vendredi 30 avril 2010

Bruits

Au moment où j'écris ceci: Dans le café où je me trouve, à l'heure de la fermeture, le bruit du rideau de fer qu'on déroule. Celui de la télé où joue à tue-tête une telenovela qui a dû coûter très cher de larmes artificielles. Celui du moulin et de la machine à café, de la clim, des ustensiles qu'une serveuse secoue vigoureusement dans un seau de plastique pour je ne sais quelle raison obscure, des voitures qui passent dans la rue, des conversations des gens qui ne sont pas en train de surfer. Le cliquetis des claviers sur lesquels il faut piocher comme des sourds pour en tirer quelque chose, le choc de la vaisselle qu'on ramasse parce que le resto est sur le point de fermer (ce dont personne  ne semble se formaliser), le bip bip de la caisse qui additionne les additions.

La nuit, dans la ruelle autrement tranquille de mon hôtel: Des étudiants qui chantent l'hymne national après avoir fait honneur à la boisson nationale. Le raclement des poubelles d'acier que traînent sur le trottoir les employés du buffet chinois du rez-de-chaussée, et la musique qui les accompagne. Les conversations des gens de l'immeuble d'en face, qui veillent sur le toit.

Le matin: le chuintement des balais sur les trottoirs qu'on lave à grande eau savonneuse (à chaque commerçant son bout de trottoir). Les bus, les voitures, les motos, les zillions de taxis qui klaxonnent pour se signaler aux clients, le sifflet des agents de circulation. Les rideaux de fer qu'on remonte.


Le reste du jour: tout cela en même temps, plus le boniment du clown au Parque Alemada Central, qui m'apostrophe au moment où je passe devant lui: ¡Holà, señorita! Hao ale you? Waile ale you flom? Canada? Qué bonito!
Il y a toute une assistance hilare. Je lui dis qu'il peut me parler en espagnol, il me demande mon nom, et me voici engagée comme clownette de service. Il va me faire une sculpture en ballon, et il en profite pour commettre quelques calembours à connotation sexuelle dont les Mexicains raffolent. Au lieu de me demander quelle couleur je préfère, il me demande: «¿Qué sabor?» Je choisis rose. Il me demande si je les aime grosses ou longues. Je réponds que l'important, c'est ce qu'on fait avec. Il rigole. Il commence, ça a l'air absolument de ce qu'on pense qu'il va faire. Je me marre, il me dit que j'ai l'esprit mal tourné, tout le monde dans l'assistance se tord de rire. Il finit par me fabriquer un très innocent et très joli cygne rose, que je remets gracieusement à un jeune homme derrière moi, puisque je m'en vais faire des courses et que je n'ai absolument pas l'intention de traîner ça au mercado d'artesania.
Bruit des applaudissements.
La clim vient de s'éteindre, je suis la dernière cliente, on passe la serpillère derrière moi. Je rentre.

3 commentaires:

  1. Tu sais, t'écris vraiment bien quand tu te laisses aller. Et merci d'avoir pensé aux anneaux.

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  2. Tout à fait d'accord Pierre, l'espace d'un instant j'étais à tes côtés au milieu des badauds le sourire aux lèvres...Paris très loin Mexico si près. Laure

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  3. Merci de nous transporter dans tes valises.

    Jo

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