samedi 30 mars 2013

Des questions, des questions


Ce soir, grande finale du tournoi de foot intermédias; Radio Paillant a gagné contre Radio Pep (Radio Peuple), YÉ!

Je ne me connaissais pas cet intérêt pour le soccer. Bien que la presque-totalité des règles m’échappent (je sais quand même qu'il faut mettre le ballon dans le but, et préférablement celui de l'équipe adverse), je m’émerveille de l’agilité des joueurs, qui semblent, à mes yeux de néophyte, aussi habiles que ceux du Real Madrid ou du Manchester United (je connais mes classiques, non?).

La différence, c’est que, quand ils mangent un coup, ils ne font pas semblant d’être à moitié morts en se tordant de douleur pour se relever indemnes au bout de deux minutes. Quand ils tombent, ils tombent. La semaine dernière, Odny, le gardien de Radio Paillant, s’est fait assommer je ne sais trop comment, mais vraiment assommer.

J’étais certaine qu’il avait une commotion cérébrale. Je suis restée à côté de lui pendant un bon moment pour lui donner à boire et pour m’assurer qu’il n’avait pas envie de vomir, qu’il n’allait pas tomber endormi, qu’il savait son nom et la date du jour… Pendant un certain temps, il a vraiment paru sonné. Il secouait la tête, se frottait les yeux en se plaignant que sa vision était brouillée, se désespérait de ne plus pouvoir jouer. 

Il a fini par se mettre à marcher le long du terrain et à crier pour encourager son équipe.

Quand même, il a dû se rendre à l’hôpital, cette semaine. Et il n’était pas au match de ce soir, lui si orgueilleux de son statut de «portier», comme il m’avait dit fièrement.

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SEXE – Je remarque que les hommes, ici, d’une manière générale, portent régulièrement la main à leur sexe et le tiennent pendant plusieurs secondes. Je me demande si c’est pour s’assurer qu’il est toujours là, pour le protéger de je ne sais quel mauvais sort, pour montrer à tous (et toutes) qu’ils en ont bien un ou pour tenir leur pantalon. Je n’ai pas encore osé aborder la question avec mes amis haïtiens, je crains qu’ils n’aient jamais vraiment remarqué la chose et qu’ils me regardent comme une sorte d’obsédée.

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PLÈTIL? – C’est comme ça qu’on dit en créole au lieu de «Pardon?» ou «Comment?».
J’adore cette langue.

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LA PEAU NOIRE – Au moment où j’écris, la télé beugle un concert évangélique (un de plus) qu’Adèle écoute plus qu’elle ne le regarde puisque l’image est pleine de neige. Elle s’est fait sur le gros orteil un emplâtre d’herbes (je lui ai demandé lesquelles, elle m’a répondu : fey tout kalite – «toutes sortes de feuilles») : un bidon de 25 gallons d’eau a atterri sur son pied cette semaine. Elle perdra son ongle, c’est sûr. Elle aurait probablement l’orteil violet si sa peau n’était pas noire, mais là, rien n’y paraît. Ça aide à ne pas trop s’inquiéter, je suppose.

Parlant de peau noire, je remarque que les fabricants de pansements adhésifs (genre Band-Aid) n’ont toujours pas réalisé que la couleur «peau» de leurs produits ne convient aucunement à plupart des habitants de la Terre. Il y a là, il me semble, une occasion d’affaires.

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BIENTÔT JÉRÉMIE – Je termine mon séjour à Paillant demain – j’espère partir lundi pour Port-au-Prince, d’où je prendrai vraisemblablement l’avion pour Jérémie (40 minutes de vol, alors qu’il faut près de huit heures par la route). Je n’aurai sans doute pas accompli tout ce que je voulais ici, pour toutes sortes de raisons dont j’ai parlé ou pas dans ce blogue.
Je ne sais pas si j’ai été vraiment utile, mais je sais que j’ai moi-même appris et reçu beaucoup.

Ma petite Sarah et sa cousine Elsie sont parties aujourd’hui pour leur village natal; je ne les reverrai pas. Je leur ai dit adieu cet après-midi avant de partir pour le match de foot. Elsie m’a fait comprendre qu’elle m’en voulait de ne lui avoir rien donné, peut-être parce qu’elle sait que j’ai offert ma chaînette d’argent à Sarah… Quand je l’ai embrassée, elle ne s’est pas levée et ne m’a pas rendu ma bise.

Qu’aurais-je dû faire? Lui donner de l’argent? Je ne crois pas que ce soit une bonne chose: j'ai eu le malheur de lui donner quelques gourdes une fois, après qu'elle eut fait une course pour moi. Après, elle m'en a redemandé plusieurs fois, une attitude que je refuse d'encourager.

Pourtant, j’ai bien donné à Wilbens ce qu’il lui manquait pour acheter la batterie qui lui permettra de s’éclairer pendant quatre ou cinq ans (je reparlerai de cette visite)… Je suppose que cela me paraissait vraiment important.  Et il faut dire qu'il ne m'avait rien demandé.

Je n'ai pas fini de me poser des questions...

2 commentaires:

  1. Bonjour Fabienne,
    C'est avec grand plaisir que je lis votre blogue que j'ai découvert par l'entremise de votre frère Francois, un confrère de longue date. J'apprécie le réalisme saisissant de vos descriptions des faits de la vie quotidienne, souvent fait de riens dans le contexte haïtien.
    Concernant le fameux "plaît-il", je vous ferais remarquer qu'il n'a absolument rien de créole en soi: en fait, dans dans un français académique, "plaît-il" est une formule polie pour demander de répéter ce que l'on a pas bien entendu. La formule était de rigueur pour les serviteurs (esclaves) qui oeuvraient sur les habitations. L'expression est simpelemnt restée dans la langue créole.
    Bon retour au Québec,
    Michel Lominy

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  2. Bonjour Michel,
    Merci pour ce gentil commentaire. En fait, bien des expressions que l'on entend en créole sont issues du français qui se parlait au XVIIIe siècle. C'est le cas de ce «plaît-il» si adorablement suranné, mais aussi de plusieurs autres qui, si elles ont complètement disparu du français qui se parle en France, sont restées bien vivantes au Québec et dans les Antilles françaises. Je pense à «bambocher», par exemple, que j'ai réentendu la semaine dernière avec délice. Plusieurs prononciations ont également subsisté, comme icit, dret (droit), fret (froid)...

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