendu un vol qui n'est jamais parti, pour cause de tempête du siècle. 

Aventure, aventure, quand tu nous tiens! 

Il y avait cinq heures d'attente pour obtenir un taxi, alors je me suis résolue à appeler mon bon Pierre à 2 h du matin (3 à l'heure avancée, en fait), qui s'est vaillamment extrait de son lit douillet pour venir nous récupérer, Ivanoh et moi. C'est pas un amoureux, ça?

En principe, nous devons donc partir ce soir mais, compte tenu de l'indescriptible chaos qui régnait partout dans l'aéroport hier, je me demande si on n'aura pas égaré l'avion, le pilote ou peut-être même nos noms sur la liste des passagers.

Enfin, nous verrons bien. Au moins Ivanoh a-t-il bravement récupéré nos bagages, de sorte qu'ils ne risquent pas de se retrouver à Tahiti pendant que nous nous ferons doucher par les averses néerlandaises. (Mais l'inverse ne me dérangerait pas tant que ça.)

Voilà, je vais profiter de l'occasion pour faire une dernière révision de ma valise, des fois que je pourrais y glisser quelque indispensable brimborion que j'aurais oublié.

vendredi 7 mars 2008

Lili-Mai

Une fois n'est pas coutume: je ne parerai pas de voyage aujourd'hui. Comme vous avez été nombreux à me demander qui est Lili-Mai, que j'ai eu l'insigne honneur de voir en chair et en os dans le métro hier, je consens à combler cette grave lacune dans votre culture. 

Il s'agit d'un personnage du téléroman Providence (Radio-Canada, mardi, 20h). Un truc abracadabrant où les gens meurent, se marient, ont des problèmes de jeu compulsif, des accidents et des maladies à une cadence qui rendrait fou n'importe quel être humain normalement constitué. 


En plus, il y a tout un tricotage d'enfants illégitimes qui ne sont plus des demi-frères et avec qui on peut donc désormais coucher sans arrière-pensée, des concurrents en affaires qui deviennent amants, une histoire de femme battue, un enfant rejet à l'école, un fiancé qui ne veut plus se marier parce qu'il a appris que sa future avait couché avec son ex-mari, alors que lui-même a déjà couché avec le demi-frère de la soeur de l'ex. 

En fin de compte, le futur s'est marié quand même mais il est mort noyé peu après, ce qui fait que la table est mise pour que sa veuve (par ailleurs enceinte) reprenne enfin avec l'ex-mari, dont la psychologue est tombée amoureuse du frère (celui qui avait des problèmes de jeu compulsif), ce qui fait probablement que sa femme (celle du joueur) va sans doute renouer avec l'autre frère, avec qui elle a eu une fille que Bertrand (le joueur) avait toujours crue sienne. 

Pendant ce temps, Lili-Mai (oui, oui, celle que j'aie vue hier dans le métro), atteinte de fibrose kystique, tousse à fendre l'âme et vit à 100 à l'heure au cas où la Grande Faucheuse viendrait l'enlever. C'est pourquoi, malgré ses 16 ans, elle s'est mariée avec Diego, l'employé de ferme de son père (nul autre que le joueur amoureux de la psy), dont la soeur est danseuse nue et qui, bien qu'il soit aussi latino-américain que sa maman, parle en français avec les deux.

Vous me suivez?

jeudi 6 mars 2008

Je change...

Sans blague.

Je pars après-demain, et la question de mon bagage (notez le singulier) ne m'a même pas encore effleurée. Chaussures? Oh, bon, oui, sans doute, j'aurai quelques angoisses existentielles samedi matin. Mais replaçons les choses en contexte: je serai à Amsterdam et en Belgique au mois de MARS
. Donc: pluie, pluie, pluie (c'est à croire que ma bienveillante patronne a tout fait pour me faire plaisir).

Bref, je vais penser pratique. Je jure donc devant saint Christophe, patron des voyageurs, et devant vous tous, que je n'emporterai pas plus, pour ces 12 jours, que ce que peut contenir ma fidèle petite valise bleue (celle-là même qui m'accompagne depuis le début de cette drôle d'aventure qui n'en est pas une), en plus du sac à dos qui protège le portable antédiluvien que mon employeur a la bonté de me prêter. 

Ce remarquable ascétisme me donne entre autres sujets de fierté celui d'être, parmi toutes les princesses au petit pois du monde, celle qui voyage le plus léger. (Cela fait aussi que je n'ai jamais à subir au carrousel le ridicule de repêcher un bagage surdimensionné.) Toute cette sagesse me permet de passer incognito et vous conviendrez que, pour une journaliste affectée à des sujets d'une importance aussi capitale pour la suite du monde, la chose ne manque pas d'intérêt.

Voilà, je vous raconte tout ça mais on annonce une tempête pour le week-end. Il se pourrait bien que je ne puisse pas partir, auquel cas tout ce que je viens de vous raconter relève du pur fantasme. 

Mais nous verrons plus tard. D'ici là, je tiens à vous signaler que j'ai vu Lili-Mai dans le métro ce matin.


vendredi 29 février 2008

Dans le port d'Amsterdam...

Dans le port d'Amsterdam
Y a des marins qui chantent
Les rêves qui les hantent
Au large d'Amsterdam
Dans le port d'Amsterdam..................

 
Aha! Voilà, ça y est, je vous ai enfoncé cette chanson jusqu'au fin fond du cervelet, d'où elle ne ressortira que lorsque moi-même serai revenue du périple qui doit me mener là-bas. Je ne pars que le 8 mars, vous avez le temps de souffrir et moi aussi, à me tourner les pouces comme ça entre-temps. Enfin. 
 
J'irai bien sûr visiter la maison d'Anne Frank, et j'espère qu'on ne nous fera pas un jour le coup que Micha Defonseca vient d'avouer qu'elle avait fait avec son livre Survivre avec les loups (dont j'avais fait la recension pour le cahier Lectures de votre journal préféré). Elle avait soutenu que cette histoire était autobiographique. Or, elle a tout inventé. Mais quand on dit tout: elle n'est seulement pas juive! Enfin, ça faisait tout de même une bonne histoire, je me demande pourquoi elle s'est crue obligée de dire que tout était vrai.
 
C'est son éditeur qui doit être content. 
 
Bref. J'irai aussi à Edam, ville du fromage éponyme, et faire semblant de croire qu'il y a vraiment des Hollandais qui portent toujours des sabots à Volendam. 
 
Après la Hollande, ses tulipes, ses sabots et ses moulins à vent, je prendrai le train jusqu'à Gand, en Belgique, puis j'irai à Bruges (Brel a sûrement écrit quelque chose sur Bruges, non? Je vais trouver, vous ne perdez rien pour attendre). 
 
Voilà. Les moules et les frites n'ont qu'à bien se tenir.

mardi 19 février 2008

Au pays des castors

Me voici en plein coeur de la forêt laurentienne, où je suis censée traquer le Français assoiffé de grands espaces et recueillir ses impressions. Je reconnais que, à la suite du voyage quasi initiatique que je viens de faire jusqu'aux tréfonds de mes racines dans la Normandie profonde, le contraste est plutôt fort et l'ironie, assez piquante. 

Remarquez, je n'aurai pas loin à marcher, car j'aime autant vous le dire, et je compte en alerter la population: nous sommes INFESTÉS de Français à la recherche d'authenticité!

Donc, au programme demain: randonnée en traîneau à chiens, puis retour aux sombres jours de mon enfance pour une promenade en motoneige. J'ose espérer qu'Armand, mon collègue photographe, aura pour ma pauvre personne plus d'égards que n'en avait feu notre père. Il était fort aimant, certes, mais néanmoins quelque peu emporté. Ainsi lui arrivait-il régulièrement de nous semer en route sans s'en apercevoir, tout occupé qu'il était à maîtriser son rutilant Sno-Jet et à caracoler dans les sentiers cahoteux de la forêt derrière chez nous, où s'élèvent désormais des séries de manoirs californiens en placoplâtre posés sur des mouchoirs de poche gazonnés.

Les temps changent, que voulez-vous.

samedi 9 février 2008

La classe

Chers et estimés,

Je suis rentrée en classe affaires, oui messieurs-dames, et j'aime autant vous dire qu'Air France ne niaise pas avec ces choses-là. Et que je te déplie une petite nappe blanche sur ta petite table, et que je te pose là-dessus un petit plateau lui-même nappé de blanc, avec encore une serviette blanche qui enveloppe deux fois trop de couverts en bon et bel acier, à croire que les terroristes susceptibles de commettre un attentat au couteau de table ne pourraient songer à débourser le malheureux supplément qu'il faut pour avoir le droit de manger comme des personnes civilisées en avion et d'égorger ensuite le pilote, le copilote et tous les agents de bord. 


Remarquez, c'est bien agréable de faire dînette comme ça, mais un peu moins de tissu blanc ne changerait rien à l'affaire. Trop de chichis, c'est comme pas assez.

Aussi galonné que des membres de l'amirauté, le personnel traite les passagers de ce côté-ci du rideau comme de grands convalescents. Vous me direz, c'est pareil en classe écono. Ah mais pas du tout. En classe écono, on nous traite comme des déficients légers. Pourtant, s'il y a une chose qui devrait être inversée, c'est bien celle-là.

À l'aéroport, nous sommes arrivés en même temps que deux ou trois fournées de joyeux naufragés de retour de Punta Cana ou de je ne sais quel bord de mer. Des beaufs en marcel et bermuda avec leur dame boudinée dans une minijupe de jean, le chapeau de palme tressée attaché à la poussette, des valises absurdement énormes, ça s'interpelle, ça pleure au contrôle de la douane parce que ça n'a pas rempli son formulaire ou parce que ça rapporte une bouteille de rhum de trop, tout ce beau monde est toasté comme un paquet de biscottes, ils sont contents d'être heureux et on est heureux pour eux, mais contents de ne pas être eux, quand même.

Bon, encore des commentaires subjectifs, ma boss n'aimerait pas ça.

Voilà, j'ai donc retrouvé mes deux fauves affamés qui m'ont ronronné dans les oreilles toute la nuit, mes six oreillers, mes insomnies et mon angoisse de l'écran vide. J'en suis déjà à mon second café, je n'aurai bientôt plus d'excuse, faudra que je m'y mette.

Mais pas avant d'avoir lu mon journal. 

jeudi 7 février 2008

Capitale du boudin

Chers amis gastronomes (et les autres aussi),

Je me trouve en ce moment à Mortagne-au-Perche, où dit-on le boudin noir est le meilleur de France. Bien sûr, on m'objectera qu'il y a peu de raisons de disputer ce titre à un bled de 4500 habitants, à peu près comme on se soucie fort peu de chicaner au sujet de la suprématie de Louiseville en matière de galettes de sarrasin. Mais on se valorise avec ce qu'on a, et je dois reconnaître que, malgré mon peu d'appétit et la nausée qui me poursuit, je n'ai pu ce soir résister au croustillant de boudin, spécialité de l'hôtel du Tribunal, où nous logeons et où, comme de juste, j'ai hérité de la chambre de la princesse.

J'avais pris mes dispositions pour passer deux jours à Paris au lieu de rentrer dès demain, mais je crains de ne pouvoir résister à l'appel constant de la bonne chère en ce doux pays et de revenir sous perfusion. Alors en fin de compte, je reprends l'avion demain avec deux Gravol et le reste de mes compagnons de voyage.

Nous avons aujourd'hui écumé la région du Perche, où sans doute le mot bucolique a été inventé. Je souffre de vivre dans un pays où l'on s'est appliqué à saccager la moindre parcelle de beauté quand je vois ces maisons si bien fondues au paysage (ou est-ce l'inverse?). Imaginez la Côte-du-Sud sans ces absurdes bungalows californiens, Rivière-du-Loup sans le centre commercial au bord du fleuve, La Malbaie sans l'autoroute... 

Enfin. On pourrait épiloguer longtemps là-dessus mais, comme on dit, le mal est fait. Et il fait mal.

Ça fait que je m'en vais faire dodo dans ma chambre de princesse et essayer de digérer mon fort peu princier boudin, dans l'espoir qu'il me restera assez d'énergie demain matin pour explorer un peu Mortagne, toute vieille petite commune repliée dans sa vallée.

mercredi 6 février 2008

Je n'ai pas vu Honfleur

La nuit dernière, je me suis réveillée vers trois heures avec un petit mal de coeur qui ne laissait rien présager de bon. Ah, me suis-je gourmandée, tu auras trop mangé. Vous savez ce que c'est. Des huîtres, ah, mais ça se mange sans faim, et puis elles sont si délicieuses, ici! Ce petit sorbet au calvados ne saurait me faire de tort avant mon plat de poulet fermier... Du camembert, mais comment donc, et puis du pont-l'évêque aussi, pourquoi pas? On n'est pas tous les jours en Normandie... Du dessert? Non, merci, je ne mange jamais de... Ah, mais une tarte fine aux pommes et à la crème fraîche, évidemment, ça ne se refuse pas...

Bref, à l'aube, j'ai vomi tripes et boyaux, et plutôt deux fois qu'une, même que j'ai bien cru y laisser aussi mon dernier souffle.

J'ai d'abord soupçonné Jean-Maurice, mon collègue du Journal de Montréal, d'avoir mis quelque chose dans mon café, histoire de neutraliser une concurrence trop dérangeante, mais il jure que non.  Il faut dire que l'une des accompagnatrices du voyage a subi le même sort que moi, alors ça affaiblit un peu l'hypothèse, encore qu'il aurait pu l'empoisonner aussi pour brouiller les pistes. Si personne d'autre ne se montre atteint d'ici à la fin du voyage, les huîtres auront des explications à donner. L'enquête se poursuit.

En attendant, pendant que mes camarades allaient visiter la très jolie ville de Honfleur, je suis restée à agoniser dans ma petite chambre, d'où l'on est venu me tirer à 14h, direction Lisieux. Non, ce n'était pas pour implorer sainte Thérèse de me remettre sur pied, mais pour voir la basilique. J'ai tout de même failli allumer un lampion, mais je me suis dit que Thérèse me rirait au nez, moi la mécréante et la pécheresse. Bon c'est vrai, elle a tout de même guéri Édith Piaf de sa cécité, mais je ne me sentais pas la force d'argumenter.

Ce soir ça allait un peu mieux, grâce à des médicaments que nous a conseillés un pharmacien très gentil, qui nous les a même servis avec un verre d'eau. Disons que ce n'est pas le genre de comptoir auquel je comptais m'attabler, mais les voyages sont remplis d'aléas. 

Nous dormons dans un hôtel au tenace parfum de renfermé, au bord d'une autoroute où il y a aussi un supermégahypermarché et je ne sais trop quoi d'autre. C'est une halte qui nous permet d'être plus près de notre destination de demain, un monument qui souligne la dernière bataille de la campagne de Normandie en 1944 ou 45. J'aurai une pensée pour mon vieux papa, comme vous vous en doutez bien.

Ce soir, nous avons soupé à la salle à manger de l'hôtel, je me suis contentée d'un bol de potage, d'une frite ou deux grappillées dans l'assiette d'un commensal et de quelques bouchées de riz au lait, repas pantagruélique couronné d'une petite infusion menthe-réglisse que je suis venue écluser dans ma chambre. Mais savez-vous, je suis quand même contente: au vu des assiettes de mes compagnons, je n'ai rien raté.

Bon, allez, je me recouche. Je vais réfléchir à une manière de retrouner voir Honfleur, que je rêvais de visiter par-dessus tout. 

jeudi 31 janvier 2008

J'irai revoir ma Normandiiiiiie

Sitôt rentrée de mes folles pérégrinations à Aruba au milieu des cactus, des ânes sauvages et des iguanes mangeurs d'hommes, je me suis immergée dans un marathon d'écriture dont je ne sors qu'à peine. 

Mon bronzage pâlit déjà, et ce n'est pas en Normandie que je vais pouvoir le raviver. Eh oui. J'irai revoir... (air connu, et j'entends d'ici mes collègues du pupitre se lamenter de ne pouvoir entendre ma profonde voix d'alto leur susurrer cet air impérissable. Ce sera pour la prochaine fois.)
 
À défaut d'entretenir mon cancer de la peau, je m'en vais donc préparer ma cirrhose au pays du calvados. Nous irons à Honfleur, à Rouen, à Lisieux, voir la terre bénie d'où nos vaillants ancêtres, ne sachant sans doute point ce qui les attendait, ont quitté la douce France pour venir manger de la misère et attraper le scorbut en Amérique. 
 
Ce voyage aura une saveur généalogique; je suis censée partir à la recherche de mes racines. Le hic, c'est que le premier Couturier arrivé au Québec, André de son prénom, est parti de Franche-Comté. Et pour tout vous dire, je m'en soucie autant que de ma première paire de bottines. Mais si vous avez une mission à me confier, je suis preneuse.
 
La Normandie, en fait, m'intéresse bien plus parce que feu mon vieux papa y a fait le débarquement en 44. Mon ami Jean (coucou, Jean!) m'a emmenée l'an dernier en faire la tournée. À Arromanches, j'ai appelé papa: Allô, papa? J'y suis, il y a encore le pont flottant là devant, je le vois pendant que je te parle.
 
Il a voulu savoir s'il y avait encore des traces des batailles (oui), si les bunkers allemands étaient toujours là (re-oui), s'est émerveillé de ce que je semblais l'appeler de la maison d'à côté (papa criait toujours au téléphone comme si on était encore en 1930), m'a parlé de la bataille de Caen (où je ne suis pas allée, et où hélas je n'irai pas cette fois non plus). Il était ému et content que je l'appelle.
 
C'est mon meilleur souvenir de la Normandie. 
 
Ça et les huîtres. Charnues, fines, soyeuses, rien à voir avec celle qu'on a ici. Eh. C'est la France. En fait, je pense que j'en veux un peu à cet imbécile de Colbert, sans qui on aurait pu vivre une vie peinarde là-bas à manger du camembert et à boire du calva. Mais bon, c'était il y a longtemps, alors peut-être que je vais profiter de ce voyage, en fin de compte, pour me réconcilier avec lui (et pour manger quelques huîtres).
 
D'ici là, il me reste évidemment quelques équations à résoudre, comme: combien de paires de chaussures réussirai-je cette fois à faire entrer dans ma valise? Mon record est de cinq, mais il est vrai que, dans le Sud, on n'a besoin que d'un mouchoir pour s'habiller. Et de quelques mouchoirs de rechange, bien sûr.
 
Remarquez, je suis en train de devenir experte: chacun s'émerveille de l'apparente sobriété de mon bagage, une petite valise que je peux emporter en cabine. Mais nul ne se doute des trésors d'ingéniosité que je déploie pour y faire tenir toutes ces chaussures, quatre ou cinq bouquins (comme si j'allais avoir l'énergie de lire) et une quantité affolante de petites bouteilles de 100 ml remplies de ces liquides maudits, dûment et hermétiquement scellées dans un Ziploc réglementaire, que mon plus gentil sourire contrit réussit toujours à faire accepter aux préposés à la sécurité. Sauf quand c'est une femme, bien sûr.
 
Voilà, sur ces questions capitales, je vous embrasse, je tâcherai de vous écrire de là-bas, entre une réception avec le directeur de l'office du tourisme de X et une visite des archives de Y.
 
D'ici là, ne ratez pas notre palpitant reportage sur la route des Keys, à paraître samedi dans votre journal préféré. 

samedi 26 janvier 2008

BANG!

Non, ce n'est pas mon avion qui passe le mur du son. C'est le choc du retour à l'hiver, dont j'avais réussi à oublier l'existence. 

Dans l'avion, il y avait plein de gens devenus des amis pour la vie, qui ont papoté pendant toutes et chacune des quelque 320 minutes qu'a duré le vol, comparant mérites et déroutes de leurs hôtels respectifs. Celui-ci s'indignait que la madame du Holiday Inn n'ait semblé aucunement impressionnée par la carte Gold User censée lui conférer un statut international de VIP, celle-là se plaignait des algues qu'il y avait dans l'eau (ben oui, Chose, des ALGUES!!! A-t-on idée!!!). Pendant ce temps, à Kaboul...

Il y avait notamment un couple qui semblait tout droit sorti d'un film porno cheap (ou prêts à y entrer), elle avec ses boules surdimensionnées qui menaçaient de jaillir hors de son t-shirt à paillettes, lui avec son bronzage Pantone 659, sa casquette marquée ARUBA plantée à l'envers sur sa calvitie graisseuse et son faux diamant à l'oreille. Il y avait beaucoup de familles, et aussi de jeunes couples dont la peau s'écaillait comme celle d'un serpent en train de muer, même qu'une femme s'appliquait à peler son aimé comme un kiwi en attendant les valises.

Appétissant.

Nous sommes rentrés à Montréal à 23h30, le plan étant de récupérer la voiture de Patrick (le photographe) à La Presse, puis qu'il me raccompagne chez moi. Arrivés là: silence radio. La batterie de la voiture était à plat. Comme nous l'étions aussi, ça ne nous a pas mis de bonne humeur. Mais bon, y a pire. On a croisés ce bon Richard Chartier, qui a obligeamment proposé à Patrick de survolter sa batterie à l'aide des câbles idoines que tout automobiliste québécois devrait toujours avoir avec lui. J'ai décidé de reprendre un taxi plutôt que d'attendre la manoeuvre. Le chauffeur, comme le précédent d'ailleurs, n'a pas daigné lever le petit doigt pour m'aider à mettre mes valises dans le coffre - non plus que pour les en tirer. Y a des valeurs qui se perdent, et des coups de pied au cul itou.

Mais bon. Là, faut que je me mette à l'écriture, je ne sais absolument pas par quel bout je vais prendre l'affaire. 

Mais d'abord, un autre vrai bon café qui goûte quelque chose.

Je vous embrasse tous et toutes

(S) Joséphine Baker (c'est parce que je suis vraiment très bronzée,
 mais je ne danserai pas vêtue d'une jupe de bananes, n'y songez même pas.)

mercredi 23 janvier 2008

Aruba

Je vous écris de la terrasse de mon hôtel, d'où, assez fâcheusement, on ne voit aucunement la mer, bien qu'elle soit à trente pas. Mais le vent (constant ici) a exactement la bonne température et, franchement, je serais malvenue de me plaindre. Nous logeons dans le chic Holiday Inn, probablement l'hôtel ,le moins cher de l'île, ce qui explique qu'il soit rempli de Québécois qui veulent se faire des amis. J'essaie de parler français le moins possible. (Est-ce que je suis en train d'être pas fine, moi là?)
 
Hier, nous avons loué une Jeep et nous avons écumé l'île de long (80 km) en large (10 km). Si l'on pouvait produire de l'éthanol avec des cactus, Aruba serait milliardaire. Au volant de la Jeep, Patrick, le photographe, m'a fait revivre un glorieux épisode de Commando du désert, cette émission mythique de mon enfance (qu'il ne connaissait pas, bien sûr, ce bébé) où des soldats américains traquaient les méchants Fritz dans le Sahara durant la Seconde Guerre mondiale. Une chance que je ne suis pas nerveuse en auto. 
 
On s'est bien amusés et on a vu des paysages complètement surréalistes. Par exemple: une plage digne du Lagon bleu – sable éblouissant, eau turquoisele topo habituel – avec à quelques kilomètres (deux ou trois, peut-être moins que ça), les cheminées d'une raffinerie de pétrole qui crachent une abominable fumée noire. Trop bizarre.
 
Je suppose qu'il s'agit de ne pas regarder dans cette direction.
 
Nous nous nourrissons exclusivement de fish and chips et de tranches de tomates, parce que le soir venu nous sommes trop crevés pour chercher à manger ailleurs qu'au bar de la plage. Nous avons bien essayé hier soir, mais il n'y a rien d'autre aux alentours que des trucs pour touristes tout-inclus: restos italiens, grils, ce genre de chose, où tout est hors de prix et vraisemblablement immangeable. Ayant à cœur notre santé et celle, financière, de notre employeur, nous préférons nous rabattre sur des valeurs sûres.
 
Il nous donc a été impossible de découvrir la gastronomie arubéenne mais, compte tenu des influences néerlandaises qui sévissent en tout lieu ici, je n'ose former de grands espoirs à cet égard. Il reste nous encore deux jours – ce soir, peut-être, nous armerons-nous de courage et affréterons-nous un taxi pour qu'il nous emmène quelque part. Le taximètre est une notion inconnue à Aruba: le tarif (prohibitif, comme tout ici) est fixé par le chauffeur d'une manière qui paraît complètement aléatoire et qui n'est absolument pas négociable. Et le dimanche, c'est plus cher. Et si vous voulez un reçu, vous avez besoin de vous lever de bonne heure.
 
Bon, j'ai l'air de cracher dans la soupe, mais pas du tout, je me plais bien et les gens sont adorables, pas compliqués du tout, très gentils et pleins d'humour.
 
Je vous laisse, je vais me saucer. Et puis je ne veux pas brûler tous mes scoops, quand même.