mercredi 21 décembre 2011

Prière à saint Sauveur

«Ce sont tes deux derniers jours au cahier Voyage, sors, gâte-toi!» m'a dit aujourd'hui ma très gentille patronne, Stéphanie.

Il était question de faire un reportage sur un endroit près de Montréal, genre: Cinq bonnes adresses à _____ (insérez ici le nom d'un chouette village – Knowlton, Sainte-Adèle, Val-David...).

Au final, ce sera... SAINT-SAUVEUR!

Non pas que ce soit du goût de Stéphanie plus que du mien, mais il y a là une sorte de défi, comme d'essayer de trouver quelque chose d'authentique à Las Vegas, ou d'espérer manger une salade de jeunes pousses au miso chez McDonalds.

Saint-Sauveur, donc. Dans ce royaume du kitsch et du clinquant s'alignent une pléthore de restaurants qui servent tous la même chose, le genre de trucs qu'on a découverts il y a 35 ans en même temps que le camembert Meilleur-avant, le pain Cousin et le gros rouge: escargots au beurre à l'ail (au secours!), bavette à l'échalote (beurre maître d'hôtel en cas d'absolu raffinement), foie de veau au vinaigre de framboise, salade César au poulet grillé, penne all'arrabbiata.

C'est du moins ce que révèle une recherche dans la liste des restaurants que procure le site de la municipalité, sous l'onglet «cuisine française». Il y a bien un onglet «cuisine gastronomique ou inventive», mais il est vide («inventive»?).

Sous «cuisine familiale», on trouve notamment: St-Hubert, la Cage aux sports et le Chalet grec. (Misère! est-ce donc à cela que se réduit désormais notre cuisine familiale?)

L'expérience m'a appris que, d'une manière générale, les fautes d'orthographe du menu annoncent assez justement les défaillances du chef en cuisine. Si j'en juge par ce que j'ai vu jusqu'ici sur les interwebs, j'aime autant vous le dire tout de suite, un autre scandale Orford Express est à nos portes.

Côté shopping, je me demande ce que je dois penser de la boutique Buck (vêtements pour hommes) ou du fait que, sous l'onglet «art, décoration, matériel d'artiste», on trouve Au Coin du vitrail et Aubaines du dollar.

Mais vous me connaissez: rien ne m'empêchera de faire mon dur devoir de dire. J'irai donc, l'esprit ouvert et, comme vous êtes à même de le constater,  sans a priori. J'irai, toujours drapée dans mon inaltérable objectivité journalistique. J'irai, j'irai, prête à défendre jusqu'à la mort le droit du public à l'information, la liberté de la presse et toutes ces choses philosophiques qu'il serait trop long d'énumérer ici.

Sauf qu'il y a ce petit verglas qui tombe obstinément depuis un moment, vous savez? Du genre de celui qui a pratiquement paralysé la ville en 1998?

Au moment où j'écris ces lignes impérissables, d'aimables stalactites de cristal frangent la rambarde de mon balcon et pleurent leur espérance de durer jusqu'à demain. Ce n'est pas moi qui vais les contrarier.

Je prie avec elles: que ça continue juste assez longtemps pour que ce soit vraiment trop dangereux de prendre la route demain sans que ça m'empêche de prendre l'avion dimanche. Est-ce trop demander?

Saint Sauveur, priez pour moi!

lundi 12 décembre 2011

Rage au volant

Croyez-le ou non, hier, en arrivant dans la belle et paisible ville de Québec, j'ai été l'innocente victime d'une crise de rage au volant.
Lorsque j'ai garé ma petite nauto devant l'hôtel, j'ai légèrement touché le parechoc du gros VUS noir qui se trouvait derrière moi. Le type à l'intérieur s'est mis à klaxonner comme un malade.
J'ai terminé ma manœuvre de stationnement et je suis sortie, l'air un peu contrit comme il se doit, prête à demander pardon avec mon plus joli sourire désolé. Bien en vain: l'autre, qui était en train de chercher compulsivement des dommages inexistants sur sa précieuse bagnole, a commencé à m'engueuler comme du poisson pourri. «Hé, ho, monsieur, je lui ai dit, je suis désolée, mais on se calme, vous voyez bien que votre voiture n'a rien!
– Ouais, ben on fait attention, tabarnak, crie-t-il, les yeux sortis de la tête, l'air prêt à mordre. Pis c'est même pas un stationnement, icitte!
– Non, en effet, mais c'est un débarcadère d'hôtel, voyez (je lui montre le panneau de signalisation), et je suis précisément en train de débarquer à l'hôtel.
– @#$%@**!!!!!
– Bon, je vous ai dit que j'étais désolée et votre voiture n'a RIEN. Revenez-en.»
Je suis entrée dans l'hôtel avec mon amie Manon, qui m'accompagnait. Quand nous en sommes ressorties, un bon quart d'heure après, le type non seulement était encore là, mais il avait avancé sa bagnole tout contre la mienne, de sorte que je ne pouvais pratiquement plus sortir de ma place de stationnement.
Je m'approche, je cogne à sa vitre, il m'ignore. J'ouvre sa portière, il la tire violemment vers lui en hurlant.
«Bon, mon coco, que je me dis, tant pis pour toi, moi, faut que je sorte d'ici.» Je me mets à manœuvrer – avance, recule, avance, recule... Forcément, j'ai dû toucher à son précieux char d'assaut deux ou trois fois pour réussir à m'extirper de là. Pas le choix.
Pendant ce temps, il klaxonnait sans discontinuer comme un enragé, à tel point que le monsieur de l'hôtel est venu voir ce qui se passait. Je ne sais pas ce qu'il lui a dit, mais bref, alors que nous nous dirigions vers le stationnement, à quelques rues de là, le cuistre s'est mis à nous suivre! Et de très, très près! Misère...
J'avais la main sur mon téléphone, prête à appeler la police, quand il a finalement continué tout droit alors que nous tournions.
Je ne suis pas allée voir ma voiture depuis, mais va savoir: il a peut-être pris un chemin détourné pour aller démolir ma petite nauto à coups de barre de fer ou lacérer mes pneus.

samedi 10 décembre 2011

Des lutins à Saint-Élie?

Hier soir, aller-retour à Saint-Élie-de-Caxton, le village que Fred Pellerin a fait connaître dans le monde entier (enfin, presque), pour une activité appelée la «Féerie de Noël».

La route était affreuse. Il tombait une sorte de crachat (non, pas du crachin, j'ai bien dit «crachat») à mi-chemin entre la neige fondante et l'eau «gelante», le ciel était opaque et gris comme du mastic, il n'était pas quatre heures et il faisait déjà nuit. Mon jeune collègue photographe et moi nous demandions bien ce que nous allions pouvoir trouver de féerique dans une pareille bouillasse.
On a beau accrocher partout des milliers de petites ampoules multicolores, il y a des limites à la magie...

Je ne vous dirai pas tout, mais je commence à croire que Fred, qui passe son temps à parler des lutins qui habitent le village, dit vrai. D'abord, j'ai été démasquée: on savait que j'étais journaliste et l'on m'attendait, moi qui ne m'étais pas annoncée, hormis une réservation faite in extremis.
Bizarrement (et à notre grande déception), nous avons fait la balade seuls, Édouard et moi, dans cette espèce de chariot tiré par tracteur, alors que le tour précédent était complet: trois chariots pleins de monde. Ils ont voulu nous isoler ou quoi?
Pour nous rassurer, on nous a annoncé que, au souper qui suit la visite, nous ne serions pas seuls: il y aurait tout un autocar de gens venus de... Sherbrooke!
J'ai avalé de travers: compte tenu de la réaction courroucée des responsables de l'Orford Express à mon article sur ce train touristique, je ne suis plus certaine de pouvoir mettre les pieds en Estrie sans garde du corps. V'là qu'ils viennent me chercher! Au secours!

Bon, en fin de compte je me suis inquiétée pour rien; comme vous voyez, nous avons survécu, et fort bien. Je vous réserve la suite et les détails, à lire samedi prochain dans votre journal préféré...


dimanche 4 décembre 2011

Moi, Fabienne C., mécréante et apostate

Je ne sais pas pour vous mais, personnellement, je ne prends jamais l'assurance-voyage offerte par les compagnies aériennes. Je n'ai jamais non plus pris l'assurance hypothécaire de ma banque.
J'ai pour ça, respectivement, une carte de crédit MasterCard Or (publicité gratuite) et une assurance-salaire. Ça me coûte déjà assez cher, me semble que ça suffit.
Dans le même esprit, j'ai demandé à l'Église catholique, il y a peut-être deux ans, de rayer mon nom de ses registres, c'est-à-dire d'annuler mon baptême. En d'autres mots: j'ai mis fin à mon assurance-paradis.
Non que mon statut de catholique me coûtât quoi que ce soit (admirez l'imparfait du subjonctif et les deux accents circonflexes), mais je pense que, si vraiment le bon Dieu existe et qu'il nous aime autant qu'on le dit, il va m'aimer pareil, que mon nom soit ou non dans les registres de la paroisse du Sacré-Cœur de Chicoutimi, où un quelconque curé m'a versé un peu d'eau sur le front et ointe d'une huile suspecte en faisant quelques simagrées de circonstance. (Je viens de faire une phrase de cinq ou six lignes, chose que je reproche régulièrement à mes jeunes journalistes et parfois même aux vieux. Mais comme je dis toujours: une phrase longue, si elle est bien structurée, n'est pas un problème. Après tout, c'est là-dessus que Proust – que je trouve par ailleurs insupportable – a bâti sa carrière. Ce qui s'appelle une digression.)
Bref, j'ai fait ça (l'apostasie) parce que je refuse que monsieur le pape, quand il excommunie une petite fille au motif qu'elle s'est fait avorter d'un enfant conçu lors d'un viol, lorsqu'il condamne l'homosexualité et la contraception, lorsqu'il refuse l'ordination des femmes, protège des prêtres pédophiles et persiste à obliger tous ses ministres à un absurde célibat, je refuse qu'il parle en mon nom. Je ne fais donc plus partie des X millions de catholiques dont il se réclame.

On trouvera donc étrange que je m'en aille en reportage chez les moines cisterciens, ceux d'Oka, qui ont déménagé à Saint-Jean-de-Matha, pour une retraite de trois jours.
Comprenez ça comme vous voudrez, j'ai de l'admiration pour ces gens-là, qui choisissent de consacrer leur vie à une chose complètement intangible et irrationnelle, et qui sont pour la plupart fondamentalement bons.
C'est aussi vrai pour les bouddhistes que j'ai rencontrés en Thaïlande, et pour les musulmans que j'ai connus au Maroc ou en Égypte. Ça n'a donc rien à voir avec le dieu auquel on s'adresse. C'est une question d'éthique personnelle.
Quand ma tante Cécilia, qui est sœur du Bon Pasteur et bonne comme du bon pain, m'écrit pour me dire qu'elle prie pour moi, je suis touchée. Quand ma marraine Gaétane, tout aussi bonne et d'autant plus qu'elle est ma seconde mère, me dit qu'elle prie sainte Anne pour sa fille Lucie, atteinte d'un cancer (Lucie, je ne prie pas mais je pense à toi, je crois que ça revient au même), ou pour moi, ou pour quiconque a besoin de ses prières, ça m'émeut. Quand Charlotte, mon autre seconde mère (il ne peut pas y avoir de troisième), me dit que son Léo vient lui parler dans ses rêves, je l'envie un peu.
Le chant grégorien me touche profondément, et j'ai un grand attachement à  cet héritage qui me permet de comprendre les plus belles œuvres d'art au monde. Pensez à Michel-Ange, au Tintoret, à Raphaël, aux icônes russes, pensez à tout ce qu'on aime de l'Italie, au charme des églises de campagne du Québec ou d'ailleurs... C'est au point où je regrette de ne pas avoir transmis ce savoir à mon fils, élevé dans la plus pure laïcité.
Le pape ne parle plus en mon nom, j'en suis fort aise. Mais demain, je m'en vais dans un univers de silence, de paix et d'accueil de l'autre. Les moines ne sauront pas que je ne suis ni croyante, ni aucunement catholique.
Mais je crois savoir qu'ils m'accueilleront comme le veut leur règle de vie: sans jugement, avec simplicité et ouverture. On verra bien.
Hé. Allez savoir: je me ferai peut-être nonne? Après tout, c'est un bon moyen de finir ses jours en Italie à peu de frais...

jeudi 24 novembre 2011

Passage à l'acte

Ça y est: tout est prêt pour ma disparition durant le temps des Fêtes. Ce sera dans un mois presque jour pour jour, le 25 décembre exactement.

Mais non, je n'ai pas planifié mon suicide à l'eggnog. Je n'ai pas non plus l'intention de me jeter du haut du sapin de la place Ville-Marie, ni de m'immoler par électrocution en me branchant sur le jeu de lumières DEL qui transforme la façade de mes voisins en succursale de Las Vegas.

Non, simplement, je me sauve chez ma sœur à Revelstoke, en Colombie-Britannique, où elle habite depuis une bonne quinzaine d'années avec son Américain de mari et ses deux adorables fils. Je ne l'ai pas vue depuis quatre ans, il est plus que temps.

Ma sœur et moi la dernière fois que je lui ai rendu visite, en novembre 2007.
Revelstoke est une petite ville aux allures de boomtown, pleine de baba-cool écolo-grano, de ski bums et de fanas du plein air. Ma sœur fait partie de la dernière catégorie: escalade, vélo de montagne, ski hors piste, ski tout court, rien ne l'arrête. À se demander si on a vraiment eu les mêmes parents, mais bon. J'ai d'autres qualités.

Je jubile en songeant à tout ce à quoi j'échapperai – les échanges de cadeaux inutiles, les soldes d'après-Noël, la gadoue montréalaise, les rigodons en boucle à la radio et peut-être même la prison pour méfait après avoir pété toutes les décorations gonflables du quartier avec une aiguille à tricoter (un autre vieux fantasme).

Incitation au crime.
Il se pourrait que, en contrepartie, je consente à aller skier. C'est mon amoureux qui serait content: je fais la grève depuis des années parce qu'il m'a emmenée une fois de trop dans une pente cotée deux losanges, et aussi parce que je gèle tellement des pieds que les orteils m'en tombent. Mais il y a à Revelstoke un centre de ski franchement amazing, je serais bien bête de ne pas au moins aller voir ça de plus près (ou de plus haut). Et puis il paraît que, avec les skis paraboliques, on n'a même plus besoin de skier, ils font ça tout seuls. C'est fait pour moi.

En attendant, il me reste quand même quelques reportages «spécial Noël» à faire pour le cahier Voyage. Vous ne pourrez pas dire que je n'aurai pas payé ma dette à la société: train de Noël Orford Express (oui, le train de Josélitoasté), «Féerie de Noël» à Saint-Élie-de-Caxton, marché de Noël à Compton... Je me sens comme une végétalienne à qui on demanderait de faire un reportage sur les abattoirs halal.

Que ne ferais-je pas pour le droit du public à l'information?

lundi 14 novembre 2011

Matinik tchè en mwen

Ça veut dire: Martinique de mon cœur. Enfin, en principe, hein, et sans doute Antoine, notre jeune accompagnateur, se fendrait-il discrètement la gueule (on dit «yol» en martiniquais, c'est quand même proche de yeule, non?) devant cette pitoyable tentative de kreyol.
Mais peu importe. Il sera aussi content de savoir que je reviens enchantée, au sens d'ensorcelée, de son île.
La gentillesse des gens, leur affabilité, leur façon de nous regarder en plein dans les yeux, et aussi ce créole si plein d'humour, si imagé et parfois si proche du nôtre (oui, je persiste à dire que nous parlons une forme de créole), à tout cela, impossible de résister. C'est une leçon de vie en société: à peine rentrée, je m'étonne de voir les gens que je croise marcher tête baissée ou détourner le regard pour n'avoir pas à saluer leur prochain. Je reste là comme une banane trop mûre avec mon bonjour dont personne ne veut.
En Martinique, ne pas dire bonjour aux gens est une grossièreté. Comme en Guadeloupe, d'ailleurs, où mon amie Marcelle croyait que je faisais la fière parce que je ne saluais pas les gens que nous croisions.
Exemple. Au marché, si vous dites: «Combien, les mangues?», les mangues coûteront les yeux de la tête.
Si vous dites: «Bonjour madame, comment allez-vous?», vous aurez, éventuellement, treize mangues à la douzaine pour trois fois rien, avec une recette de confiture et d'autres fruits à goûter. Qui plus est, vous aurez une amie. Bref, et ce n'est pas bref, il faut prendre le temps de parler, de s'informer, toutes choses que nous avons oubliées ici.

Curieusement, les Martiniquais qu'il m'a été donné de rencontrer n'ont que de bons mots pour les Québécois, avec qui ils ont de multiples liens: unetelle a étudié à l'université Laval, celui-ci a toute sa famille ici, un troisième y vient régulièrement pour le travail, une autre rêve d'y venir...
Il faut croire que nous ne sommes pas si inaptes (et ineptes), mais je persiste à dire que nous pouvons faire des progrès. Défi: saluez donc la première personne que vous croiserez sur le trottoir après avoir lu ces lignes. Je suis certaine que, rien que comme ça, nous pouvons créer un mouvement.
En tout cas, personnellement, plus je voyage, plus je comprends que cette ouverture à l'autre est la clé de toutes les expériences qui nous rendent meilleurs, et j'ai encore appris à ce sujet cette semaine grâce à une très jeune personne que je ne nommerai pas mais qui se reconnaîtra si elle lit ces lignes.

samedi 12 novembre 2011

Poulet boucané

En route pour le seul établissement Relais et Châteaux des Antilles (excusez du peu), nous nous sommes arrêtés, à ma demande expresse, à un petit boui-boui de bord de route pour manger du poulet boucané.
Mes collègues ont d'abord fait la fine bouche. «J'ai pas faim», ont-elles dit (comme si c'était une excuse!). «Ou alors juste pour goûter.»
Ah, les chochottes.
Le meilleur poulet boucané de Martinique, selon notre chauffeur. Je le crois.
Je m'enorgueillis de vous dire qu'elles ont toutes fini par en manger, là debout sur l'accotement, devant cette cabane de planches et de tôle tenue par un ami de notre merveilleux, admirable, adorable chauffeur Michel.
Oh, la chose délicieuse que voilà! Des cuisses de poulet fumées à chaud à la canne à sucre, que ça leur donne un petit goût caramélisé impossible à décrire, la peau croustillante et parfumée, la chair tendre et juteuse... On nous a servi ça sans façon, arrosé de sauce pimentée, dans du papier alu, avec quelques serviettes de papier, un gobelet de jus de canne et, évidemment, un large sourire.
Je vous jure que le repas que je viens de prendre dans ce luxueux hôtel, servi par un personnel aussi nombreux que stylé, ne m'a pas paru meilleur.
Décidément, je ne suis pas faite pour le luxe: ça m'énerve.
Je vous écris du seul établissement «Relais et châteaux» des Antilles, dans une suite dite «jardin» (la catégorie bas de gamme (il y a encore la suite de luxe et l'«exécutive», avec living-room, chambre à l'étage et piscine privée). Je m'y cogne partout comme une perruche lâchée dans une maison, je sursaute en me heurtant à moi-même dans un miroir alors que je crois sortir de la salle d'eau, je cherche en sacrant l'interrupteur de la salle de bains...
J'ai mieux aimé notre séjour chez Léon, au Morne des Cadets, un gîte rustique tenu par un personnage fascinant qui fait la promotion de l'agriculture vivrière traditionnelle, a mille histoires à raconter et fait un «rhum arrangé» littéralement hallucinant.
Bon, c'est pas tout ça, on a encore une grosse matinée de plage demain. Courage. Ça achève.

La maison de Joséphine

Hier, nous sommes allés voir le lieu de naissance de Marie-Josèphe-Rose de Tascher de La Pagerie, dite Joséphine Beauharnais, première épouse de Napoléon Bonaparte.
Imaginez une grande maison créole, une véranda, des jalousies de bois verni, de multiples pièces en enfilade parcourues d'un doux vent tropical, tout cela au milieu d'un jardin planté de cocotiers, de bougainvilliers, de manguiers... Les dépendances, la plantation, les écuries... Vous y êtes?
Eh bien, vous avez tout faux! (Comme moi, d'ailleurs.)
Bon, la maison en question a bel et bien existé, mais elle a été détruite par un cyclone en 1766. Ça fait donc un petit moment.
La famille de Joséphine, quoique noble, n'avait pas l'argent pour rebâtir, apparemment parce que le bonhomme avait tout perdu au jeu. La maman et ses trois filles (le papa, officier de l'armée, ne se montrait pas souvent) ont été contraintes de se réfugier à l'étage de la sucrerie, au milieu des mouches, de la chaleur des chaudières et des odeurs de bagasse, et la maison n'a jamais été reconstruite.
Le domaine a été longtemps à l'abandon, notamment parce que les Martiniquais ne portent pas tous dans leur cœur leur célèbre compatriote, qu'ils accusent d'avoir incité Napoléon à rétablir l'esclavage dans l'île.
La statue de Joséphine à Fort-de-France, si souvent décapitée et arrosée de peinture rouge que le gouvernement a renoncé à la réparer.

C'est un passionné d'histoire qui a racheté le domaine et qui, à ses frais a aménagé un petit musée dans le seul bâtiment encore debout, où se trouvaient les communs (la cuisine, toujours séparée de la maison).
Ça se visite en un quart d'heure. Une dame vous bombarde de noms et de dates, vous ressortez de là un peu moins ignorant qu'avant d'y entrer, mais complètement estourbi et franchement désappointé.
Enfin. Il faut dire qu'il y a aussi un jardin botanique, que nous n'avons pas vu. 
La végétation dans ce pays ne cesse de me stupéfier. Des pruniers, des arbres à pain, des goyaviers, des manguiers, des cocotiers couverts de lianes, de lierre, d'orchidées et de mousse, avec des fleurs comme on ne pourrait même pas en imaginer... Tout pousse sur tout ce qui pousse, partout, tout le temps. C'est vert vert vert, on se repose rien qu'en regardant.

C'est sans parler des plantes médicinales, qui donnent envie de ficher au panier toutes les saloperies qu'on nous prescrit et de déménager.
Aujourd'hui, quartier libre, je m'en vais m'étendre là, juste là, à l'ombre, devant la mer, et n'en plus bouger jusqu'au signal du départ.

jeudi 10 novembre 2011

Martinique

Me voici donc en Martinique, aux frais de l’Office du tourisme. Je ne voudrais surtout pas avoir l’air de me plaindre, mais cinq heures et demie de vol, ça me paraît longuet. Quoi ! C’est le même temps que pour se rendre à Londres ! Avec cela que, pour les vols dits continentaux, les transporteurs ne servent plus de repas – enfin, oui, mais moyennant finance, et pas à prix d’ami. Treize dollars pour un misérable plat de poulet qui a probablement la texture de la gomme à effacer, accompagné de riz et de macédoine surgelée. On se fout du monde ou quoi ?

Je subodore que, bientôt, nous devrons prévoir nous-mêmes nos réserves de papier toilette. D’ici à ce qu’on nous demande d’apporter notre chaise de jardin, il n’y a qu’un pas. 
Bref, j'y suis depuis dimanche, mais je n'ai pas eu le temps d'écrire une ligne. Nous sommes cinq journalistes ou blogueuses montréalaises, accompagnées par la version martiniquaise et masculine de la sémillante Gudrun (la guide bavaroise).

C'est un tout jeune homme prénommé Antoine, gentil, professionnel, organisé et en tout début de carrière. Ce dernier élément fait en sorte que, compte tenu de la précarité des emplois en métropole (oui, en Martinique, on ne dit pas en France puisque nous SOMMES en France), il a intérêt à mener son poulailler tambour battant, ce qu'il fait avec un doigté qui n'a d'égal que sa fermeté. Tous les matins, lever à 8h, petit-déjeuner, départ de l'hôtel à 9h, visite (d'une distillerie, d'un jardin, d'une fermette), repas, re-visite (d'une cascade, d'une plantation, d'une réserve naturelle), re-repas, dodo, et on recommence.

Demain, en principe, ce sera mieux, et samedi nous avons quartier libre.

Pour l'heure, nous mangeons et rions comme des baleines, surtout hier soir. Je ne sais pas ce que le garçon avait mis dans les apéros, mais nous étions franchement déchaînées, au grand désespoir d'Antoine, dont les patrons dînaient (ou soupaient, comme vous voulez) non loin de nous. Vous connaissez le goût des Français pour le décorum et le respect de la hiérarchie, le pauvre était dans ses petits souliers. Mais bon, nous l'avons rassuré: ses patrons, tout coincés soient-ils, ont certainement mieux aimé nous voir rigoler que nous ennuyer à 100 sous l'heure... Non?

Ah, ces Québécoises!

Je vous mettrais bien des photos, mais mes collègues et moi avons décidé de cuisiner dans la petite villa que nous occupons; elles ont commencé à préparer la salade (nous avons quartier libre aussi ce soir), et il faut que j'aille les superviser, vous savez bien.

samedi 29 octobre 2011

Un coup de foudre

Je savais que j'aimerais la Camargue.
En fait, c'est curieux, cela me vient d'un rêve de ma mère, que j'ai si peu connue. Elle disait: «Ah, les chevaux, la Camargue...»
Elle qui avait absolument peur d'absolument tout – notamment l'eau, les orages, les bêtes, choses inévitables en Camargue – rêvait peut-être de ce pays comme d'un idéal inaccessible.
Autant elle a eu l'intelligence de ne me transmettre aucune de ses peurs, autant elle a eu la sensibilité de me transmettre tous ses rêves. C'est donc un peu, beaucoup en son honneur que je suis allée dans ce pays beau et difficile comme un poème. Je peux maintenant dire qu'elle avait raison de l'aimer sans le connaître (comme si les rêves avaient besoin de raison!).
Quand j'ai quitté Françoise, cette femme extraordinaire qui nous a reçus comme des amis chers, traités comme sa famille, alors qu'elle ne savait rien de nous et que nous-mêmes ne savions rien les uns des autres (et peut-être de nous-mêmes), quand je l'ai quittée, j'ai pleuré un peu. Mais je me suis vite essuyé les yeux en me traitant de chochotte (ici, on ne donne pas beaucoup dans la sensiblerie, ce qui n'empêche personne d'être sensible). Elle a eu son bon sourire, celui de la femme qui comprend tout, nous nous sommes embrassées comme deux vieilles amies et je suis partie.
Maintenant, elle est condamnée à me revoir.

dimanche 23 octobre 2011

Des hommes et des bêtes

Je ne vous l'ai pas dit mais, la semaine dernière, avec mon ami Jean et sa douce, qui sont venus me rejoindre à Nîmes, nous sommes allés voir des courses camarguaises.
La course de taureau camarguaise n'est pas à proprement parler une course, encore moins une corrida, quoiqu'elle tienne un peu des deux. Hommes et taureaux y courent beaucoup, c'est vrai. Mais le taureau n'est jamais mis à mort. Ce serait plutôt un jeu dans lequel les hommes – les «raseteurs» – tentent de s'emparer de la cocarde, des glands et des ficelles attachés aux cornes de la bête. Chaque attribut a sa valeur, et plus la joute est longue, plus cette valeur augmente en fonction des enchères qu'y mettent divers commanditaires.
«En mémoire de la petite Manon, un euro de plus – les quincailleries du Sud, un euro de plus – Marcel Pignon, grand chasseur devant l'éternel, porte le premier gland à 20 euros», débite l'annonceur avec son bel accent de soleil. Dans les gradins, ça rigole, ça prend des notes, ça s'interpelle...
Le raseteur qui décroche l'attribut remporte la mise. Au bout d'un quart d'heure, le taureau est retiré de l'arène et, si personne n'a réussi à prendre les ficelles (les plus difficiles à décrocher), la somme en jeu va dans la caisse du club taurin.





Un bon cocardier meurt de sa belle mort dans sa manade (l'élevage). Si son propriétaire l'avait en grande affection, il sera enterré, DEBOUT, au lieu d'être lamentablement envoyé à l'équarrissage comme les taureaux de corrida, qui finissent bouffés en ragoût.

Pour tout dire, j'ai trouvé cela pas mal plus passionnant qu'un match de hockey: il faut de l'adresse, de la ruse et de l'endurance, mais il n'y a jamais de bagarre ni de gestes disgracieux.

Les chevaux
Avec l'élevage des taureaux, celui des chevaux est l'autre pôle de la vie rurale camarguaise. La race camargue est d'ailleurs l'une des plus anciennes du monde. Je pars tout à l'heure pour une manade, justement, à une petite quinzaine de kilomètres d'Arles, pour un stage d'une semaine où alterneront les activités de randonnée à cheval et de travail plus technique (maniabilité, dressage, parcours de pays...).Évidemment, je vous en reparlerai...

samedi 22 octobre 2011

Arles (bis)

Ce matin, tournée du marché d'Arles, le plus grand de la région. Il prend possession des boulevards qui ceignent la vieille ville, des deux côtés des deux trottoirs, dans une orgie de couleurs, d'odeurs et de sons dont je ne me lasse pas. Sur quelques kilomètres donc, quatre rangées d'étals où l'on trouve de tout, du jambon artisanal «de cochonne» (!) aux fromages fermiers en passant par les olives, les poissons, le nougat et les épices, mais aussi vêtements, vaisselle, brocante et autres colifichets.





Il y a là notamment, parmi les éventaires de produits biologiques, celui de monsieur Bon, producteur de riz à la retraite mais toujours ardent ambassadeur de cette culture somme toute relativement récente en Camargue. Je l'avais vu la veille dans son petit «musée du riz», sur la route de Sambuc, où il recevait toute une basse-cour de sexagénaires fort peu attentifs, mais je n'avais pas voulu le déranger puisque je savais qu'il serait au marché.
Son étal se trouve juste devant le bureau de l'Office du tourisme.
Là, M. Bon le bien nommé distribue à qui en veut, gratuitement, juste pour le plaisir de faire plaisir, de jolies barquettes en bambou remplies de riz complet (le seul qui vaille la peine d'être consommé, comme il dit), sur lequel il dépose, avec votre assentiment, deux beaux filets d'anchois au vinaigre. Il vous offrira aussi une «banderille» d'olives et de jambon cru, et même un verre de vin, et lèvera les yeux au ciel si vous le refusez: «Oh, il est midi!»
Monsieur Bon au marché d'Arles.
Il rigole derrière ses moustaches à la gauloise, explique, interpelle, donne des bisous à ses petits-enfants, fait des blagues à double sens, on ne se lasse pas de l'observer!

J'ai bien sûr été incapable de ne rien acheter, si bien que mon bagage s'alourdira de 1 kg de riz rouge, mais aussi de 165 g de nougat blanc, de 100 g d'épices qu'on m'a vendues à prix d'or (j'en ai vu deux fois moins cher 1 km plus loin, mais bon...) et de deux paires de lunettes trop mignonnes, à ajouter à ma collection.

Après, je suis allée faire un tour au musée de l'Arles antique, où l'on expose les plus belles pièces découvertes lors des fouilles archéologiques réalisées dans la région. Pas difficile de trouver: chaque fois qu'on donne un coup de pelle, ici, on tombe sur des vestiges vieux de 2000 ans... Encore l'an dernier, on a découvert un chaland au fond du Rhône, qu'on s'affaire à sortir de l'eau pour l'exposer au musée. Il était recouvert d'amphores, d'urnes et de toutes sortes de machins pratiquement intacts. Fou, non?

vendredi 21 octobre 2011

Arles

Il me semble que je suis arrivée à Arles comme dans un rêve. Je filais un mauvais coton, que je croyais dû à mes excès nîmois. Une bonne nuit de sommeil, me suis-je dit, et il n'y paraîtra plus.

Pantoute.

Le lendemain, j'ai dormi presque toute la journée. Je loge dans un hôtel splendide, pratiquement sur le toit d'une maison du XVIIe siècle. Ma chambre est pourvue de neuf fenêtres (NEUF!), j'ai une vue panoramique sur les toits de la ville, notamment sur le clocher du cloître Saint-Trophime, qui sonne matines, angélus et vêpres de sa cloche au timbre un peu fêlé...
Les toits d'Arles

Toits d'Arles, bis

Détail d'une colonne du théâtre romain

Je ne pouvais quand même pas me laisser mourir comme ça! Je me suis donc forcée à sortir vers 16h – au moins mettre le nez dehors, voir les arènes, quelque chose!

Rentrée tôt et épuisée, je me suis mise au lit à 21 h et j'ai dormi toute la matinée du lendemain. J'avais rendez-vous à 11h avec la dame de l'office de tourisme d'Arles, je me sentais comme un débris de déchet.

J'ai fini par aller voir un médecin hier.
Il suffit d'arriver à son cabinet et de s'asseoir. Pas de secrétaire revêche qui vous demande si vous avez un dossier ici, pas de chemises entassées dans des classeurs ouverts, pas de pauvres demi-humains exténués par cinq heures d'attente. Quand il a fini avec un patient, le médecin appelle simplement le suivant. Il serre la main de chacun avant et après la consultation, sans se désinfecter compulsivement au gel antibactérien entre les deux. Il a une moustache en guidon de bicyclette, son bureau sent la fumée de cigarette, il a un bon regard de saint-bernard.
Il m'a écoutée gentiment. «Oui, oui, sans vous connaître, je vois bien que vous avez l'air fatiguée.» Il m'a posé plein de questions, m'a auscultée comme plus aucun médecin ne fait chez nous, a trouvé que je faisais un peu d'hypertension et m'a prescrit un petit machin pour faire diminuer ça. Calme, attentif. «Il faudra quand même consulter quand vous rentrerez, pour vérifier tout ça.
– Merci beaucoup docteur, je vous dois combien?
– 23 euros.»

Y a des jours où j'aimerais mieux payer, tiens.

Bon, Arles, maintenant. J'ai fini, à force de coups de pied au cul (s'cusez) par explorer la vieille ville de fond en comble, notamment avec une guide très intéressante qui m'a montré plein de trucs qu'on ne voit pas au premier regard. (Le défi, maintenant, c'est de marcher le nez en l'air pour ne rien rater sans me casser la margoulette.)
Nous sommes même entrées chez un monsieur qui habite un hôtel particulier du XVIIe siècle, qui était sur le pas de sa porte pour appeler sa chatte, Merveille. Il nous a montré le plafond de bois peint à la mode florentine, à l'étage dit «noble».  Merveille aussi, en vérité.

J'ai recommencé à bouffer, ce qui est bon signe, mais je pense que même à l'article de la mort je finirais par avaler un petit quelque chose. J'ai notamment mangé hier une cervelle d'agneau en persillade, oh, mes amis! Fondante, crémeuse, onctueuse... Quoi? Beurk? Allons, vous ne savez pas ce qui est bon. Et un peu de cervelle ne saurait me nuire.

Aujourd'hui, je me suis encore botté le derrière, j'ai pris mon courage à deux mains et, de l'autre, le volant d'une Renaud Mégane (y avait pas plus petit), et je suis allée explorer l'arrière-pays. J'ai vu des flamants roses, des rizières, des montagnes de sel et des paysages de Van Gogh en trois dimensions. Et je ne prends même pas de drogue.
Près des marais salants

Montagne de sel

Montagne de sel (bis)
Van Gogh en 3D


Flamants roses à la Digue-à-la-Mer

Sur la route de Salin-de-Géraud

Je ne veux pas de Renaud Mégane (ça n'est absolument pas économique), mais je veux un GPS pour Noël. Avec une voix d'homme.

Bon, je vous laisse, j'ai un petit creux.

mardi 18 octobre 2011

Nîmes

Trop belle, la ville de Nîmes, et trop gentils les gens! Je logeais au Royal Hôtel (pourquoi pas l'Hôtel Royal? mystère), qui fait aussi bodega le soir, c'est-à-dire qu'on y sert des tapas, que la moitié de la ville s'y retrouve et que, comme le dit la patronne, c'est chaud!
Samedi, j'ai marché au hasard des rues pour trouver un resto où manger un morceau. Le vieux Nîmes se traverse en quelques minutes, c'est assez petit, tout dallé de vieilles pierres polies par les années. Il a la forme d'un triangle avec, à l'un des angles, les arènes (spectaculaires), à un autre la «maison carrée» et au troisième la porte Auguste. Facile!
J'ai donc échoué au Petit Mas, minuscule troquet qui empiète largement sur le trottoir et dont le personnel, plus que débordé, a quand même trouvé le moyen d'être gentil, sympa et rigolo. J'ai mangé une «gardiane de taureau» – en fait une viande en daube, correcte sans plus.
Quand je suis rentrée à l'hôtel, Audrey, la patronne, m'a gentiment offert de m'emmener aux halles le lendemain dimanche. Ce que nous fîmes.
Alors là. Là! Bon, vous connaissez mon goût pour les marchés, ceux de France en particulier... Les Halles de Nîmes sont bien proprettes, animées d'une vie particulière le dimanche matin (tous les magasins sont fermés ce jour-là). On y trouve tous les produits habituels et d'autres encore qu'on ne connaît pas: couenne en terrine (oui, juste de la couenne, et c'est délicieux!), picholines (les olives locales), tellines (minuscules coquillages apprêtés à la crème et à l'ail, qu'on mange avec les doigts sans pouvoir s'arrêter), brandade de morue aussi onctueuse qu'une crème du paradis...
Mais le clou de l'affaire, c'est que, quand on a fini ses courses, on se retrouve au Comptoir des Halles, un café juste en face du marché. Là, les gens déballent qui un paquet de jambon serrano, qui un sachet d'olives, un morceau de bleu, un pot de brandade, du pain acheté au poids au Panissain, on met tout ça sur le comptoir où officie Gérard, le propriétaire, et on partage. Gérard débite les verres de rosé à 1€, les «fœtus limés» (demi-whisky-limonade!), les pastis, prend une bouchée de quelque chose de temps à autre...
À l'heure de fermeture du marché, l'ambiance est à son comble, le bar est si plein qu'on a du mal à y circuler. Ça se salue, ça envoie des piques, ça offre une tournée... N'allez pas vous en tenir au Perrier, on vous regardera de travers: «Avé toutes ces bonnes choses, il faut du vin!»
Il y a Laurent, artiste-peintre, Dominique, qui affirme sans sourciller qu'il est ostéopathe mais que son vrai métier d'homme, c'est d'aimer les femmes. Il y a aussi Geneviève, dite Gene (prononcer «geneu»), patronne de l'un des rares restos nîmois ouverts le dimanche soir, où j'irai manger plus tard. On me présente Jean-Pierre, propriétaire de casino ambulant, on parle corrida, flamenco... bref, l'ambiance est à tuer.
Il a fallu une sieste de plusieurs heures pour me remettre de cette frénésie avant d'aller rejoindre Geneviève au Bistro Maubet, où se trouvaient déjà quelques clients au bar, à qui je me suis jointe comme une vieille connaissance.
Pfiou.
Arrivée à Arles hier, je n'en ai presque encore rien vu, mais je sais que c'est superbe rien qu'en regardant par l'une des 12 fenêtres de ma chambre, tout en haut d'une très vieille maison du XVIIe siècle.
Je vous en reparlerai...

jeudi 13 octobre 2011

Savoir-vivre

Arrivée vers 15h à Munich, hier, après un dîner avec deux responsables de l'aéroport, lequel est, en vérité, certainement le seul au monde où l'idée de tuer quatre heures n'est pas désagréable: boutiques de toutes sortes aux prix du centre-ville, authentique brasserie artisanale avec biergarten arboré dans un immense atrium, resto bavarois pas mal du tout...
Quoi qu'il en soit, avec tout ça, je ne suis arrivée à Munich qu'assez tard en après-midi – trop tard, en tout cas, pour aller voir la pinacothèque, où se trouve la collection de Rubens la plus importante au monde. Au MONDE! Je n'ai pas osé y entrer, je craignais de n'en jamais ressortir.
Je me suis donc contentée d'écumer quelques grands magasins – deux, en fait. Et partiellement. Le premier, Karstadt, doit faire au moins 15 pâtés de maisons. Bon, j'exagère, mais c'est si immense que même moi, championne magasineuse toutes catégories, je me suis découragée. Il faut dire qu'il n'y avait pas de soldes. J'ai ma fierté, quand même.
Après, j'ai échoué aux Galeries Kaufhof, où j'ai éprouvé le même vertige, d'autant plus que là, il y avait quelques soldes, notamment sur les pulls de cachemire. Mais avec mes hormones en grève, que voulez-vous que j'en fasse?
J'ai bien failli craquer pour une paire de chaussures (encore!), mais je me suis retenue – ma valise ne peut plus prendre ne fût-ce qu'un lacet. Je songe d'ailleurs à me renvoyer par la poste quelques trucs dont, dans ce merveilleux climat provençal, je n'aurai plus besoin, histoire de faire de la place.

Enfin.

J'ai donc arpenté la grande rue piétonne qui va de la gare centrale à la Marienplatz, qui grouillait de monde et de vie. Les villes européennes me séduiront toujours pour cela, ce mode de vie si convivial, où les gens se retrouvent à l'heure de l'apéro pour une bière, un café, une glace, emplissent les rues et les terrasses de conversations et de joyeuses interpellations...
Devant un grand magasin, un orchestre de chambre jouait. Avec un piano à queue! Dehors à l'extérieur au grand air sur le trottoir!



Une petite foule s'était massée, attentive, et de temps en temps quelqu'un allait jeter une pièce dans l'étui à violon posé par terre. Un piano à queue, faut le faire, non?
Il y a même des terrasses où l'on met des couvertures de laine polaire à la disposition des clients pour les protéger du froid. J'appelle ça savoir vivre.

Joies du train de nuit
Je dois le confesser, j'avais une hâte terrible de gagner mon compartiment couchette, dans le train de nuit pour Paris. La chef du wagon, une bonne grosse matrone à l'anglais approximatif et d'une gentillesse totale, a patiemment répété à chaque passager le fonctionnement des divers boutons des compartiments, a noté l'heure du petit-déjeuner de chacun, gut nacht, danke shön.

J'ai fermé ma porte, j'ai lu un peu et je me suis coulée avec délices dans de beaux draps blancs amidonnés, où j'ai dormi comme rarement dans ma vie.

Je me suis réveillée au matin, fraîche comme une rose, pour recevoir l'infâme petit-déjeuner gracieusement offert par la Deutsche Bahn – un café dégueulasse additionné de simili-lait, un croissant au gras trans sous cello, de la margarine, de l'ersatz de confiture, un petit pain rassis et une sorte de pâté qui sentait la nourriture pour chiens. On se croirait encore en temps de guerre.

Séduction à la française
Je suis maintenant à Nîmes, dans un très vieux et très charmant hôtel dont la salle à manger fait dans les tapas. C'est là que j'ai soupé, bien tranquillement, en lisant le roman allemand que nous avait conseillé une de nos guides à Schongau.
Un monsieur est venu me raconter toute une salade, comme quoi il me «mâtait» (sic) depuis un moment, et que j'étais très séduisante (!?) et qu'il aurait bien aimé passer un moment avec moi mais qu'il devait souper avec des amis, et est-ce que je serais là plus tard?
Pantoute, mon homme. Matante s'en va se coucher. Toute seule.

Mais c'est quand même bon pour l'ego d'une femme. Québécois, prenez des notes.

Demain, visite de la ville avec une chargée des relations de presse de l'office du tourisme. Pas moyen d'être tranquille...

mardi 11 octobre 2011

Luxe

Hier, nous avons roulé pendant trois bonnes heures et demie dans le fantastique paysage alpin. Enfin, je dis ça, on n'a rien vu parce que les sommets étaient noyés dans la purée de pois et qu'il tombait un crachin tenace, mais bon, ça ne peut pas être tous les jours fête. D'ailleurs, j'aimais autant ça, j'avais tellement sommeil que j'aurais souffert mille morts pour tâcher de rester éveillée afin de ne rien rater, alors que là, j'ai pu somnoler à loisir sans arrière-pensée, malgré les embardées de notre chauffeur, qui conduit son minibus comme un tracteur.

Nous logeons à l'Intercontinental, d'un luxe presque indécent. Rien que pour vous dire, à l'heure de l'apéro (que j'ai passée seule sur mon balcon en buvant du kombucha, je deviens tellement sage que vous n'en reviendriez pas), à l'heure de l'apéro, donc, deux charmants employés (une fille, un garçon) ont sonné à ma porte (sonné, oui, il y a une sonnette) pour le turn down service. Ça se traduit par: «préparation personnalisée pour la nuit». J'ai décliné l'offre sans trop savoir en quoi ça consistait, j'avais peur qu'ils me donnent un bain, me mettent en pyjama et me fourrent au lit (pas de mauvaises pensées ici, bande de malappris!) sans même me raconter une histoire. Sans blague. Il paraît qu'ils ouvrent le lit (comme si je ne pouvais pas le faire moi-même),  tirent les rideaux (mais et le coucher de soleil, alors?), allument les lampes et je ne sais quoi encore.

Je constate que, plus les gens ont du fric, plus ils sont traités comme de grands malades dans les endroits qu'ils fréquentent, ce qui confirme ma théorie: le fric rend débile.

Enfin. De mon balcon, j'ai tout de même pu observer le ciel bleu layette se zébrer peu à peu de nuages pêche au-dessus des pics enneigés. Vraiment spectaculaire.

Là, je rentre à peine, nous avons mangé au resto de l'hôtel (c'était délicieux, surtout le dessert – moi qui n'en mange jamais, j'en bouffe à tous les repas, j'espère que vous me reconnaîtrez à mon retour malgré mes 85kg). Je me sens pleine comme un oeuf, et il faut encore que je fasse ma valise (laquelle sera aussi pleine). Nous quittons demain Berchtesgaden (encore un nom que je n'arrive pas à retenir), où ce vieux salopard d'Hitler avait une résidence d'été et où on avait aussi construit le fameux Nid d'aigle, tout en haut de la plus haute montagne, pour lui qui avait peur des hauteurs et qui n'aimait pas la campagne. C'était un cadeau du parti nazi pour son 50e anniversaire, mais c'était surtout pour montrer ce petit Autrichien déplaisant sous un jour favorable aux Allemands, pour qui la région était un lieu de prédilection.
Toujours est-il que, après des années de tergiversations, on a décidé de construire ici cet hôtel de suuuuper-luuuuuxe, pour redonner au canton sa vocation initiale de villégiature haut de gamme et décourager le tourisme de mauvais aloi, genre pèlerinage néo-nazi. On a aussi créé un «centre de documentation» sur l'histoire du lieu, ce que nous irons voir demain avant de partir.

Je prends le train de nuit pour Paris en fin de soirée, j'aurai un après-midi de plus pour flâner à Munich.

Ben oui, ça pourrait être pire.

Auf wiedersehen.

dimanche 9 octobre 2011

Garmisch-Partenkirschen

Comment trouvez-vous mon accent allemand?
Personnellement, j'en suis assez fière, même si je n'ai pas encore réussi à dire d'un seul coup Ausgezeichnet (excellent) et Enschuldigung (pardon) avec le naturel et la spontanéité voulus, mais ça viendra. Je manque aussi encore un peu de souplesse pour le plus-que-parfait du subjonctif et quelques autres vétilles, mais j'espère régler ça avant mercredi, jour de mon départ.

Trêve de bêtises; aujourd'hui, je dois dire que j'ai pu profiter de l'une des plus belles randonnées qu'il m'ait été donné de faire depuis un moment (d'autant plus qu'il y a vraiment un sacré bail que je n'en ai pas fait).

Nous avons longé le Partnach, un torrent qui dévale la montagne au fond d'une étroite gorge, au pied des Alpes. Au bout d'une heure et demie de montée, on arrive dans une vallée où l'on ne peut pas s'empêcher de fredonner les grands succès de La Mélodie du bonheur. Les moutons à clochettes, les maisons aux balcons ouvragés tout fleuris, la neige qui coiffe les austères sommets alpins...  que voulez-vous? Me voyez-vous, en dirndl, en train de tournoyer joyeusement dans les alpages comme Julie Andrews?
Fabienne en Dirndl
Riez, riez, n'empêche que, vous saurez, le dirndl et le lederhose (costume traditionnel masculin) se portent encore couramment lors des fêtes populaires et de l'Oktoberfest (lequel, comme on sait, a lieu en septembre).

Bref, au retour de cette randonnée ausgezeichnet, nous avons visité les petites villes de Garmisch et de Partenkirschen, maintenant jumelées et qu'on appelle familièrement Gapa, sans doute pour imiter Homa, le diminutif d'Hochelaga-Maisonneuve (amis étrangers, n'essayez pas de comprendre).
Au passage, j'ai aperçu trois jeunes hommes vêtus bizarrement – pantalon noir à pattes d'éléphant, chapeau melon, veste noire – qui portaient chacun un baluchon. J'ai d'abord pensé à quelque trio de musiciens costumés qui s'en allaient donner un spectacle, mais pas du tout.
Vous souvenez-vous, dans les contes de Grimm, quand un jeune homme se faisait dire par ses parents: «Fils, tu es en âge d'aller courir le monde, va-t'en par les chemins, tu reviendras quand tu seras un homme!»? (Bon, je paraphrase, hein.)
Eh bien cette coutume, en Allemagne, existe toujours. Ces jeunes gens sont des apprentis (menuisiers, cordonniers, boulangers, que sais-je). Vêtus de ce costume traditionnel qui permet de les reconnaître comme tels, ils vont de ville en village, pour se placer chez un maître, qui les fera travailler contre le gîte et le couvert. C'est pourquoi on trouve, à l'entrée des villages, ce qu'on appelle un «arbre de mai», ou mât de cocagne, auquel sont fixées les enseignes de tous les artisans qui tiennent boutique. Ainsi les apprentis peuvent-ils savoir s'ils ont des chances de trouver un patron qui les emploiera.
C'est pas beau, ça?

Bon, je vous mettrais bien des photos, mais nous partons demain matin à 8h pour je ne sais plus très bien où – j'ai la flemme d'aller chercher le programme, et puis la batterie de mon ordi faiblit (la mienne aussi, d'ailleurs).

Bis bald!

samedi 8 octobre 2011

Liberté

Aujourd'hui, premier après-midi de liberté. Je suis allée au marché, comme de raison. J'aurais voulu y aller en matinée pendant que les autres allaient au musée BMW, mais il faisait un temps de fin du monde, la pluie fouettait les vitres de ma chambre quand je me suis réveillée. Mettre le nez dehors tenait du suicide. J'ai donc suivi notre petite meute au musée, et bien m'en prit. Le lieu est magnifique, épuré, intelligent, innovateur... Je me fiche pas mal des voitures en général, mais BMW réussit à intéresser le public le plus indifférent.


Après, dîner dans un gril très chic où j'ai mangé... une salade. De légumes grillés, mais quand même, il fallait être dans un gril pour ça! Je suppose que j'ai ma dose de vitamines pour le reste du week-end.

Ensuite, donc, on nous a libérées pour l'après-midi, et je suis allée musarder au marché, très chouette, au coeur de la vieille ville – ou de ce qu'il en reste, puisqu'elle a été détruite à 65% pendant la guerre.
Les étals de schwein (porc) sous toutes ses formes pullulent, évidemment, mais aussi les fruits, les légumes, les fromages... J'en déduis que les Allemands ne mangent pas que de la choucroute, ça me rassure.






J'en ai aussi profité pour faire l'acquisition d'une ravissante paire de chaussures italiennes au look montagnard, en prévision de la randonnée de à Garmisch Partenkirschen (admirez mon accent), là où ont eu lieu les derniers championnats de ski alpin, si je ne m'abuse. Je serai d'un chic tout munichois.
Non, je ne vais pas essayer le tremplin, merci beaucoup.

Ah, et là-bas, pas de wi-fi, alors ne vous inquiétez pas si je ne donne pas de nouvelles. Je n'essaierai pas le tremplin, vous dis-je!

Alors comme nous nous lèverons aux aurores demain matin et que ma valise n'est pas bouclée, je vous laisse là-dessus, non sans tenter de vous mettre quelques photos. J'aurais aimé le faire avant, mais mon fil USB n'a accepté de fonctionner qu'aujourd'hui.
Auf wiedersehn!

vendredi 7 octobre 2011

Efficacité germanique

Aujourd'hui, visite de la ravissante ville de Füssen, où nous sommes arrivées avec une petite demi-heure de retard sur l'horaire prévu. Notre guide, Gudrun (ça ne s'invente pas), nous a regardées sévèrement par-dessus ses lunettes et, après nous avoir demandé d'un œil suspicieux la raison de notre retard, nous a menées au pas de charge à travers les rues de la cité médiévale.
Gentiment et avec le sourire, oui, mais il n'y avait pas une minute à perdre:
ici, le cloître, roman, le cloître. Là, le château, plus loin, la rivière, là-bas, les Alpes. Voyez les ornements en trompe-l'œil, les fenêtres en encorbellement, la chapelle rococo.
Bon, c'est pas tout ça, hop, hop, faut être au château de Neuschwanstein à 15h15 pile, et d'abord manger.
Ça s'est passé si vite, je crois que toutes mes photos seront floues (même pas eu le temps de les regarder). Dommage, c'est justement un endroit où on aimerait flâner. Joli, joli, le décor des contes de Grimm.
Il faut dire, il faisait un temps de chien, froid et pluvieux, mais tout de même.
Au resto, j'ai pris des kässpätzle, probablement ancêtres de tous les macaronis au fromage de la planète (en meilleur, quand même).

Légume du jour: oignons poêlés. On ne s'étouffe pas avec les petits pois, dans ce pays. Ni avec les asperges, le brocoli ou tout autre végétal susceptible de contenir un peu de chlorophylle.
Pourtant, à en juger par la forme de Gudrun, née pendant la guerre et qui   caracolait devant nous en piaffant comme une pouliche dans la montée jusqu'au château de Neuschwanstein, ça n'a pas l'air de leur manquer.
Donc, on a mangé en quatrième vitesse, expédié les politesses avec le patron de Gudrun, venu gentiment nous accueillir et nous parler de la région (elle a trouvé qu'il faisait trop long!), et on a filé au château de Neuschwanstein, construit au pied des Alpes par Louis II de Bavière.
Le pauvre, il avait sûrement un grain.
Construire un pareil ramassis de clichés médiévaux, en plein XIXe siècle... Il se prenait pour Lohengrin, ou pour Perceval, et voulait recréer la grandeur des rois et des chevaliers du Moyen-Âge. Bon, je résume grossièrement, hein, il est tard.
On ne sait trop s'il a vécu seul parce qu'il était fou, ou s'il était fou parce qu'il vivait seul, mais toujours est-il qu'il s'est retrouvé roi à 18 ans, pas du tout préparé pour cela, qu'il a été brièvement fiancé à la sœur de Sissi, qui était non seulement bel et bien bavaroise (contrairement à ce que j'ai écrit l'autre jour, abusée par le fait qu'elle a régné sur l'Autriche et la Hongrie), mais aussi, tenez-vous bien, sa cousine.
Bref, le pauvre Louis a rompu les fiançailles (on dit qu'il était gai) et s'est replié dans ce sinistre château qui a dû coûter une fortune au bon peuple de Bavière, et qui n'a jamais été terminé. On a fini une aile ou deux pour faire joli, mais elles sont vides de chez vide.
Quant à Louis, il a été trouvé mort dans le lac de la propriété où on l'avait enfermé la veille pour aliénation mentale. Son psychiatre était mort aussi, noyé. Le mystère règne toujours sur ce qui s'est vraiment passé.
Le château est plus beau de loin que de proche, et là aussi la visite se fait au pas de charge, qui plus est au milieu d'armées de Japonais bien désemparés (pas le droit de prendre de photos).
Drôle de truc.

Nous sommes revenues à Munich sous la pluie, tout le monde dormait dans le minibus, épuisées par le cardio extrême que nous avait imposé Gudrun.
Pour souper: assortiment de saucisses servies dans un bol d'eau bouillante, accompagnées d'un bretzel. Ça non plus, ça ne s'invente pas. Ah, et il y avait de la moutarde.

Gastronomie teutonne, quoi.

mardi 4 octobre 2011

C'est reparti!

Voilà, je repars, cette fois à titre de vraie de vraie journaliste, affectée pour trois mois au cahier Vacances/Voyage de votre quotidien préféré.

(YAYY!!!)

Je passerai d'abord une semaine en Bavière. J'ai écrit hier que j'y serais  en plein Oktoberfest. Erreur. Comme son nom l'indique, la fête a lieu en septembre (et la fameuse exactitude germanique, alors?) et se termine le premier week-end d'octobre. Tant mieux, je sens que j'en aurais bavé (d'où le nom de Bavière, sans doute). C'est un voyage dit «de presse», nous serons donc quatre journalistes gâtées-pourries à nous faire promener par monts et châteaux. Thèmes du circuit: Route romantique et Route des Alpes. M'en vais me prendre pour Sissi dans des châteaux de contes de fées (je sais, elle était  autrichienne, et alors?), manger de la choucroute et admirer les vaches à clochette dans les montagnes.

Après, train de nuit Munich-Paris, puis direction Nîmes, Arles, Marseille, avec arrêt dans une manade (l'équivalent camarguais d'un ranch, si vous voulez), où j'apprendrai à soigner un cheval, à le seller et à le monter convenablement.

À moi la bouillabaisse, les marais salants et les arènes romaines! Je me demande si je pourrai visiter Tarascon, ville du valeureux Tartarin. J'aurais aimé aller à Aubagne, en hommage à Pagnol. Mais on ne peut pas tout faire...

La logistique «valise», en l'occurrence, s'avère particulièrement délicate. Songez un peu: restaurants chics et temps de chien en Bavière (on prévoit 9° et de la pluie pour la majeure partie de la semaine), puis chaleur, promenades urbaines et équitation dans le Midi (il fait 29° à Arles). La quadrature du cercle, à côté de ça, me paraît bien banale.

Enfin. L'éventuel contenu de mon bagage est empilé là, à côté de la valise béante (noire) dans laquelle, évidemment, un chat (blanc) n'a pas manqué de se coucher, façon poule couveuse.

J'ai inventorié quinze fois ma garde-robe et mes tiroirs aujourd'hui, rien ne va. Ça va encore finir par un jean ou deux, des tas de trucs superflus, trop de chaussures et pas assez de place pour rapporter tout ce que je verrai de beau là-bas. Je vais pourtant finir par me dompter?

Eh. On ne sait jamais.

Je vous mettrai des photos (pas de ma valise, voyons!). Là, Tatie se couche, elle est morte.

lundi 25 avril 2011

Faux départ

Hier, jour de Pâques, branle-bas de combat sur les routes et au terminus d'autobus: tout le monde rentre chez soi en cette fin de vacances. Résultat: pas moyen de trouver des places pour Tunja. Nous avons donc dû rester une nuit de plus à San Gil, et nous devrons nous passer de Villa de Leyva parce que la route est bloquée par un éboulis. Zut!
En tout cas, nous avons mangé hier soir des testicules de taureau (mais s'il n'a plus ses testicules, ce n'est plus un taureau, non?) et bien rigolé avec notre jeune serveuse lorsqu'elle nous a dit, hilare, ce qu'étaient les criadillas que nous avions commandées sans savoir.
Nous partons tout à l'heure pour Tunja, donc, un voyage de quatre heures par monts et par vaux. Je ne m'habitue pas à la facon de conduire des Colombiens – heureusement que je ne suis pas nerveuse.

samedi 23 avril 2011

San Gil et Barichara

Le marché de San Gil
Nous sommes arrivés hier à San Gil, une petite ville coloniale très vivante, très sympathique, au terme d`un voyage qui tient presque de l'épopée. Le car de nuit que nous avions pris à Valledupar a été arrêté en rase campagne par  des soldats en armes qui ont fait sortir tout le monde, ont aligné les hommes contre l'autocar pour les fouiller comme des bandits et ont inspecté l'intérieur du bus sans qu'il y ait moyen de savoir ce qu'ils cherchaient.
Arrivés à Bucaramanga, autre surprise: le terminus était fermé pour cause de jeudi saint. Donc, pas de bus pour San Gil! Mais ce n'est pas un petit contretemps de rien du tout qui allait nous arrêter. Nous avons pris un taxi vers le centre-ville en nous disant qu'il y aurait sans doute des taxis collectifs quelque part. Comme de juste, nous avons pu nous entasser à 20 dans un minibus, qui a parcouru une route sinueuse à souhait dans un fantastique paysage de montagnes coiffées de nuages, parsemées d'haciendas au toit de tuiles rouges.

Il y a en ce moment à San Gil un festival de musique. Tout à l'heure, nous sommes entrés par hasard dans le centre d'histoire de la ville (une magnifique hacienda toute fraîche aux épais murs chaulés où l'on verrait bien Zorro faire la cour à sa douce). Un petit orchestre y était en répétition en prévision du concert de ce soir. Nous avons appris que c'est l'un des meilleurs groupes de musique colombienne au pays. Nous avons donc eu droit à un petit concert privé, c'était charmant.
Nous arrivions tout juste de Barichara, à quelques kilomètres de San Gil, un adorable village colonial dont voici quelques images.





Clocher à Barichara.

Ouvrier au travail dans le cimetière de Barichara.
Même mort, un Colombien ne se sépare jamais de son chapeau.





Voilà. Demain, départ pour Tunja et Villa de Leyva, deux villes coloniales juchées dans les montagnes.

mercredi 20 avril 2011

De retour de nulle part

Nous voici à Valledupar, capitale de la musique vallenata, où nous allons malheureusement manquer le festival que l'on y consacre, qui commence le 26. Dommage, je suis certaine que ca  aurait été sympa, cette musique va me rester dans les oreilles pour toujours.

Nous avons donc passé deux jours dans la péninsule de La Guajira, qui sera un jour à la Colombie ce que la Gaspésie est au Québec. En attendant, on y arrive au bout de deux heures par une route défoncée, dans un taxi collectif ou une camioneta surchargée qu'on prend à Uribia, un bourg frontalier avec le Venezuela. Jamais vu un lieu plus chaotique, plus déglingué que cet endroit. Il faut dire que nous avons débarqué en plein marché - les chevreaux attachés par les pattes entassés près du camion qui les emmènera à l'abattoir, les appels des marchands de rue, les klaxons des taxis, la poussière, les vélos, les camionetas invraisemblablement bourrées de gens et de bagages qui s'ébranlent aux deux minutes à destination de La Guajira...

Un peu étourdis, nous n'avions pas eu le temps de nous reconnaître que déjà quelqu'un nous prenait nos valises, les jetait à l'arrière d'un 4x4 et nous poussait à l'intérieur, où se trouvaient déjà quatre très beaux et très sympathiques jeunes Bogotanos en vacances. Et vogue la galère! La route est affreuse, en terre jaune, parfois coupée d'une vaste flaque de boue que Maiker, notre chauffeur, traversait en sifflotant. De temps en temps, un chevreau quittait le milieu du chemin en courant pour aller retrouver sa mère. S'il échappe à cette mort par collision, il n'échappera pas à la casserole: le chiche (chevreau mijoté lentement dans sa propre graisse, avec les abats) est un plat très prisé (et délicieux).

Maiker nous a déposés devant une posada tenue par une forte femme qui mène son affaire tambour battant. Nous avons dormi dans des hamacs (c'est que nous commençons à y prendre goût!), pas fait grand-chose hormis boire de la bière, placoter avec nos jeunes amis de Bogotà, aller à la plage, manger et dormir.

J'ai bien failli commettre un crime ce matin quand, à 5h, nos voisines de hamac (une mère de 30 ans qui se prenait pour Shakira et sa mongole de fille de 13 ans qui se prenait pour sa mère, les deux adulées par les parents de Shakira) se sont mises à jacasser comme si elles étaient seules au monde, alors que nous étions bien une dizaine de personnes à dormir sous cet abri fait de lattes de cactus. (Il ne faut pas être trop jaloux de son intimité, disons.) Elles se sont levées en papotant, ont papoté en faisant leur bagage, se sont toilettées en papotant, et ont continué de papoter malgré quelques requêtes polies de ma part. En fin de compte, elles m'étaient pas pressées du tout puisqu'elles ont déjeuné en même temps que nous. Avant de partir, j'ai eu envie de desserrer discrètement les noeuds qui retenaient leurs hamacs pour qu'elles tombemt sur leurs petits culs de pétasses en se couchant ce soir, mais je me suis retenue.

Je le regrette encore.

Bref, nous sommes à Valledupar, une ville qui nous semble étonnamment disciplinée après les derniers jours. Demain, en route pour Barichara, ville coloniale dont on dit beaucoup de bien.

Je vous reparle de La Guajira plus tard, mon homme s'impatiente, et puis c'est l'heure de la sainte Bière.

Hasta Luego!

samedi 16 avril 2011

Santa Marta

Pas de vacances pour les fourmis!
Nous avons quitté Carthagène en bus, direction Santa Marta, station plus ou moins balnéaire dont la plage, précisent les guides, n'est plus guère propre qu'à la promenade. La route dure quatre heures, avec pause à mi-chemin. Nous en avons profité pour nous sustenter un tantinet et avons fait l'achat de deux empanadas, farcies d'à peu près tout ce qu'on peut mettre entre deux rangs de pâte frite: oeufs, saucisse, poulet, boeuf. Arrosé d'un jus carotte-orange, ça nous a tenu au ventre pour le reste de la journée.
À Santa Marta, nous avons trouvé un petit hostal sympa tenu par un Irlandais architecte (ou vice versa) et décoré à l'avenant. Murs blancs, portes de bois teint noir, tout très simple, très élégant, de loin ce que nous avons eu de plus luxueux depuis le début de ce voyage, pour la somme exorbitante de 60 000 pesos la nuit (30$).
Il y a un autre hostal absolument ravissant tenu par un couple de jeunes Français, dont la jolie patronne nous a indiqué un resto où déguster du poisson. Dare dare, nous nous y sommes rendus. C'est une petite gargote de quartier, grande comme la main, qui ne paie pas de mine, mais nous y avons bien mangé, Pierre une cazuela de mariscos (soupe de fruits de mer), moi un filet au gril, avec une bouteille de vin chilien. Nous étions attablés avec un Irlandais très rigolo. Une belle soirée.
De retour à l'hôtel, je me suis mise à me sentir, oOoOoohhhh... pas très bien.
Au milieu de la nuit, j'ai fini par rendre tout mon souper, service compris. Pierre a aussi été malade, nous avons passé la journée à dormir.
J'accuse les empanadas.
PLUS JAMAIS!

Le lendemain, nous nous sentions déjà beaucoup mieux, nous avons donc pris le chemin du parc de Tayrona, dont on dit le plus grand bien. Il faut pour s'y rendre faire une bonne heure de bus, puis prendre un colectivo, puis marcher une heure et demie avant d'arriver à une posada où l'on vous loue pour la nuit un hamac tendu sous un abri de palme grillagé.
Le bus pour se rendre à Tayrona


Là, la mer est si agitée qu'il est interdit de se baigner. Il faut marcher une vingtaine de minutes jusqu'à une anse plus propice à la baignade. Mais de microscopiques moustiques attendent le gringo et sa peau tendre. Il fallait voir ces peaux constellées de boursouflures! Bref, nous ne sous sommes pas vraiment attardés. Nous sommes rentrés à la posada, l'extinction des feux est prévue pour 20h. Extinction des feux à 20h il y eut. Nous avons passé la soirée à nous balancer doucement dans nos hamacs en placotant en attendant le sommeil. Il a plu à boire debout la nuit durant, de temps en temps un bourricot poussait un braiement qui semblait d'ennui... Contre toute attente, nous avons très bien dormi!
Nos hamacs
Nous sommes rentrés à Santa Marta aujourd'hui, sales comme des bûcherons - heureusement, nous avions troqué l'heure et demie de marche à pied pour une agréable balade à dos de cheval: le sentier était un ruisseau de boue et de crottin où je m'avais aucune envie de m'enliser. Ces robustes petits chevaux ont le pas sûr et l'habitude du chemin, pourquoi se compliquer la vie?
Demain, en route pour La Guajira, le point le plus au nord de l'Amérique du Sud. Y vivent les Wayus, aborigènes assez indépendants et fiers qui ne sont pas, dit-on, toujours commodes. Nous verrons bien.
Hasta luego!
Vu de la salle à manger, à la posada Paraiso.