vendredi 29 février 2008

Dans le port d'Amsterdam...

Dans le port d'Amsterdam
Y a des marins qui chantent
Les rêves qui les hantent
Au large d'Amsterdam
Dans le port d'Amsterdam..................

 
Aha! Voilà, ça y est, je vous ai enfoncé cette chanson jusqu'au fin fond du cervelet, d'où elle ne ressortira que lorsque moi-même serai revenue du périple qui doit me mener là-bas. Je ne pars que le 8 mars, vous avez le temps de souffrir et moi aussi, à me tourner les pouces comme ça entre-temps. Enfin. 
 
J'irai bien sûr visiter la maison d'Anne Frank, et j'espère qu'on ne nous fera pas un jour le coup que Micha Defonseca vient d'avouer qu'elle avait fait avec son livre Survivre avec les loups (dont j'avais fait la recension pour le cahier Lectures de votre journal préféré). Elle avait soutenu que cette histoire était autobiographique. Or, elle a tout inventé. Mais quand on dit tout: elle n'est seulement pas juive! Enfin, ça faisait tout de même une bonne histoire, je me demande pourquoi elle s'est crue obligée de dire que tout était vrai.
 
C'est son éditeur qui doit être content. 
 
Bref. J'irai aussi à Edam, ville du fromage éponyme, et faire semblant de croire qu'il y a vraiment des Hollandais qui portent toujours des sabots à Volendam. 
 
Après la Hollande, ses tulipes, ses sabots et ses moulins à vent, je prendrai le train jusqu'à Gand, en Belgique, puis j'irai à Bruges (Brel a sûrement écrit quelque chose sur Bruges, non? Je vais trouver, vous ne perdez rien pour attendre). 
 
Voilà. Les moules et les frites n'ont qu'à bien se tenir.

mardi 19 février 2008

Au pays des castors

Me voici en plein coeur de la forêt laurentienne, où je suis censée traquer le Français assoiffé de grands espaces et recueillir ses impressions. Je reconnais que, à la suite du voyage quasi initiatique que je viens de faire jusqu'aux tréfonds de mes racines dans la Normandie profonde, le contraste est plutôt fort et l'ironie, assez piquante. 

Remarquez, je n'aurai pas loin à marcher, car j'aime autant vous le dire, et je compte en alerter la population: nous sommes INFESTÉS de Français à la recherche d'authenticité!

Donc, au programme demain: randonnée en traîneau à chiens, puis retour aux sombres jours de mon enfance pour une promenade en motoneige. J'ose espérer qu'Armand, mon collègue photographe, aura pour ma pauvre personne plus d'égards que n'en avait feu notre père. Il était fort aimant, certes, mais néanmoins quelque peu emporté. Ainsi lui arrivait-il régulièrement de nous semer en route sans s'en apercevoir, tout occupé qu'il était à maîtriser son rutilant Sno-Jet et à caracoler dans les sentiers cahoteux de la forêt derrière chez nous, où s'élèvent désormais des séries de manoirs californiens en placoplâtre posés sur des mouchoirs de poche gazonnés.

Les temps changent, que voulez-vous.

samedi 9 février 2008

La classe

Chers et estimés,

Je suis rentrée en classe affaires, oui messieurs-dames, et j'aime autant vous dire qu'Air France ne niaise pas avec ces choses-là. Et que je te déplie une petite nappe blanche sur ta petite table, et que je te pose là-dessus un petit plateau lui-même nappé de blanc, avec encore une serviette blanche qui enveloppe deux fois trop de couverts en bon et bel acier, à croire que les terroristes susceptibles de commettre un attentat au couteau de table ne pourraient songer à débourser le malheureux supplément qu'il faut pour avoir le droit de manger comme des personnes civilisées en avion et d'égorger ensuite le pilote, le copilote et tous les agents de bord. 


Remarquez, c'est bien agréable de faire dînette comme ça, mais un peu moins de tissu blanc ne changerait rien à l'affaire. Trop de chichis, c'est comme pas assez.

Aussi galonné que des membres de l'amirauté, le personnel traite les passagers de ce côté-ci du rideau comme de grands convalescents. Vous me direz, c'est pareil en classe écono. Ah mais pas du tout. En classe écono, on nous traite comme des déficients légers. Pourtant, s'il y a une chose qui devrait être inversée, c'est bien celle-là.

À l'aéroport, nous sommes arrivés en même temps que deux ou trois fournées de joyeux naufragés de retour de Punta Cana ou de je ne sais quel bord de mer. Des beaufs en marcel et bermuda avec leur dame boudinée dans une minijupe de jean, le chapeau de palme tressée attaché à la poussette, des valises absurdement énormes, ça s'interpelle, ça pleure au contrôle de la douane parce que ça n'a pas rempli son formulaire ou parce que ça rapporte une bouteille de rhum de trop, tout ce beau monde est toasté comme un paquet de biscottes, ils sont contents d'être heureux et on est heureux pour eux, mais contents de ne pas être eux, quand même.

Bon, encore des commentaires subjectifs, ma boss n'aimerait pas ça.

Voilà, j'ai donc retrouvé mes deux fauves affamés qui m'ont ronronné dans les oreilles toute la nuit, mes six oreillers, mes insomnies et mon angoisse de l'écran vide. J'en suis déjà à mon second café, je n'aurai bientôt plus d'excuse, faudra que je m'y mette.

Mais pas avant d'avoir lu mon journal. 

jeudi 7 février 2008

Capitale du boudin

Chers amis gastronomes (et les autres aussi),

Je me trouve en ce moment à Mortagne-au-Perche, où dit-on le boudin noir est le meilleur de France. Bien sûr, on m'objectera qu'il y a peu de raisons de disputer ce titre à un bled de 4500 habitants, à peu près comme on se soucie fort peu de chicaner au sujet de la suprématie de Louiseville en matière de galettes de sarrasin. Mais on se valorise avec ce qu'on a, et je dois reconnaître que, malgré mon peu d'appétit et la nausée qui me poursuit, je n'ai pu ce soir résister au croustillant de boudin, spécialité de l'hôtel du Tribunal, où nous logeons et où, comme de juste, j'ai hérité de la chambre de la princesse.

J'avais pris mes dispositions pour passer deux jours à Paris au lieu de rentrer dès demain, mais je crains de ne pouvoir résister à l'appel constant de la bonne chère en ce doux pays et de revenir sous perfusion. Alors en fin de compte, je reprends l'avion demain avec deux Gravol et le reste de mes compagnons de voyage.

Nous avons aujourd'hui écumé la région du Perche, où sans doute le mot bucolique a été inventé. Je souffre de vivre dans un pays où l'on s'est appliqué à saccager la moindre parcelle de beauté quand je vois ces maisons si bien fondues au paysage (ou est-ce l'inverse?). Imaginez la Côte-du-Sud sans ces absurdes bungalows californiens, Rivière-du-Loup sans le centre commercial au bord du fleuve, La Malbaie sans l'autoroute... 

Enfin. On pourrait épiloguer longtemps là-dessus mais, comme on dit, le mal est fait. Et il fait mal.

Ça fait que je m'en vais faire dodo dans ma chambre de princesse et essayer de digérer mon fort peu princier boudin, dans l'espoir qu'il me restera assez d'énergie demain matin pour explorer un peu Mortagne, toute vieille petite commune repliée dans sa vallée.

mercredi 6 février 2008

Je n'ai pas vu Honfleur

La nuit dernière, je me suis réveillée vers trois heures avec un petit mal de coeur qui ne laissait rien présager de bon. Ah, me suis-je gourmandée, tu auras trop mangé. Vous savez ce que c'est. Des huîtres, ah, mais ça se mange sans faim, et puis elles sont si délicieuses, ici! Ce petit sorbet au calvados ne saurait me faire de tort avant mon plat de poulet fermier... Du camembert, mais comment donc, et puis du pont-l'évêque aussi, pourquoi pas? On n'est pas tous les jours en Normandie... Du dessert? Non, merci, je ne mange jamais de... Ah, mais une tarte fine aux pommes et à la crème fraîche, évidemment, ça ne se refuse pas...

Bref, à l'aube, j'ai vomi tripes et boyaux, et plutôt deux fois qu'une, même que j'ai bien cru y laisser aussi mon dernier souffle.

J'ai d'abord soupçonné Jean-Maurice, mon collègue du Journal de Montréal, d'avoir mis quelque chose dans mon café, histoire de neutraliser une concurrence trop dérangeante, mais il jure que non.  Il faut dire que l'une des accompagnatrices du voyage a subi le même sort que moi, alors ça affaiblit un peu l'hypothèse, encore qu'il aurait pu l'empoisonner aussi pour brouiller les pistes. Si personne d'autre ne se montre atteint d'ici à la fin du voyage, les huîtres auront des explications à donner. L'enquête se poursuit.

En attendant, pendant que mes camarades allaient visiter la très jolie ville de Honfleur, je suis restée à agoniser dans ma petite chambre, d'où l'on est venu me tirer à 14h, direction Lisieux. Non, ce n'était pas pour implorer sainte Thérèse de me remettre sur pied, mais pour voir la basilique. J'ai tout de même failli allumer un lampion, mais je me suis dit que Thérèse me rirait au nez, moi la mécréante et la pécheresse. Bon c'est vrai, elle a tout de même guéri Édith Piaf de sa cécité, mais je ne me sentais pas la force d'argumenter.

Ce soir ça allait un peu mieux, grâce à des médicaments que nous a conseillés un pharmacien très gentil, qui nous les a même servis avec un verre d'eau. Disons que ce n'est pas le genre de comptoir auquel je comptais m'attabler, mais les voyages sont remplis d'aléas. 

Nous dormons dans un hôtel au tenace parfum de renfermé, au bord d'une autoroute où il y a aussi un supermégahypermarché et je ne sais trop quoi d'autre. C'est une halte qui nous permet d'être plus près de notre destination de demain, un monument qui souligne la dernière bataille de la campagne de Normandie en 1944 ou 45. J'aurai une pensée pour mon vieux papa, comme vous vous en doutez bien.

Ce soir, nous avons soupé à la salle à manger de l'hôtel, je me suis contentée d'un bol de potage, d'une frite ou deux grappillées dans l'assiette d'un commensal et de quelques bouchées de riz au lait, repas pantagruélique couronné d'une petite infusion menthe-réglisse que je suis venue écluser dans ma chambre. Mais savez-vous, je suis quand même contente: au vu des assiettes de mes compagnons, je n'ai rien raté.

Bon, allez, je me recouche. Je vais réfléchir à une manière de retrouner voir Honfleur, que je rêvais de visiter par-dessus tout.