vendredi 27 janvier 2006

Éloge de la lenteur



Nous y sommes enfin. 

Ces deux jours de péniche nous ont montré les limites de la fesse humaine devant l'implacable raideur de la banquette de bois. Et quelle banquette: peut-être 25 centimètres de largeur, un dossier à angle droit fait d'une planche, et si vous voulez un coussin, faites comme pour le vin dans les restos grecs: apportez le vôtre... Notre bateau n'aurait sans doute jamais reçu le permis de naviguer chez nous, mais nous sommes en Asie, et la vie ici n'a pas la même valeur qu'en Occident. Si on meurt, c'est le karma. Si on vit, c'est pareil. Simple, non?

Nous étions donc une bonne quarantaine à bord, à regarder défiler les rives du Mékong, dont les eaux boueuses bouillonnent entre d'étonnantes formations rocheuses et de longs bancs de sable très fin. De place en place, des villages aux maisons de bambou apparaissent dans les frondaisons des collines, des enfants se baignent tout nus dans le fleuve pendant que les mères font la lessive, et tous nous font de grands saluts amicaux.

Il y a parfois quelques buffles qui prennent le frais, parfois des chèvres. Partout, de longues perches de bambou accrochées aux rochers annoncent la présence de filets que les hommes iront relever à la fin du jour.

Notre bateau, qui fait aussi du transport pour les autochtones, s'arrête parfois près d'un hameau, après des miracles d'adresse de la part du pilote. On dépose quelqu'un, on décharge quelques sacs de riz, on embarque des tuyaux, allez savoir. Les enfants accourent, observent, prennent parfois la pose pour une photo et s'en retournent à leurs – partie de foot avec un ballon crevé, lancer de la gougoune sur un objet X (version locale de la pétanque).

La vie semble ici d'une simplicité déconcertante, rythmée depuis des siècles par les moussons, la pêche, les récoltes, les grossesses. Pas d’électricité, pas de télé, pas même de routes, ou si peu. On aurait envie de débarquer et de passer là quelques jours, pour se reposer un peu. Mais eux doivent trouver que nous nous reposons tout le temps, la preuve: que faisons-nous donc tous là, à glander dans ce bateau?

Enfin.

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