mercredi 21 décembre 2011

Prière à saint Sauveur

«Ce sont tes deux derniers jours au cahier Voyage, sors, gâte-toi!» m'a dit aujourd'hui ma très gentille patronne, Stéphanie.

Il était question de faire un reportage sur un endroit près de Montréal, genre: Cinq bonnes adresses à _____ (insérez ici le nom d'un chouette village – Knowlton, Sainte-Adèle, Val-David...).

Au final, ce sera... SAINT-SAUVEUR!

Non pas que ce soit du goût de Stéphanie plus que du mien, mais il y a là une sorte de défi, comme d'essayer de trouver quelque chose d'authentique à Las Vegas, ou d'espérer manger une salade de jeunes pousses au miso chez McDonalds.

Saint-Sauveur, donc. Dans ce royaume du kitsch et du clinquant s'alignent une pléthore de restaurants qui servent tous la même chose, le genre de trucs qu'on a découverts il y a 35 ans en même temps que le camembert Meilleur-avant, le pain Cousin et le gros rouge: escargots au beurre à l'ail (au secours!), bavette à l'échalote (beurre maître d'hôtel en cas d'absolu raffinement), foie de veau au vinaigre de framboise, salade César au poulet grillé, penne all'arrabbiata.

C'est du moins ce que révèle une recherche dans la liste des restaurants que procure le site de la municipalité, sous l'onglet «cuisine française». Il y a bien un onglet «cuisine gastronomique ou inventive», mais il est vide («inventive»?).

Sous «cuisine familiale», on trouve notamment: St-Hubert, la Cage aux sports et le Chalet grec. (Misère! est-ce donc à cela que se réduit désormais notre cuisine familiale?)

L'expérience m'a appris que, d'une manière générale, les fautes d'orthographe du menu annoncent assez justement les défaillances du chef en cuisine. Si j'en juge par ce que j'ai vu jusqu'ici sur les interwebs, j'aime autant vous le dire tout de suite, un autre scandale Orford Express est à nos portes.

Côté shopping, je me demande ce que je dois penser de la boutique Buck (vêtements pour hommes) ou du fait que, sous l'onglet «art, décoration, matériel d'artiste», on trouve Au Coin du vitrail et Aubaines du dollar.

Mais vous me connaissez: rien ne m'empêchera de faire mon dur devoir de dire. J'irai donc, l'esprit ouvert et, comme vous êtes à même de le constater,  sans a priori. J'irai, toujours drapée dans mon inaltérable objectivité journalistique. J'irai, j'irai, prête à défendre jusqu'à la mort le droit du public à l'information, la liberté de la presse et toutes ces choses philosophiques qu'il serait trop long d'énumérer ici.

Sauf qu'il y a ce petit verglas qui tombe obstinément depuis un moment, vous savez? Du genre de celui qui a pratiquement paralysé la ville en 1998?

Au moment où j'écris ces lignes impérissables, d'aimables stalactites de cristal frangent la rambarde de mon balcon et pleurent leur espérance de durer jusqu'à demain. Ce n'est pas moi qui vais les contrarier.

Je prie avec elles: que ça continue juste assez longtemps pour que ce soit vraiment trop dangereux de prendre la route demain sans que ça m'empêche de prendre l'avion dimanche. Est-ce trop demander?

Saint Sauveur, priez pour moi!

lundi 12 décembre 2011

Rage au volant

Croyez-le ou non, hier, en arrivant dans la belle et paisible ville de Québec, j'ai été l'innocente victime d'une crise de rage au volant.
Lorsque j'ai garé ma petite nauto devant l'hôtel, j'ai légèrement touché le parechoc du gros VUS noir qui se trouvait derrière moi. Le type à l'intérieur s'est mis à klaxonner comme un malade.
J'ai terminé ma manœuvre de stationnement et je suis sortie, l'air un peu contrit comme il se doit, prête à demander pardon avec mon plus joli sourire désolé. Bien en vain: l'autre, qui était en train de chercher compulsivement des dommages inexistants sur sa précieuse bagnole, a commencé à m'engueuler comme du poisson pourri. «Hé, ho, monsieur, je lui ai dit, je suis désolée, mais on se calme, vous voyez bien que votre voiture n'a rien!
– Ouais, ben on fait attention, tabarnak, crie-t-il, les yeux sortis de la tête, l'air prêt à mordre. Pis c'est même pas un stationnement, icitte!
– Non, en effet, mais c'est un débarcadère d'hôtel, voyez (je lui montre le panneau de signalisation), et je suis précisément en train de débarquer à l'hôtel.
– @#$%@**!!!!!
– Bon, je vous ai dit que j'étais désolée et votre voiture n'a RIEN. Revenez-en.»
Je suis entrée dans l'hôtel avec mon amie Manon, qui m'accompagnait. Quand nous en sommes ressorties, un bon quart d'heure après, le type non seulement était encore là, mais il avait avancé sa bagnole tout contre la mienne, de sorte que je ne pouvais pratiquement plus sortir de ma place de stationnement.
Je m'approche, je cogne à sa vitre, il m'ignore. J'ouvre sa portière, il la tire violemment vers lui en hurlant.
«Bon, mon coco, que je me dis, tant pis pour toi, moi, faut que je sorte d'ici.» Je me mets à manœuvrer – avance, recule, avance, recule... Forcément, j'ai dû toucher à son précieux char d'assaut deux ou trois fois pour réussir à m'extirper de là. Pas le choix.
Pendant ce temps, il klaxonnait sans discontinuer comme un enragé, à tel point que le monsieur de l'hôtel est venu voir ce qui se passait. Je ne sais pas ce qu'il lui a dit, mais bref, alors que nous nous dirigions vers le stationnement, à quelques rues de là, le cuistre s'est mis à nous suivre! Et de très, très près! Misère...
J'avais la main sur mon téléphone, prête à appeler la police, quand il a finalement continué tout droit alors que nous tournions.
Je ne suis pas allée voir ma voiture depuis, mais va savoir: il a peut-être pris un chemin détourné pour aller démolir ma petite nauto à coups de barre de fer ou lacérer mes pneus.

samedi 10 décembre 2011

Des lutins à Saint-Élie?

Hier soir, aller-retour à Saint-Élie-de-Caxton, le village que Fred Pellerin a fait connaître dans le monde entier (enfin, presque), pour une activité appelée la «Féerie de Noël».

La route était affreuse. Il tombait une sorte de crachat (non, pas du crachin, j'ai bien dit «crachat») à mi-chemin entre la neige fondante et l'eau «gelante», le ciel était opaque et gris comme du mastic, il n'était pas quatre heures et il faisait déjà nuit. Mon jeune collègue photographe et moi nous demandions bien ce que nous allions pouvoir trouver de féerique dans une pareille bouillasse.
On a beau accrocher partout des milliers de petites ampoules multicolores, il y a des limites à la magie...

Je ne vous dirai pas tout, mais je commence à croire que Fred, qui passe son temps à parler des lutins qui habitent le village, dit vrai. D'abord, j'ai été démasquée: on savait que j'étais journaliste et l'on m'attendait, moi qui ne m'étais pas annoncée, hormis une réservation faite in extremis.
Bizarrement (et à notre grande déception), nous avons fait la balade seuls, Édouard et moi, dans cette espèce de chariot tiré par tracteur, alors que le tour précédent était complet: trois chariots pleins de monde. Ils ont voulu nous isoler ou quoi?
Pour nous rassurer, on nous a annoncé que, au souper qui suit la visite, nous ne serions pas seuls: il y aurait tout un autocar de gens venus de... Sherbrooke!
J'ai avalé de travers: compte tenu de la réaction courroucée des responsables de l'Orford Express à mon article sur ce train touristique, je ne suis plus certaine de pouvoir mettre les pieds en Estrie sans garde du corps. V'là qu'ils viennent me chercher! Au secours!

Bon, en fin de compte je me suis inquiétée pour rien; comme vous voyez, nous avons survécu, et fort bien. Je vous réserve la suite et les détails, à lire samedi prochain dans votre journal préféré...


dimanche 4 décembre 2011

Moi, Fabienne C., mécréante et apostate

Je ne sais pas pour vous mais, personnellement, je ne prends jamais l'assurance-voyage offerte par les compagnies aériennes. Je n'ai jamais non plus pris l'assurance hypothécaire de ma banque.
J'ai pour ça, respectivement, une carte de crédit MasterCard Or (publicité gratuite) et une assurance-salaire. Ça me coûte déjà assez cher, me semble que ça suffit.
Dans le même esprit, j'ai demandé à l'Église catholique, il y a peut-être deux ans, de rayer mon nom de ses registres, c'est-à-dire d'annuler mon baptême. En d'autres mots: j'ai mis fin à mon assurance-paradis.
Non que mon statut de catholique me coûtât quoi que ce soit (admirez l'imparfait du subjonctif et les deux accents circonflexes), mais je pense que, si vraiment le bon Dieu existe et qu'il nous aime autant qu'on le dit, il va m'aimer pareil, que mon nom soit ou non dans les registres de la paroisse du Sacré-Cœur de Chicoutimi, où un quelconque curé m'a versé un peu d'eau sur le front et ointe d'une huile suspecte en faisant quelques simagrées de circonstance. (Je viens de faire une phrase de cinq ou six lignes, chose que je reproche régulièrement à mes jeunes journalistes et parfois même aux vieux. Mais comme je dis toujours: une phrase longue, si elle est bien structurée, n'est pas un problème. Après tout, c'est là-dessus que Proust – que je trouve par ailleurs insupportable – a bâti sa carrière. Ce qui s'appelle une digression.)
Bref, j'ai fait ça (l'apostasie) parce que je refuse que monsieur le pape, quand il excommunie une petite fille au motif qu'elle s'est fait avorter d'un enfant conçu lors d'un viol, lorsqu'il condamne l'homosexualité et la contraception, lorsqu'il refuse l'ordination des femmes, protège des prêtres pédophiles et persiste à obliger tous ses ministres à un absurde célibat, je refuse qu'il parle en mon nom. Je ne fais donc plus partie des X millions de catholiques dont il se réclame.

On trouvera donc étrange que je m'en aille en reportage chez les moines cisterciens, ceux d'Oka, qui ont déménagé à Saint-Jean-de-Matha, pour une retraite de trois jours.
Comprenez ça comme vous voudrez, j'ai de l'admiration pour ces gens-là, qui choisissent de consacrer leur vie à une chose complètement intangible et irrationnelle, et qui sont pour la plupart fondamentalement bons.
C'est aussi vrai pour les bouddhistes que j'ai rencontrés en Thaïlande, et pour les musulmans que j'ai connus au Maroc ou en Égypte. Ça n'a donc rien à voir avec le dieu auquel on s'adresse. C'est une question d'éthique personnelle.
Quand ma tante Cécilia, qui est sœur du Bon Pasteur et bonne comme du bon pain, m'écrit pour me dire qu'elle prie pour moi, je suis touchée. Quand ma marraine Gaétane, tout aussi bonne et d'autant plus qu'elle est ma seconde mère, me dit qu'elle prie sainte Anne pour sa fille Lucie, atteinte d'un cancer (Lucie, je ne prie pas mais je pense à toi, je crois que ça revient au même), ou pour moi, ou pour quiconque a besoin de ses prières, ça m'émeut. Quand Charlotte, mon autre seconde mère (il ne peut pas y avoir de troisième), me dit que son Léo vient lui parler dans ses rêves, je l'envie un peu.
Le chant grégorien me touche profondément, et j'ai un grand attachement à  cet héritage qui me permet de comprendre les plus belles œuvres d'art au monde. Pensez à Michel-Ange, au Tintoret, à Raphaël, aux icônes russes, pensez à tout ce qu'on aime de l'Italie, au charme des églises de campagne du Québec ou d'ailleurs... C'est au point où je regrette de ne pas avoir transmis ce savoir à mon fils, élevé dans la plus pure laïcité.
Le pape ne parle plus en mon nom, j'en suis fort aise. Mais demain, je m'en vais dans un univers de silence, de paix et d'accueil de l'autre. Les moines ne sauront pas que je ne suis ni croyante, ni aucunement catholique.
Mais je crois savoir qu'ils m'accueilleront comme le veut leur règle de vie: sans jugement, avec simplicité et ouverture. On verra bien.
Hé. Allez savoir: je me ferai peut-être nonne? Après tout, c'est un bon moyen de finir ses jours en Italie à peu de frais...