lundi 7 décembre 2009

Cuba en vrac

Je ne sais pas si c'est parce que je parle espagnol mieux que dans mes précédents séjours ou si les choses se dégradent vraiment, mais il m'a semblé que les Cubains sont plus désespérés, plus cyniques, plus amers que jamais.
Conversation (en traduction libre) avec X, ingénieur, qui nous emmène à La Havane dans sa voiture, une vieille allemande conservée comme un bijou (si je le nomme, si je donne des détails, si j'en dis plus, il m'a assuré qu'il serait dans la merde jusqu'aux yeux):
LUI: Rien ne fonctionne ici. Tout est un vaste mensonge!
MOI: Mais les écoles? Tous le monde est scolarisé à Cuba, non?
LUI: Tu parles! Mon fils devrait avoir 32 périodes de classe par semaine. Tu sais combien il en a eu la semaine dernière? Trois!
MOI: Mais comment ça?
LUI: Le prof n'était pas là, et il n'y avait pas de remplaçant! Les enseignants préfèrent travailler dans l'hôtellerie. C'est la seule chose qui permet de vivre un peu mieux, et pas parce que c'est plus payant, juste parce que les touristes apportent des cadeaux!
MOI: Et les hôpitaux? On dit qu'aucun Cubain ne paie pour ses soins de santé?
LUI: Il y a des médecins dans les grands centres, oui. Des hôpitaux internationaux équipés à la fine pointe, il y en a quatre ou cinq à Cuba, et très peu de gens y ont accès. Dans les villages, il n'y a que des dispensaires mal équipés, pas de médicaments, rien.
MOI: Mais où va tout l'argent du tourisme, alors?
LUI: Devine...»

Pourquoi les terres ne sont-elles pas cultivées alors que tout pourrait y pousser, pourquoi sert-on dans les hôtels des carottes en conserve venues de Chine dans ce pays si fertile, pourquoi La Havane tombe-t-elle en ruine, pourquoi personne ne peut lancer en paix une petite entreprise, pourquoi Machin ou Chouette ne peut-il pas tout bonnement nous prendre à bord de son auto et nous emmener faire un tour sans craindre la police, pourquoi y a-t-il tant de jeunes Cubains diplômés sans emploi, pourquoi, pourquoi, pourquoi?

L'embargo des États-Unis? Quelle blague! C'est le meilleur prétexte que l'on puisse donner à Fidel pour maintenir son peuple dans cet esclavage absurde. Si on l'abolissait demain matin, on verrait bien que là n'est pas le problème. Le problème, c'est la dictature. Le discours vide. Le mensonge.

Les slogans qui émaillent la seule autoroute du pays, là où nous verrions des pubs de MacDonalds ou de Subways (non que ça me plaise, mais au moins j'ai le droit de dire ouvertement que c'est de la merde), annoncent depuis 50 ans l'avènement d'un temps nouveau qui n'est jamais venu, proclament la gloire d'une révolution en marche alors que ce pays qui aurait tout pour être autosuffisant est exsangue, rendent hommage à la fierté d'un peuple déshonoré parce qu'on le prive de toute initiative et qu'on le réduit à la mendicité.

Je me suis demandé pendant un temps si j'allais revenir dans ce pays qui ne vit que par et pour le tourisme. Mais n'y plus retourner, c'est laisser à l'abandon ces gens si aimables, si fiers malgré tout, si joyeux et si dignes. Alors oui, j'y retournerai.

Atterrir en catastrophe

Dimanche 6 décembre, 15h15, le pilote nous annonce que nous entreprenons notre descente vers Montréal. Je suis debout depuis 6h30: Oriol m'avait dit qu'il ouvrirait le bar un peu plus tôt pour me faire un dernier café, que j'ai savouré en regardant la mer s'agiter sous un ciel d'acier. Il ventait, ça sentait les embruns, il n'y avait personne que moi. Même moi, étais-je vraiment là?

17h, je suis rentrée depuis un petit quart d'heure, le téléphone sonne. «Fabienne? C'est Richard (mon patron). Est-ce que tu t'en viens bientôt?
- Euh... Où ça?
- Ben, on t'attend au journal.
- C'est une blague?
- Mais non, tu es à l'horaire aujourd'hui, Marie-Hélène est en vacances, on n'a personne d'autre à la correction.
- Tu veux rire?
- Non, non... Tu ne pensais pas travailler aujourd'hui?
- Euh... C'est que je viens de rentrer de vacances, tu te souviens? Je suis chez moi depuis 15 minutes. Je devais reprendre le travail demain seulement.
- Ah? Penses-tu que tu peux me dépanner? Je suis vraiment dans la m...
- Bon. C'est bien parce que c'est toi. Je serai là dans une demi-heure.»

J'ai vidé ma valise sur le plancher du vestibule pour trouver quelques indispensables accessoires, laissé le reste épars et sauté dans ma petite auto pour aller défendre le droit du public à une information exempte de fautes d'orthographe. À quoi bon avoir un afficheur?

Ça m'apprendra.

lundi 23 novembre 2009

Dormir, manger, dormir

Depuis un peu plus de 24 heures que je suis ici, j'ai bien dû en dormir 14. Je dors sur la plage entre les repas, je fais une sieste d'une heure et demie avant le souper et, hier soir, je me suis mise au lit à 22h30 sans demander ni mon reste ni même un autre de ces délicieux cafés espanols qu'Oriol, Juan ou Ramon me sert avec des yeux énamourés comme si j'étais la plus belle femme du monde.
Je suis en tout cas la seule femme seule de tout l'hôtel, fréquenté surtout par des couples anglophones d'un âge certain et par d'autres, francophones, un peu moins décatis. Cela me vaut d'être l'objet de toutes les attentions de Yoel, Roberto ou Rogelio, et je ne m'en plaindrai pas.
L'hôtel ou je me trouve est encore plus au milieu de nulle part que je ne croyais. Quelques hameaux l'entourent, que je n'ai pas encore vus puisque je dors tout le temps, et le village le plus proche est à 14 km ou 30 pesos de taxi, aller-retour.
Mais j'irai d'abord explorer le banc de corail qui fait moutonner la mer juste devant ma chambre. Lionel (employé du club de plongée) m'a proposé de m'y accompagner. Oui, j'ai dit, con mucho gusto: dès que j'aurai assez dormi.
J'ai rencontré un couple de Gatinois fort sympathique, elle, travailleuse sociale, lui arpenteur; nous irons probablement à La Havane ensemble. Le défi: s'y rendre en train, expérience purement cubaine que nous a vivement déconseillée la représentante de Nolitour. «Vous savez, elle a dit, le train, ici, ce n'est pas comme chez vous...» On a répondu en rigolant: «Non, c'est sûrement mieux!»
Bon, cette connexion est aussi lente que tout Cuba, je n'abuserai donc pas des bonnes choses. À 8 pesos l'heure, autant avoir quelque chose a raconter.

samedi 21 novembre 2009

Dehors novembre

Cameleon Beach from lobby


Ma valise gît grande ouverte sur le plancher de ma chambre, son éventuel contenu pêle-mêle à côté. Je pars demain à l'aube pour Cuba, recharger mes batteries durement éprouvées par la lumière chiche de novembre, les restes d'une pneumonie, le stress d'un boulot de plus en plus frustrant, quelques secousses sismiques côté coeur et une molaire que mon dentiste n'a pas réussi à dévitaliser complètement (mal de dents, mal d'amour, dit-on?). Bref, j'en ai bien besoin.

Je m'en vais m'étendre sur la plage et n'en plus bouger, sauf peut-être pour déplacer ma chaise longue afin qu'elle reste à l'ombre et, de temps à autre, pour aller dire bonjour aux poissons. Il y a un récif de corail à quelques brasses de la plage, on n'a qu'à mettre masque et tuba et hop! Bbbllllglblblllllbbb...

J'emporte tellement de bouquins que je crains manquer de place dans mon bagage, mais pour une fois je me fiche complètement du nombre de paires de chaussures que je pourrai y caser. Je n'ai pas encore décidé si c'est parce que je vieillis ou parce que je suis vraiment déprimée.

samedi 16 mai 2009

Kipawa, me voici!


Agrandir le plan
Dimanche matin, je pars visiter Yves, le père de mon fils, qui s'est exilé l'an dernier dans le Témiscamingue (à ne pas confondre avec l'Abitibi). Six, sept heures de route en passant par l'Ontario avec étape à Mattawa, dans le seul hôtel de l'endroit, Le Voyageur Inn, «home of authentic tandoori indian cuisine», que j'ai fini par choisir après des heures de tergiversations. Tandoori indian cuisine? Dans ce bled perdu? Il est vrai que le monsieur qui m'a répondu au téléphone avait un authentique tandoori indian accent. On échappera donc au hamburger steak sauce brune pour souper, ce qui n'est pas plus mal, en fin de compte, bien au contraire.
Verrai-je des cerfs gambader sur la route (auquel cas j'espère qu'ils gambaderont ailleurs que devant notre pare-chocs, quand même)? Oserai-je me saucer dans le lac Kipawa avant le 24 juin, que ma mère disait que ça donnait la polio (ou quelque autre redoutable maladie, mais je confonds peut-être avec manger des bananes pas mûres ou des patates crues)?
J'ai en tout cas bon espoir de pêcher la truite du siècle (un permis? Pour quoi faire?), une bien grosse et grasse avec un foie gros comme ça, que je ferai griller sur feu de bois (et la truite, et le foie). Si ce n'est pas moi qui la pêche, pareil: un petit coup bien placé d'un couteau bien affûté, hop! Céline Dion et Ginette Reno ensemble ne réussiront jamais à répandre en si peu de temps et aussi proprement autant de tripes sur la table. On met le foie de côté et, si on a un peu de chance, les oeufs, que poêlés c'est un vrai délice, et la truite sur le gril, son foie bien sage à côté d'elle. Nourriture des dieux, je ne vous dis que ça.
Mettez le muscadet au frais.

mardi 5 mai 2009

Dernières impressions

Presque une semaine que je suis rentrée de voyage... Physiquement du moins. Il me vient des flash, des odeurs (tortillas chaudes, fumée des brûlis, viande grillée), des mots en espagnol qui flottent dans mon cerveau et montent à la surface comme des bulles - PLOP! Je parcours mon carnet de notes comme pour me convaincre que j'étais vraiment là, en ce lieu, ce jour-là. Non, je n'ai pas rêvé.

Santé
Dans le minibus entre Flores et Sayaxché, trois tout petits enfants, dont l'un, assis sur mes genoux, n'a pas 3 ans, se passent un litre de soda orange fluo et mangent des chips, à 8h du matin. Certes, je crains les effets à court terme que ce périlleux exercice peut avoir sur mon pantalon beige. Mais encore plus ceux qu'il aura indéniablement sur la santé de ces petits. Le Guatemala se prépare un sérieux problème d'obésité.

Problèmes de riches

Ce jeune guérisseur, à côté de moi, dans le bus entre Sayaxché et Coban, porte un pantalon d'occasion trop grand pour lui, une chemise élimée mais propre, le tout sans doute acheté dans l'une des innombrables friperies qu'on trouve dans les villes et qui annoncent: Ropa americana. Chef de famille à 23 ans (son père est mort assassiné), il doit prendre soin de sa mère et de ses 11 frères et soeurs. Il me demande comment faire pour émigrer au Canada. Il veut sortir de la pauvreté. Au bout d'un moment, il jette sans façon par la fenêtre la bouteille de cola qu'il vient de terminer. On n'en est pas encore au souci environnemental, qui est un problème de riches.

Âge

Les fillettes, ici, sont déjà de petites femmes à 8 ans: elles travaillent dur, s'occupent des plus petits, bien souvent se marient à 14 ans... Il n'est pas rare de voir des grands-mères de 35 ans qui ont déjà l'air plus âgées que moi, avec mes 50 ans de femme privilégiée.
Au terminus de Coban, un vieux monsieur m'aborde pour me proposer un hôtel. Je sais déjà où je veux aller, mais il marche néanmoins avec moi, gentiment, et nous parlons de choses et d'autres - les questions habituelles: d'où je viens, ce que je suis venue faire, tout ça. Il me demande mon âge. Tous me regardent d'un air tellement incrédule quand je le dis que je suis maintenant gênée de répondre. Et ça ne rate pas: il me fait de grands yeux ébahis. Il me demande quel âge je lui donne. Il lui manque plusieurs dents de devant; il a la peau tannée comme un vieux cuir. Je dis: 45. Bingo! Je tombe juste. J'ai enlevé 20 ans au chiffre qui m'est d'abord venu.

La vie, la mort

Mis à part Antigua, les villes du Guatemala sont grises, laides, sales. Ça contraste avec les campagnes, vertes et riantes, mais aussi avec les cimetières, où les tombes sont peintes de jolies couleurs toutes joyeuses, comme pour égayer les morts.

Équilibre

Partout les trottoirs sont inégaux, étroits, trop hauts, souvent défoncés. Fauteuils roulants et poussettes n'ont pas droit de cité. Les mamans, quand elles ne portent pas leur bébé dans leur dos à l'aide de ce carré de tissu qui sert à tout, le tiennent dans leurs bras, comme au baptême, et marchent tranquillement, royales, dans la foule qui se presse sur ces trottoirs meurtriers. Comment font-elles pour ne jamais l'échapper?

jeudi 30 avril 2009

La fin

L'horloge ancienne que m'a léguée mon père marque 10h10, comme dans les vieilles pubs de Timex (elle ne fonctionne que quand j'en décide ainsi, ce qui est très loin de ma véritable autorité sur le temps).

Je suis de retour à la maison depuis un peu plus de 24 heures. Mon passage à Ciudad Guatemala m'a confirmé ce que je me dis souvent: ne croyez que ce que vous expérimentez. Il n'y a rien de plus à Ciudad Guatemala, du moins le jour (et je serais curieuse de faire l'expérience le soir) que dans les autres capitales de pays dits «en développement»: beaucoup de bruit, de pollution, de gens, d'action; ne vous promenez pas dans les rues désertes en Nike phosphorescents et ne mettez pas votre portefeuille de jeune cadre dynamique dans votre poche de fesse. Le reste, franchement, c'est comme la grippe du cochon: calmons-nous.

Il y a bien plus à craindre des douaniers américains. Quand on arrive à l'entrée de la zone de combat, ils ont une gentille affichette pour vous accueillir: OUR PLEDGE: servir you avec courtoisie and efficiency.

Fuck you, Chose. La matrone de prison qui monte la garde devant le détecteur de métal me traite comme une criminelle ou, au mieux, comme une demeurée (et si j'arrivais du Mexique, elle me traiterait en plus comme une pestiférée pour cause de virus de grippe de machin-chouette): «Enlève tes souliers. Tes souliers, j'ai dit! Ta ceinture! Ouais, ton bracelet aussi. Ou c'est que t'as mis ta carte d'embarquement? Il me faut ta carte d'embarquement! BOB!!! Elle l'a laissée dans le bac!
– Comment tu t'appelles ? me demande Bob. HEIN?? (Bob a les yeux collés au plafond parce que je viens de lui dire en très bon français: FABIENNE COUTURIER, et il ne peut franchement pas répéter ça à la matrone, qui commence à perdre patience, comme si elle en avait déjà eu). C'est pas un nom chrétien, ça Feubifjkghpqeiru Coyowrourrruey.

All right, guys, mon passeport va sortir de votre &;*@#*%&a!!; scanner en même temps que mes souliers, ma ceinture et ma petite culotte, vous allez pouvoir vérifier que je suis bien moi-même et arrêter de capoter. Thank you, bonne journée, et si votre pledge est to serve us avec courtoisie, votre face is not au courant.

Là, on prend l'avion, on se dit que le calvaire est fini et NON!!! L'agent(e) de bord est frustré(e) parce qu'il/elle doit s'habiller en femme pour gagner sa vie (ou peut-être parce qu'il/elle regrette son changement de sexe?). Un sourire? Arrête de rêver. Hein? Une blanket? Quiens, ta F&%#@)&a*Y% couvarte. Bon, quessé qu'a veut, encore? De l'eau? Niaises-tu? Est-ce que je suis payée pour te donner de l'eau??? Après, je gage que tu vas vouloir aller pisser? ATTACHE TA CEINTURE!

En tout cas. Je suis rentrée chez moi saine et sauve. Je dois dire que je ne me suis pas tellement ennuyée de Montréal, mais bon. Le cardinal pousse sa chansonnette dans le saule, les feuilles poussent à vue d'œil, j'ai dormi la fenêtre ouverte. C'est le printemps.

lundi 27 avril 2009

Vivre dangereusement

En fin de compte, l'un des charmants employés de l'auberge où je loge m'a convaincue de faire la visite à Semuc Champey et à Lanquin: "Le climat n'est pas le même, là-bas, il m'a dit. il va faire beau, tu vas voir, tu vas aimer ça."

Bon bon bon. Après tout, pourquoi pas, puisque je suis ici?

Nous sommes donc partis, un petit groupe, avec deux guides et un chauffeur. Il y avait notamment un couple d'Israéliens, lui sourd-muet, elle ne parlant que quelques mots d'anglais, avec leur fils d'une trentaine d'années; une princesse jamaïcaine en petite robe rose et chaussée de sandales fantaisie (hé, ma jolie, on s'en va EXPLORER des GROTTES!!!), un jeune Britannique solitaire et taciturne; deux grands boeufs de l'Ouest canadien; un couple de Néerlandais assez sympa; trois filles, britaniques aussi, je crois, dont l'une avait sur tout le corps un coup de soleil tellement affreux que j'avais à la fois pitié d'elle et envie de l'engueuler; et une radieuse beauté norvégienne.

Il faut deux heures et demie d'une route aussi sinueuse qu'accidentée pour se rendre de Coban à Semuc Champey. On traverse des plantations de cardamome, de café, de maïs; on aperçoit sous les frondaisons quelques masures de planches reliées entre elles par un étroit sentier. Comme c'était dimanche, les familles se rendaient à l'église, les femmes serrant contre elles leur missel. On a doublé quelques pick-up remplis de gens debout, serrés les uns contre les autres. L'un s'est arrêté pour faire monter encore trois femmes, dont l'une portait un tout petit enfant comme un ballot.
À Semuc, une rivière aux eaux d'un turquoise irréel a creusé dans le calcaire des bassins successifs où l'on peut plonger sans danger. Le décor est somptueux, fait de hautes montagnes où la forêt recule peu à peu devant les plantations.

J'étais déjà bien contente comme ça, au soleil, avec mon bouquin (Como agua para chocolate, mon premier roman en espagnol, oui messieurs-dames), quand le guide nous a proposé une petite excursion en aval de la rivière. Il s'agissait de nager de bassin en bassin, puis de descendre dans un tunnel, de sauter dans un autre bassin, bref, une inoffensive promenade de santé.

Bon bon bon. Après tout, pourquoi pas, puisque je suis ici?

On traverse les premiers bassins; la pierre est un peu glissante entre chacun mais on se laisse aller sur les fesses comme sur la neige quand j'étais petite, on rigole et tout va bien.

Puis René (le guide) nous annonce qu'il faut sauter dans le bassin suivant - une petite marche de deux mètres. Il y a de l'eau en masse, pas de danger là. Hop! tout le monde saute dans la joie et l'allégresse... Sauf la princesse jamaïcaine, qui a fini par renoncer après force mines et minauderies. (Enweille, Chose, c'est qu'on gèle, nous autres, en t'attendant!)

Bon. Elle enfin partie, on continue. Il faut maintenant descendre à reculons un escarpement d'une dizaine de mètres en s'aidant d'une corde, poser prudemment les pieds dans les anfractuosités, s'assurer qu'on a prise avant de faire le pas suivant. René, qui assure en bas, a une vue en contre-plongée sur le cul de tout le monde. Faut pas être timide! Mais en fin de compte, je me suis dit qu'il avait dû en voir des pires que le mien et je me suis plutôt remémoré avec plaisir l'époque où, enfant, avec mon amie Dominique, nous jouions aux héroïnes du Club des Cinq en escaladant le cran derrière la maison de sa grand-mère, dans le rang Saint-Martin. T'en souviens-tu, vieille branche? C'est comme le vélo, ça ne s'oublie pas!

Bon, on rit bien, mais avec René, il faut encore se jeter à l'eau, trois ou quatre mètre plus bas, puis traverser une anse, tout droit par là et pas ailleurs, pour éviter de se faire emporter par le courant, et enfin remonter au sec de l'autre côté. Bof bof bof, allons-y, puisque je suis ici.

Nous avons pénétré dans une caverne dont les parois, doucement éclairées par la lumière du jour, miroitaient d'ors et de verts d'une richesse inouïe. Pas une cathédrale n'arrive à égaler pareille splendeur. Du coup, je n'ai pas regretté d'avoir raté la messe à Coban.

Mais nous n'avions encore rien vu. René a attaché sa corde à une stalagmite, a jeté l'autre extrémité par un trou dans lequel il s'est faufilé et a dirparu de l'autre côté de la paroi.

Nous l'avons suivi un à un, puis, selon ses instructions, nous nous sommes avancés sur une étroite corniche, avec l'eau qui rugissait tout en bas. Les filles et moi étions les premières de la file. L'une après l'autre, nous nous sommes assises en grelottant, collées les unes aux autres pour ne pas trop geler. En silence, émerveillées, nous avons longuement contemplé un spectacle assourdissant. Des rochers en volutes, en drapés, en creux, en ronde-bosse s'offraient à nos yeux, toujours moirés de reflets d'ors et de verts comme un taffetas ancien. Même Peau-d'âne n'aurait pu rêver d'une robe aussi fabuleuse. Des bandes d'hirondelles entraient et sortaient en piaillant; au pied des rochers l'eau grondait, moussait, ondoyait, n'eût été le froid, nous y serions restés des heures.

Mais bon, il y avait René pour nous ramener à la réalité. Nous avons donc, à ses ordres, rebroussé chemin en nous aidant de la corde et repassé à travers le trou, puis il nous a expliqué qu'il fallait sauter là, à l'endroit exact où lui-même allait le faire à l'instant, 10 mètres plus bas (10 mètres, mesdames et messieurs, songez-y), dans ce bouillonnement d'écume où on ne distinguait rien (rien de rien, mesdames et messieurs, imaginez). Et attention: pas plus loin, pour ne pas se heurter au rocher, et assez loin pour éviter la petite corniche, là, qui s'avance au-dessus de l'eau.

Il a fait le signe de la croix d'un air goguenard, a exécuté un saut de l'ange parfait et a disparu brièvement dans des tourbillons d'écume, pour reparaître un peu plus loin et grimper sur un rocher, d'où il nous a fait signe d'y aller.

J'étais la première de la file, boy-scout depuis le début, toujours prête: saute, glisse, plonge, grimpe, allez hop, on y va.

Bon bon bon. Puisque je suis ici, pourquoi pas?

Euh...

Il m'a fallu attendre que quatre ou cinq braves se lancent pour le faire à mon tour. Je me suis demandé pourquoi j'étais là. J'ai songé à Jules et à mon testament, j'ai pris une grande respiration et j'ai sauté, morte de trouille, en fermant les yeux. PLOUF!

OUF!

J'ai émergé, de l'eau plein le nez, toussant, crachant, mais vivante et heureuse.

Merci à mon maillot, qui a accepté de rester avec moi malgré le choc. Merci à mon papa, qui m'a appris à surmonter mes peurs. Et merci à moi d'avoir accepté de sauter.

***

Plus tard, nous sommes allés visiter les grottes de Lanquin. J'ai détesté ça. C'est glissant, il fait noir comme dans le cul d'un ours, il fait chaud, on ne voit rien, le sol est couvert de plusieurs centimètres d'excréments de chauves-souris... Bref, à mes yeux, la spéléologie est au sport ce que la gastro-entérologie est à la médecine: pourquoi diable y a-t-il des gens qui s'intéressent à ça???

Sur le chemin du retour, près de Coban, il y avait eu un accident. Les ambulanciers, les pompiers, les policiers mitraillette au poing, les gyrophares, la foule consternée, un corps jeté à plat ventre sur une civière... La scène était cauchemardesque. Edgar, le chauffeur, a mis la radio. On a appris qu'il s'agissait de l'un des camions que nous avions doublés, celui qui avait fait monter les trois femmes à la sortie du village de Lanquin. Deux d'entre elles étaient mortes.

Ce qui s'appelle vivre dangereusement.

samedi 25 avril 2009

La fête à la grenouille

Il a plu un peu quand je suis allée voir les ruines de Ceibal.
Il pleuvait pas mal quand je suis rentrée de souper hier soir.
Là, depuis le matin, les averses nous tombent dessus, drues, denses, opaques. Tout laisse croire que ce sera pareil demain: la saison des pluies est en marche. Ça compromet mon petit tour à Semuc Champey, vu que je ne suis pas particulièrement folle des randonnées sous la pluie et que, pour les photos, la baignade, tout ça, ce sera plutôt ordinaire.
Pas grave. Aujourd'hui, j'ai fait ce que j'aime le mieux: je suis allée me perdre dans le labyrinthe du marché, des éventaires de planches et de tôle protégés par des bâches, reliés par des sentiers de terre battue où l'eau et la boue s'accumulent en larges ruisseaux qu'il faut enjamber avec précaution.
J'ai traversé la section des disques, puis celle des textiles, où j'ai âprement marchandé une longueur de ce tissu dont les femmes se font d'amples jupes (huit verges bien comptées), que j'ai sans doute payée bien trop cher. Je me suis faufilée entre les étals de poisson, de viande, de piments, d'épices, de chaux (qu'on utilise pour attendrir le maïs lorsqu'on le fait cuire), de vêtements, de chaussures, des robes de princesse saumon ou pêche dont on affuble les petites filles au lieu du costume traditionnel.
Ce qui me fascine toujours, ce sont les enfants. Ils sont là, près de leur maman, silencieux, placides, immobiles, ou alors ils jouent avec trois fois rien - un pauvre petit ballon dégonflé, un bout de bois, une ficelle. Ils ne pleurent pas, ne réclament rien, me regardent d'un air timide quand je les photographie. Quand je leur montre le résultat, leur visage s'éclaire d'un grand sourire joyeux et émerveillé. Leur maman s'approche, un peu méfiante, puis montre dans un sourire l'éclat de ses dents en or.
Il pleut.
On s'en fout. Le marché sera ouvert demain.
Et puis j'irai à la messe, na!

vendredi 24 avril 2009

Coban

Je croyais que, sur le chemin de Sayaxché, j'avais assisté à des records quant au nombre de personnes qu'on peut insérer dans un minibus. Erreur. Ce matin, j'ai compté jusqu'à 24 adultes et 5 enfants (dont deux nourrissons, il est vrai) dans un véhicule conçu pour recevoir un maximum de 13 passagers. Ne me demandez pas comment ils font. Tout ce que je sais, c'est que quand on croit que le truck est plein, archi-plein, l'assistant du chauffeur continue de dire Hay lugar, hay lugar (y a de la place!). Et tout le monde de se serrer encore un peu, avec le sourire. Avec ça que ledit assistant laisse la porte de côté grande ouverte et que le chauffeur double allégrement dans les courbes, je me disais que ça ferait un joli pâté de viande si on avait un accident.

Heureusement, je ne suis pas nerveuse. Enfin, plus maintenant!

Je loge dans un petit hôtel près de la place centrale, bien silencieux, plein de plantes et de fleurs, tenu par une maman indigène qui sourit tout le temps de toutes ses dents en or (c'est la grande mode par ici, je songe à me faire faire un de ces petits chefs-d'oeuvre avant de partir). Dimanche, j'irai voir les chutes de Semuc Champey, qu'il paraît qu'on ne peut pas venir au Guatemala sans voir ça, et aussi les grottes de Lanquin, dont on dit qu'elles sont incontournables. Bon, moi, les grottes et les cavernes, ça ne me branche pas tellement, j'aime trop le soleil, mais j'aime bien les chauves-souris aussi, alors on verra.

Mais franchement, pour tout dire, je regrette un peu de ne pas être allée m'écraser sur la plage à Livingston, entourée de beaux grands Nègres bien bâtis. Après tous ces transbordements (encore cinq heures de voyagement ce matin), je commence à ressentir une légère lassitude. Un bon coup de soleil m'aurait fait le plus grand bien! (Ben quoi, faut bien mourir de quelque chose, entre un cancer de la peau ou un accident de la route...)

En tout cas, ici je suis, ici je reste. Je vais de ce pas m'envoyer un de ces steaks qui font pleurer les végétariens, sans aucun état d'âme autre que le plaisir de me bourrer la gueule, ce qui, entre nous, est bien l'un des plus grands agréments du voyage.

jeudi 23 avril 2009

Moi Jane

Me voici donc à Sayaxché, où, en effet, comme je l'ai écrit hier, il n'y a rien.
C'est, au bord du Rio de la Pasión, un bourg d'une dizaine de milliers d'habitants, poussiéreux et d'une laideur irrémédiable.
J'aurais préféré filer droit à Coban mais, outre le fait que rien ici ne semble pouvoir filer droit, il appert que mon guide Lonely Planet, pourtant récent, s'ingénie à me donner des renseignements périmés. Toujours est-il que, comme la société de transport sur laquelle je comptais n'existe plus, je me suis rabattue sur un minibus pour Sayaxché en me disant que j'en profiterais pour aller voir les ruines de Ceibal.
Dans le minibus s'entassaient 12 adultes, 6 enfants (dont un sur mes genoux) et une poule. Question couleur locale, j'étais servie!
J'ai acheté avant de partir une mangue dont j'ai distribué les tranches à la ronde. La maman à côté de moi m'a demandé si j'avais des enfants (et m'a regardée d'un air consterné quand je lui ai dit: solo uno), d'où je venais et pourquoi j'étais ici, si j'avais eu du mal à obtenir mon visa, etc. Elle croyait que le Canada était l'un des Estados Unidos, où elle rêve d'aller travailler. Je l'ai détrompée en lui expliquant que le Canada est plus au nord, qu'il y fait bien froid l'hiver et que la vie n'y est pas nécessairement plus facile qu'au Guatemala.
- Ay, elle a dit d'un air dubitatif. C'est pour ça que tu viens suer ici.
Bon, OK, j'ai rien dit.
J'ai donc débarqué à Sayaxché, trouvé un hôtel (comme mon guide dit que c'est le meilleur de la ville, j'aime autant ne rien savoir des autres), puis un lanchero (batelier) qui pouvait m'emmener à Ceibal.
On s'est entendus sur un prix (prohibitif), et vogue la lancha. Nous avons navigué sur des eaux vert jade dans un paysage qui me rappelait étrangement le Mékong, au Laos. Ici et là, des hommes tendaient leurs filets dans des barques fines et étroites à faire peur, des femmes et des enfants se baignaient, quelques boeufs blancs paissaient tranquillement.
Au bout d'une heure, Carlos a abordé le rivage.
- Je vais te faire un plan, qu'il me dit.
- Mais tu ne m accompagnes pas?
- Non, moi, je t'attends ici.
Il prend un stylo rouge et, sur un bout de papier que je lui tends, il dessine quelques lignes:
« Tiens, tu passes ici, tu tournes comme ça, tu reviens par là, tu ne peux pas te tromper et tu vas tout voir. Vaya!»

Me voici donc fin seule au milieu de la jungle, sous une canopée si épaisse qu'elle me protège de la pluie qui commence à tomber. Les singes hurleurs s'en donnent à coeur joie et, si je ne les avais pas entendus la veille, j'aurais été plus qu'inquiète. Est-ce qu'un orang-outan va venir m'enlever? Est-ce que je vais me faire dévorer par un jaguar? Les termites auront-elles raison de moi? Et Tarzan viendra-t-il à mon secours? Ou alors puis-je compter sur le Fantôme, l'Esprit qui marche, avec sa bague à tête de mort?
J'ai trouvé tant bien que mal le chemin que Carlos m'avait indiqué. Mon Lonely Planet s'est révélé une fois de plus sans utilité, car son plan ne concordait pas avec la signalisation (euh... quelle signalisation?). En tout cas, pour être lonely, je l'étais!
J'ai réussi à gagner le camp des gardes, l'un d'eux m'a indiqué un vague chemin au bout duquel j'ai trouvé un temple et quelques stèles. C'était beau, mystérieux, émouvant, mais comme j'avais quand même un peu peur de me perdre étant donné mon légendaire sens de l'orientation, je n'ai pas osé explorer les lieux plus avant.
J'ai prudemment repris le sentier du retour, contente malgré tout (au prix qu'elle m'a coûté...) de cette promenade au milieu des lianes, des fromagers, des palmiers et autres plantes que je ne saurais nommer.
Au retour, il ne pleuvait plus, le ciel était somptueux, l'eau de jade miroitait, le bruit du moteur faisait s'envoler les martins-pêcheurs, les ibis et les hérons.

mercredi 22 avril 2009

Singes hurleurs

Aujourd'hui, aller-retour à Tikal, cette ancienne cité maya, à une heure de route de Flores. Monique et moi avions réservé notre place à bord du minibus en arrivant à Flores hier soir. Nous logeons dans un petit hospedaje bon marché. C'est toute une expérience pour Monique, habituée aux suites cinq étoiles, mais elle m'avait affirmé qu'un de ses amis la surnommait Indiana Perron. Je me suis dit que j'allais lui faire vivre la vraie vie. Elle en a pour ses 10$ par jour! Bon, aucun cancrelat ne prétend partager notre lit, il y a des serviettes et des draps propres, pas vraiment d'eau chaude parce que de toute façon on n'en a pas besoin, et en plus on a la télé. Que demander de plus?
Bref, aujourd'hui, nous avons eu à nous seules un minibus pour Tikal. Là-bas, nous avons trouvé un guide dont l'anglais était si approximatif que je le comprenais mieux quand il parlait espagnol (mais Monique tenait à un guide anglophone), et nous avons grimpé au sommet de plusieurs temples. C'était fabuleux, mais le clou, ce fut quand nous nous sommes approchées des singes dits hurleurs. En fait, ils RUGISSENT. On croit entendre des lions en rut, des fauves en train de s'entretuer, on les imagine aussi imposants que des orang-outangs... Mais ils sont plus petits que des chimpanzés, et leur discours n'a rien de belliqueux!
Nous sommes restées de longues minutes à les observer, ils allaient agilement de branche en branche comme si de rien n'était, tout en émettant ces sons hallucinants, que nous avons entendus tout le temps que nous grimpions les 105 marches de la pyramide de chépu quoi.
Nous avons aussi vu un toucan et un autre oiseau magnifique dont j'ai oublié le nom, un tapir et un de ses cousins, et je me dis que, un jour, je camperai sur place pour entendre le réveil de toute cette vie à l'aurore.
Au retour, notre chauffeur nous a annoncé qu'il ne pouvait plus passer que les quatrième et cinquième vitesses du minibus. Il s'est arrêté au bord de la route en nous disant qu'un de ses collègues allait nous prendre en passant et nous déposer à notre hôtel.
Nous sommes donc montées dans un antique minibus qui contenait déjà trop de monde; l'un des passagers, employé du parc de Tikal, chantait pour lui-même et s'est mis à chanter pour nous quand je lui ai demandé s'il jouait aussi de la guitare. On nous a déposées en face de notre hospedaje, dans la rue défoncée parce qu'on est en train d'enfouir les fils et de refaire les égouts.
Demain, je pars pour Sayaxché, où, paraît-il, il n'y a rien.
Je vous en reparlerai.
Et j'essaierai de mettre des photos.

mardi 21 avril 2009

Rio Dulce

La ville de Rio Dulce se résume à une rue principale crasseuse, bruyante, encombréee de tuktuks, de familles entières juchées sur un scooter, de camions, de voitures, de bus hors d'âge et de piétons qui se faufilent nonchalamment entre tout cela.
Hier, Monique, Roger, Isabelle et moi avons pris un de ces bus déglingués pour nous rendre à la Finca Paraiso la bien nomméee, où une source bouillante se déverse dans un bassin au milieu de la jungle.
Pendant une demi-heure, nous avons roulé dans la campagne à travers les bananeraies, les plantations d'avocats, les champs de maïs. Dans les villages aux maisons de planches couvertes d'un toit de palme, les cochons noirs et les poules errent en liberté; des enfants à demi-nus jouent avec des branches, les mamans étendent du linge... La vie rurale semble n'avoir pas changé ici depuis 300 ans.
À la finca, deux petites filles nous ont abordés pour nous vendre des pan de bananas, une sorte de petite crêpe frite aux bananes. J'en ai acheté deux, c'était délicieux. Dans le ruisseau qu'on longe pour se rendre à la source chaude, j'ai photographié une fillette de 10 ou 11 ans qui faisait la lessive.
Nous avons passé deux petites heures à la source, qui se jette du haut d'un rocher dans un bassin où l'on peut nager. Sous la cascade, l'eau est si chaude qu'ellen'est pas supportable. Des lianes et des plantes tropicales entourent le lieu, d'une beauté vraiment saisissante.
Sur le chemin du retour, les mêmes petites filles nous ont de nouveau abordés. Elles quémandaient des stylos, des sous, des bonbons. Contre quelques caramels Werther, j'ai pu les prendre en photo, parler un peu avec elles. Elles ont ri de bon coeur en se voyant sur l'écran de mon appareil, puis ont voulu voir les autres images. Ah! Mais c'est Matild! Se sont-elles exclamées en voyant la petite qui faisait la lessive dans le ruisseau.
Leurs belles petites têtes noires serrées l'une contre l'autre au-dessus de l'appareil, elles se parlaient dans leur langue entre elles, puis me posaient des questions en espagnol:
- Et elle, qui c'est?
- C'est Monica, mon amie, qui est là-bas.
- Et elle, c'est Isabel?
- Oui!

... Un autre moment de grâce.
Je pars tout à l'heure pour Tikal avec Monique, puis je continuerai ma route vers Coban alors qu'elle regagnera le voilier d'Isabelle et Roger.

lundi 20 avril 2009

Joies de l'imprévu

Samedi, pour me rendre à Rio Dulce, je suis entrée dans la première agence de voyages que j'ai trouvée sur mon chemin, à Antigua, afin d'acheter mon billet de car. Dans le minibus qui devait me déposer au terminus de l'une des compagnies de transport de Guatemala Ciudad, nous étions une dizaine de voyageurs, serrés comme des sardines, nos bagages empilés et amarrés sur la galerie du toit.
Le chauffeur a d'abord déposé deux Britanniques au mauvais endroit (il a donc fallu réattacher leurs bagages sur le toit après les en avoir laborieusement descendus); il a ensuite déposé le gros du troupeau à l'aéroport, puis a de nouveau fait descendre les Britanniques et leur barda, pour enfin me laisser, avec cinq minutes de retard, à mon terminus. Comme de juste, le car était parti sans moi et, contrairement à ce que m'avait affirmé le chauffeur, il n' avait pas d'autre départ avant 16h30.
J'ai donc pris un ticket pour Morales, et de là, je devrais prendre un autre minibus pour Rio Dulce.
Le car a traversé un paysage quasi désertique, des hectares de culture de melons, des villages même pas sur ma carte, où il s'arrêtait systématiquement pour prendre ou déposer des passagers, livrer des colis, bref, comme on dit, faire la run de lait.
Les haut-parleurs braillaient de la musique mexicaine, à un moment un jeune homme de 20 ans a pris le siège à côté de moi et s'est mis à me faire du plat.
- T'es mariée? Non? Une belle femme comme toi? Je pourrais m'occuper de toi, moi!
- Hé, mon coco, je pourrais être ta mère, je disais.
- Preciosa, je ne te plais pas?
- Si, tu es très mignon, mais j'ai déjà un fils!
- Ay, il disait, t'es méchante.
J'ai bien rigolé.
Avec tout ça, je suis arrivée à Morales à la nuit tombée. On me montre où se trouve l'arrêt des minibus, il y a huit ou dix personnes qui attendent placidement, je m'installe donc là avec confiance après m'être assurée auprès d'un monsieur que j'étais au bon endroit.
Un autocar s'arrête, tout le monde monte à bord, et le monsieur me fait signe que je ne dois pas monter puisqu'il ne va pas à Rio Dulce. Je me dis que le minibus va finir par passer. Cinq minutes s'écoulent, puis dix, toujours pas de minibus. Dans la nuit noire, un pick-up passe, ralentit, deux hommes sont assis dans la boîte, et deux enfants s'entassent dans la cabine avec le chauffeur.
- Tu vas à Rio Dulce?
- Euh... Oui...
- Monte!
- Ben c'est que j'attends le minibus.
- No hay mas à cette heure-là, senora. Monte, on va te déposer.
Ce que je fis. Les enfants m'ont fait passer un vieux coussin élimé, je me suis carrée dans un coin, et hop.
L'air sentait le jasmin, le foin, la vanille, le chocolat; le vent chaud emmêlait mes cheveux et m'empêchait d'entendre ce que disaient les deux types à côté de moi. Le ciel était splendide avec sa Grande Ourse à l'envers, c'est le plus beau tour de truck de ma vie.
Aujourd'hui lundi, avec des amis rencontrés à Antigua qui ont un voilier ici à Rio Dulce, nous allons aux sources thermales de je ne sais plus où.
Demain, direction Tikal avec une de leurs copines.

mercredi 15 avril 2009

Cinq degrés de séparation

Hier, au lieu d'aller escalader le Pacaya, je me suis bornée à grimper au Cerro de la Cruz (la colline de la Croix), qui domine Antigua et d'où, par temps clair, on a une vue spectaculaire sur l'Agua, un autre volcan. Malheureusement, la brume voilait tout le paysage, mais bon, on a quand même profité du temps doux et contemplé les toits de la ville.

J'étais en compagnie de Karine, une jeune Française rencontrée par l'entremise d'un couple dont j'avais fait la connaissance par hasard dans un café. Nous n'allons pas à la même école, et Karine habite un peu à l'extérieur d'Antigua, à San Felipe. Anna Maria, la maman de la famille où elle loge, avait gentiment offert de l'accompagner au sommet, et je me suis jointe à elles à la dernière minute, après avoir croisé Karine qui sortait de son cours.

On se donne rendez-vous à 15 h, Anna Maria est là, on se présente, mucho gusto et tout. Elle me demande où j'habite; je lui réponds: "Au coin de la 7e Rue et de la 7e Avenue.
-- Ah, elle dit. Ça ne me dit rien.
-- Estoy en la casa de Karla y José", je réponds.

Moment de silence stupéfait.

"Mais c'est mon frère!!!" s'est exclamée Anna Maria.

Que pequeño mondo, non?

lundi 13 avril 2009

Lundi de Pâques


Eh bien voilà. Antigua se relève de sa semaine sainte. Fini les embouteillages, les alfombras, le son sinistre de la grosse caisse qui rythme les processions. Hier, dimanche de Pâques, les rues étaient étrangement calmes, comme si le coeur n'y était plus. Pourtant, s'il est une chose que l'on devrait vouloir fêter, c'est bien la résurrection! Il faut croire qu'on a une prédilection pour les rites funèbres...
Quoi qu'il en soit, je suis allée hier aux sources thermales de San Lorenzo el Tejar avec quelques amis rencontrés à l'école. Expérience exotique s'il en fut! Il n'y avait que nous d'étrangers parmi les dizaines de familles indigènes qui pique-niquaient, tant bien que mal installées sur le sol ingrat et poussiéreux, ou qui faisaient trempette dans un bassin à l'eau bien trop turbide pour être casher. Je me suis tout de même baignée, mais disons que nous n'avons guère abusé.
Nous sommes rentrés comme nous étions venus, par ces anciens bus scolaires convertis en cars. Nous nous sommes serrés pour faire de la place à une famille qui nous a gentiment fait la causette, c'était tout à fait charmant.
La semaine prochaine, je songe à continuer mes cours d'espagnol à Quetzaltenango, dans l'Altiplano, en terre quiché, pays de Rigoberta Menchu. Et je crois bien que je ne pourrai me passer d'aller voir les ruines mayas de Tikal, non plus que de descendre en barque le Rio Dulce pour me rendre à Livingston, où vivent les Garifonas, peuple noir du Guatemala issu des esclaves africains.
D'ici là, j'ose croire que j'aurai fait encore quelques progrès dans l'apprentissage des verbes irréguliers, du subjonctif et du preterito, que Rodrigo met une infinie patience à faire entrer dans mon vieux cerveau.
Ah oui, et demain, ascension du volcan Pacaya à dos de cheval, puisque mes genoux ont le même âge que le reste et que je ne puis leur faire confiance.
Les deux jeunes Autrichiennes qui vivent dans la même famille que moi m'ont dit qu'il n'y a que les vieilles personnes qui font le truc à cheval. Je crois que je vais demander ma pension, coudon...

jeudi 9 avril 2009

Jésus est mort

Je ne sais pas si, entre le Canadien à vendre, les déclarations de revenus à faire, la neige à supporter et autres préoccupations majeures, on en parle un peu chez vous, mais Jésus a été condamné à mort aujourd'hui. Je le sais parce que j'ai vu Ponce Pilate en personne prononcer l'arrêt en pleine rue. J'ai aussi vu Barabbas filer en vitesse après avoir été gracié (il m'a d'ailleurs fait un clin d'oeil au passage - c'est lui sur la photo). Il y avait aussi Hérode, et un autre type à la sale gueule dont j'ai oublié le nom, en plus de plusieurs soldats romains au casque élégamment garni d'un balai-brosse du plus bel effet.

Une autre procession a pris possession de la ville aujourd'hui. Il y en aura une ce soir, et demain aussi, dès 4 h du matin. L'atmosphère de foire s'intensifie, bien que cela paraisse impossible. J'ai commis l'imprudence d'acheter à une marchande ambulante une pupusa (tortilla farcie de fromage ou de viande, grillée puis garnie d'avocat en purée, de sauce tomate et de chili, absolument délectable). J'espère que je ne paierai pas trop cher ce délit, punissable, comme on m'en a avertie, d'une turista atomique. Nous verrons bien.

J'ai changé de prof d'espagnol aujourd'hui. Cristina, celle que j'avais, manquait décidément de dynamisme. La pauvre, on peut la comprendre: elle vient de quitter un mari qui l'a battue comme plâtre pendant des années et qui lui a laissé, outre plusieurs fractures, six enfants à nourrir. L'aînée, âgée de 21 ans, a elle-même un bébé de quelques mois, et la plus jeune a 3 ans... Disons qu'elle a son lot de préoccupations, dont l'enseignement de l'espagnol est probablement la moindre. La preuve, c'est qu'elle a passé autant de temps à me conter sa vie qu'à me faire travailler mes verbes irréguliers.

Mais bon, comme m'ont dit mes hôtes, eux-mêmes profs d'espagnol et, qui plus est, apparentés au directeur de mon école, je suis ici pour apprendre... Ils m'ont conseillé de demander à changer de prof, ce que je fis, non sans certains scrupules. Et voilà. On m'a donné Rodrigo, et je crois que j'ai travaillé plus avec lui en une seule matinée que durant toute la semaine passée. (Non, je n'ai pas l'intention de l'épouser.)

Que je vous parle un peu, justement, de Karla et José. Ils habitent une maison dont les chambres donnent sur une cour intérieure. Au bout de cette courette tout en longueur, une pièce fermée d'une porte à chaque extrémité sert de cuisine et de salle à manger. À chaque repas, on désempile les chaises de plastique remisées dans un coin et on décolle la table du mur. Chacun prend place, le padre prononce le bénédicité, et alors seulement on commence à manger.

De temps à autre, les propriétaires de la maison, qui habitent au fond d'une autre cour en enfilade avec la cuisine, traversent tout bonnement la pièce pour sortir dans la rue (il n'y a qu'une porte d'entrée pour les deux familles). Comme c'est fête, la proprio reçoit toute sa parenté en ce moment. Il y a donc un va-et-vient continuel. Et que je passe avec la poussette, et que je retraverse avec un bébé dans les bras, ou avec l'abuelo à moitié aveugle qu'il faut aider à marcher, et le beau-frère avec femme et enfants... Chaque fois, je dois me lever et déplacer ma chaise pour laisser le passage à tout ce beau monde. Chacun s'excuse bien poliment, on se souhaite buon provecho (bon appétit) à qui mieux mieux, c'est assez insolite.
Il y a aussi trois chiens dans la maison: un golden retriever et deux chihuahuas qui, au vu des sévices que leur fait subir Tiffany (la cadette de la famille, sur les photos ci-dessus), doivent regretter d'être venus au monde. Elle les atiffe comme des poupées, les trimballe partout, les fait danser, bref, les rend encore plus ridicules qu'ils ne le sont naturellement.

Elle avait deux perruches, dont l'une se murió hier, comme elle me l'a annoncé gravement. Quand je lui ai demandé ce qu'elle en avait fait, elle m'a muettement montré la poubelle. Triste sort, mais peut-être ressuscitera-t-elle au troisème jour?

mercredi 8 avril 2009

Les marchands du temple

À Antigua, les rues et avenues sont désignées par des numéros: 6e Avenue Sud ou Nord, 4e Rue Est ou Ouest, ça se croise à angle droit, le parque central est au milieu, en principe, c'est-à-dire sur le papier de tous les plans de la ville, c'est simple comme chou. Pourtant, ne me demandez pas pourquoi, au coin des rues, on ne trouve aucune de ces appellations, mais des noms d'inspiration religieuse: Calle Santa Maria, Avenida de la Santa Familia, essayez un peu de vous y retrouver. Mon légendaire sens de l'orientation, ici, fait merveille. J'ai fini par renoncer à chercher mon chemin. Bizarrement, depuis, je le retrouve systématiquement.
Bref, on voit tout de suite quelle importance a la religion ici: il y a des églises et des couvents plus ou moins en ruine à chaque esquina (coin de rue), et tous ces noms religieux donnent le tournis. Mais là, en ce moment, à l'occasion de la Semaine sainte, la ville est assiégée de pénitents, de pèlerins, de touristes, de policiers, de soldats, de statues de plâtre, de vendeurs de tout et de n'importe quoi. Il y a des embouteillages invraisemblables dans les vieilles rues empierrées aux trottoirs inégaux, et si l'on veut savoir où a lieu la velation (veillée d'adoration), il n'y a qu'à suivre le flot des passants et le son des sifflets de la police.
Puis, à l'approche de chaque église, une kermesse vous happe, une foire animée et grouillante où flottent des odeurs de viande grillée et d'encens, au son de ce qui semble être toujours le même air funèbre joué toujours par la même fanfare. Les vendeurs de rosaires, de lampions et de bondieuseries diverses font des affaires d'or, les infirmes font pitié, les femmes font le signe de la croix. Si Jésus voyait ça...

dimanche 5 avril 2009

Arrière-pays

Je suis rentrée hier de ce voyage de groupe au lac Atitlan puis à Chichicastenango, dont je vous ai parlé avant de partir. À ce sujet, je corrige: le marché de Chichi est le plus grand et le plus ancien d'Amérique centrale, non d'Amérique latine. Ça fait quand même une petite différence...

Mais commençons par le lac Atitlan. Douze kilomètres sur huit, des volcans (éteints) tout autour, on dit que c'est le plus beau plan d'eau du monde. Hélas, c'est la saison des récoltes de canne à sucre, qu'on cultive encore sur brûlis. Résultat: le paysage est noyé dans une fumée blanche au parfum très doux, si bien que nous n'avons pu que deviner la cime des volcans, qui se dressent comme des fantômes dans ce décor de fin du monde. Nous avons néanmoins visité quelques villes et villages, et mon coeur se serre au souvenir de ces hommes que l'on sortait ivres-morts d'une guinguette où jouait de la salsa et que l'on déposait sur l'étroit trottoir comme de pauvres sacs de maïs avarié.

Plus loin, sur le chemin de l'église, trois hommes assis cuvaient leur aguardiente. Quand nous sommes repassés, l'un d'eux était tombé carrément dans la rue, où nul ne se souciait de le ramasser, et du sang s'écoulait de sa joue sur l'asphalte. Triste spectacle que celui de ces gens si fiers qu'ils refusent de se laisser photographier mais que l'espoir d'une vie meilleure semble avoir quittés à jamais...

Le long des rues, des familles entières se vouent au négoce d'objets d'artisanat (surtout les femmes et les enfants, en fait - comme partout dans les pays "en développement", on ne voit pas beaucoup les hommes ailleurs qu'au café). Les femmes sont parfois si petites que, vues de dos, on croit qu'il s'agit de fillettes de 8 ou 9 ans. Elles portent un bébé sur le dos, ou devant lorsqu'elle l'allaitent tout en travaillant, dans ce tissu aux couleurs éclatantes qui sert à tous les usages. De fait, il est bien possible qu'elles aient eu leur premier bébé à 11 ou 12 ans.

Et à Chichicastenango, alors là, moi qui raffole des marchés, j'ai été servie. Il y a là un foisonnement de couleurs, d'odeurs, de sons comme je n'en ai jamais vu. Les petits cireurs de chaussures vous suivent sur des mètres en vous suppliant de leur confier vos sandales, des fillettes proposent des poupées, ou des foulards, ou des colifichets, les femmes se cachent le visage si vous faites mine de vouloir les photographier (l'une d'elles m'a même jeté un sort, j'en suis sûre, parce que j'ai eu le malheur de prendre en photo la devanture de sa boucherie, où bourdonnaient les mouches autour des quartiers de porc pendus à des crochets en plein air).

Dans les marches de l'église, des hommes font brûler de l'encens à en étouffer, les femmes vendent des fleurs, et toujours les petits cireurs de chaussures vous suivent... J'ai donné à l'un d'eux la mangue que je venais d'acheter, il s'en est allé content comme si je lui avais offert sa paie de la journée, souriant de toutes ses belles dents éclatantes.

Aujourd'hui, il fait une chaleur tropicale à Antigua. Je vais dîner tantôt chez mes hôtes, qui sont adorables, puis je dois voir cet après-midi un homme qui a mis sur pied un projet d'aide scolaire pour les enfants en difficulté, et qui a besoin de bénévoles à Huehuetenango, dans le Guatemala profond. Si j'y vais, ce qui est probable, ça risque d'être une expérience assez fameuse.

vendredi 3 avril 2009

En odorama


J'écris sur un clavier tellement usé que la moitié des touches sont effacées. Remerciez-moi (ou félicitez-moi) de réussir à trouver les accents sur ce clavier aveugle, moi qui tape déjà comme une incapable.

Je voudrais pouvoir vous envoyer des odeurs et des sons. À l'approche de Pâques, la ville devient de plus en plus fébrile. Les environs de cathédrale de La Merced débordent de marchands ambulants, qui offrent des bocadillos (sandwiches), des bijoux, des bananes plantain frites, de la barbe à papa, des tissages mayas traditionnels, des jus aux couleurs bizarres vendus dans de petits sachets de plastique, des mangues fendues de deux incisions en croix, qu'on pèle et mange comme des bananes (moi qui n'ai jamais aimé les mangues chez nous, me voici accro, je n'en ai jamais goûté d'aussi sucrées, tendres, parfumées, un vrai péché!).

Mais le plus beau, ce sont les Mayas des villages environnants qui, en prévision du dimanche des rameaux, tressent et vendent des ornements faits de fleurs, d'épis de blé, de feuilles de palmier. Les femmes portent toutes le costume traditionnel, avec une coiffe de velours qui leur permet de poser en équilibre sur leur tête des paniers immenses pleins de leur travail. Je ne me lasse pas de les observer, mais les prendre en photo relève du défi. Vous envoyer des images aussi, d'ailleurs: avec le type de connexion qu'on a ici, je n'ose même pas m'y risquer. Et c'est bien dommage parce que, aujourd'hui, il y avait la procession des enfants, les garçons en habit de pénitent violet, les filles en robe blanche. Un spectacle ahurissant!

Certains groupes de petits enfants, huit ou neuf ans à peine, portent à plusieurs, en marchant d'un pas cadencé, une énorme statue de Jésus en sang ou une vierge au regard halluciné. La fanfare qui les suit (tuba, grosse caisse, caisse claire, xylophone, piccolo, tout le toutim) joue des airs mortuaires et, derrière eux, un camion ramasse les aiguilles de pin et les pétales de fleurs qu'on a semés dans la rue avant leur passage. Jamais vu un camion de déchets sentir aussi bon! La procession parcourt toute la ville, pas moyen d'y échapper.

Il y a de l'encens qui brûle partout, la ville baigne dans un halo de sainteté et de délire religieux qui laisse songeur. Pas ici qu'on observera un mouvement d'apostasie...

Demain, je pars pour le week-end à Chichicastenango, une ville du Nord-Ouest célèbre pour son marché, le plus grand et le plus acien d'Amérique latine. Je vous en reparle...

Muchos besos

jeudi 2 avril 2009

Premières impressions

Me voici donc à Antigua, très jolie ville nichée au milieu de volcans et patati et patata, pour la suite, y a les guides touristiques (et il y aura des photos, mais c'est vrai que c'est drôlement joli).
Je suis arrivée tard hier soir après un voyage interminable. Me suis mise au lit sans demander mon reste et sans égard au décalage horaire. Ce matin, forte d'une bonne nuit de sommeil, je me suis levée à 7h sans comprendre pourquoi la maison dormait encore. On m'avait pourtant dit que le petit déjeuner était servi à 7h15! Ponctualité guatémaltèque, ai-je pensé.
Eh non. Je m'étais levée également sans égard au décalage horaire... Il était 5h, heure du Guatemala (7h à Montréal). Mes excuses à la ponctualité guatémaltèque.
J'ai donc eu mon premier cours d'espagnol dès ce matin, le cerveau encore un peu brumeux du fait que je m'étais recouchée en attendant le plantureux petit-déjeuner de Karla.
Ma prof s'appelle Cristina, elle m'arrive au coude, elle est excellente. Je sais maintenant tout ce que je ne sais pas. Mes amis, y a du boulot.
Je vous écris de l'école, dont j'ai obtenu la permission de squatter l'ordi parce que tous les autres élèves sont partis visiter le musée du café. Je tâtonne pour trouver les accents, et j'ai l'impression de bafouiller en vous écrivant comme je bafouille en tâchant de m'exprimer en espagnol. Ma torture n'aura donc pas de fin!
Maintenant, je m'en vais explorer un peu cette ville splendide, qui n'a rien à voir, me dit-on, avec le "vrai" Guatemala. On y croise néanmoins des femmes mayas en costume traditionnel, portant sur la tête d'immenses paniers de mangues, de lessive, de tortillas ou que sais-je encore. On en voit aussi beaucoup, assises le long des trottoirs, qui mendient tristement, accompagnées d'un ou deux enfants minuscules et faméliques. Ça crève le coeur.
Hasta luego, amigos

mardi 31 mars 2009

C'est ça qui est ça

Bon.

J'ai enfin bouclé ma valise. Lu toutes les mises en garde des guides de voyage et du ministère des Affaires étrangères, que je me suis empressée d'oublier parce que sinon on n'irait jamais nulle part. Fait mes dernières recommandations à mon fils. Décidé de ne pas emporter mon Mac (on a beau oublier les mises en garde du ministère des Affaires étrangères, quand même, j'aime mieux qu'il reste ici en sécurité, quitte à écrire ce blogue sans accents).

Je suis remarquablement détendue, et j'en remercie la Société des alcools du Québec, qui vend à petit prix des vins blancs aptes à déglacer une casserole de veau à l'orange et au paprika hongrois tout en procurant à la cuisinière l'agréable sentiment du devoir accompli. Je vous donnerai la recette un jour (du veau, pas du devoir accompli).

Il me reste bien sûr quelques questions de fond à régler, comme justement le fond de ce blogue: noir ou pas? Je vous laisse juges. De toute façon, comme je me connais, je pourrais bien en cours de route abandonner cette lubie pour revenir au bon vieux courriel.

Nous verrons bien.

Hasta la vista, y muchos besos a todos.

lundi 30 mars 2009

Plus que deux jours

Deux jours. C'est le temps qu'il me reste pour faire tout ce qu'il me reste à faire avant de partir pour le Guatemala: les dernières courses chez Jean Foutu; le ménage de ma chambre, que l'on dirait sinistrée par la petite soeur de Katrina parce que le contenu potentiel de ma valise s'y trouve répandu ; vider le frigo avant qu'il ne devienne un sujet d'expérimentations bactériologiques pour l'institut Armand-Frappier; essayer de croiser mon fils, qui, aux dernières nouvelles, habite toujours avec moi; payer les factures qui traînent; enfin, ce genre de choses. Plus: trouver quelques cadeaux pour la famille qui m'hébergera à Antigua, apprivoiser ce blogue, décider si j'emporte mon Mac ou non.
Et, évidemment, faire ma valise, sujet de toutes les angoisses, de tous les dilemmes existentiels, de toutes les hésitations. Bon, d'accord, j'exagère, mais pas tant que ça.
Quand je pense que je pourrais rester bien tranquille chez moi à regarder Virginie en mangeant de la lasagne Choix du Président...
Et pourquoi le Guatemala, d'abord?
Ah. Vous posez trop de questions. Est-ce que je sais? C'est ailleurs. Il y a des volcans. Et on y parle espagnol.
Voilà.